Abu Mohammed al-Joulani a été incarcéré dans une prison en Irak de 2006 à 2011. Après sa libération en 2012, il a fondé le Front al-Nosra en Syrie, comme branche d’al-Qaeda destinée à lutter contre Bachar el-Assad, considéré comme l’ennemi des États-Unis, de l’Europe occidentale, de l’Arabie saoudite, du Qatar, de la Turquie mais peut-être surtout de l’État sioniste. Cinq ans plus tard, Al-Nosra, désigné comme organisation terroriste par les Nations Unies et de nombreux pays dès 2013, s’est rebaptisé Front Fatah al-Sham puis Hayat Tahrir al-Sham (HTS), toujours sous la direction d’Abu Mohammed al-Joulani. Et ce dernier s’est récemment lui-même rebaptisé Ahmed al-Charaa.
Mais Charaa, a renversé le président Bachar el-Assad, au pouvoir depuis longtemps, en décembre 2024. Depuis leur bastion d’Idlib, les combattants d’al-Charaa, précédemment pris en main par les forces turques et autres services spéciaux, ont lancé leurs assauts sur plusieurs villes et voies de communication, atteignant la capitale Damas et s’emparant du pouvoir sans rencontrer de véritable résistance en cours de route.

Sa désignation comme organisation terroriste en raison de ses liens avec al-Qaeda, a été levée par les États-Unis en juillet dernier, Washington ayant assoupli sa position envers la Syrie après la chute d’Assad. Et la prime de 10 millions de dollars offerte par les États-Unis pour la tête d’al-Charaa a également été annulée.
Ahmed al-Charaa à la Maison Blanche
Le 7 mai 2025, Ahmed al-Charaa s’était rendu en France, où il avait été reçu par Emmanuel Macron pour sa première visite en Europe. Ce 10 novembre, al-Charaa a reçu son brevet de « jihad-washing », invité du président américain Donald Trump qui l’a reçu à la Maison Blanche et a salué le président syrien Ahmed al-Charaa comme un « dirigeant fort ».

« Les gens disent qu’il a eu passé difficile… nous avons tous un passé difficile (…) C’est un dirigeant très fort. Il vient d’un milieu très difficile et c’est un homme de caractère. Je l’apprécie. Je m’entends bien avec lui », a déclaré Trump aux journalistes dans le Bureau ovale à propos d’Al-Charaa. « Nous voulons voir la Syrie devenir un pays prospère, et nous pensons que ce dirigeant en est capable », a-t-il ajouté.
Hier, le compte X (ex-Twitter) « French Response », « compte officiel de riposte du Ministère français de l’Europe et des affaires étrangères », s’est fendu d’un message approbatif de la réception d’al-Charaa à Washington, des plus lèche-babouches et lénifiant :
« Aujourd’hui, à peu près tout le monde accepte sans problème de dialoguer avec les autorités syriennes. @POTUS a rencontré hier le président de la transition syrienne, Ahmad al Charaa. Notre position a toujours été claire : engager le dialogue, protéger nos intérêts et faire réussir la transition syrienne. Unis pour la paix. »
Quelques jours avant la rencontre, al-Charaa avait échangé quelques paniers de baskets avec des officiers américains supérieurs du CENTCOM (United States Central Command) à Damas.
« Son parcours, de chef rebelle à chef d’État, est l’une des transformations politiques les plus spectaculaires de l’histoire du Moyen-Orient », avait déclaré l’ancien directeur de la CIA, David Petraeus, lors d’un forum à New York en septembre, auquel assistait également al-Charaa. Petraeus a indiqué que le Syrien comptait « de nombreux admirateurs » et qu’il en faisait partie. « En fin de compte, votre succès est notre succès, merci, Monsieur le Président », a conclu l’ancien directeur de la CIA.
Le général américain David Petraeus est celui qui avait arrêté al-Charaa il y a des années, alors qu’il commandait les forces américaines lors de l’invasion de l’Irak, et qui est devenu par la suite directeur de la CIA… Avaient-ils déjà échangé ensemble quelques paniers dans les prisons d’Abou Ghraib et Camp Bucca, en Irak occupé ?
Le jihad-washing d’al-Charaa et HTS
Quelques jours avant la visite, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’ONU ont retiré al-Charaa et son groupe islamo-jihadiste HTS de leurs listes d’organisations terroristes. Washington a prolongé de 180 jours supplémentaires la suspension des sanctions contre la Syrie et a autorisé le régime « à reprendre les activités de son ambassade à Washington afin de renforcer la coordination en matière de lutte contre le terrorisme, de sécurité et d’économie »…
Après sa visite à Donald Trump, s’adressant à une agence de presse, al-Charaa a décrit son ancienne affiliation jihadiste comme « une affaire du passé ». Interrogé sur un éventuel lien avec les attentats du 11 septembre perpétrés par al-Qaeda, il a nié toute implication : « Je n’avais que 19 ans. J’étais très jeune. Je n’avais aucun pouvoir de décision à l’époque. Je n’y suis pour rien. al-Qaeda n’était pas présente dans ma région à ce moment-là ».
On ne s’étonnera pas de l’acceptation de cet argumentaire bien faible par la partie américaine. Il n’en faut pas autant pour être éliminé par les Yankee sans même un procès lorsque leurs intérêts économiques ou géopolitiques divergent. Saddam Hussein ou Khadafi, eux, n’avaient véritablement aucun lien avec al-Quaeda ni ADM (Armes de destructions massives), mais ils n’étaient pas particulièrement friands des agissements sionistes au Proche-Orient…
Dans le cas présent, les États-Unis n’avaient pas attendu cette « explication » pour apporter leur aide à al-Joulani en Syrie.
Al-Charaa a alors plaidé pour la nécessité d’une coordination syro-américaine contre l’État islamique ! Et les médiats américains ont rapporté ensuite que la Syrie rejoindra officiellement la coalition dirigée par les États-Unis qui combat Daech. La grosse blague ! Une sorte d’alliance objective contre la concurrence déloyale entre faiseurs de chaos et de barbarie finalement…
Le véritable but de la réception d’al-Charaa : les Accords d’Abraham
Lors de sa visite, al-Charaa a exprimé l’espoir que Trump puisse l’aider à négocier un accord avec Israël, qui a étendu son occupation du sud-ouest de la Syrie en 2024.
Le but de cette visite était bien de préparer l’ouverture d’un nouveau cycle de pourparlers syro-israéliens dans un contexte d’optimisme exprimé par l’envoyé spécial américain pour la Syrie, Thomas Barrack, quant à la possibilité de signer un accord entre Damas et Tel-Aviv avant la fin de l’année, ce qui pourrait mener à une normalisation complète des relations, selon ses propres termes.
Les Etats-Unis, eux, prévoient d’établir une base militaire près de Damas, « pour observer les développements entre la Syrie et Israël ».
On se doutait bien que ce n’était pas le sort des différentes communautés non sunnites et non jihadistes en Syrie qui préoccupait la Maison Blanche. L’actuel « ministre » de la Défense d’al-Charaa n’est autre que Mourhaf Abou Qasra, connu également sous le nom de guerre d’Abou Hassan al-Hamwi, a été le commandant militaire du Front al-Nosra, puis de Hayat Tahrir al-Sham. Et malgré les promesses d’al-Charaa de construire une « société inclusive », son pouvoir reste marqué par des exactions et vagues de violence des forces de son régime, ou de groupes qui lui sont proches et plus ou moins affiliés, contre les Alaouites, les Druzes, les chrétiens, les chiites, les Kurdes ou les Yezidis. Outre les massacres des années Daesh, les tueries consécutives à la chute de la Syrie d’Assad ont fait au moins 1.700 morts connus.
Pour être complet, nous n’ignorons pas qu’Al-Charaa avait aussi rencontré le président russe Vladimir Poutine à Moscou le mois dernier. Un Poutine décevant sur ce point, certes, mais au moins qui n’a pas obtempéré aux demandes syriennes de leur livrer Bachar el-Assad auquel la Russie a donné asile, ni aux demandes d’extradition françaises dans le même sens d’ailleurs, Bachar étant l’objet de 4 mandats d’arrêt délivrés par des juges d’instruction à Paris. L’honneur est sauf, la « realpolitik » commande le reste : après cette visite d’al-Charaa à Moscou, la Russie a repris les vols vers la base aérienne de Khmeimim dans l’ouest de la Syrie, qui avaient été suspendus en 2024.
Tout ça finira mal, évidemment, comme d’habitude avec les contorsions géopolitico-pétrolières des États-Unis dans la région pour les beaux yeux de l’Entité sioniste. Et pour al-Charaa aussi, comme d’habitude pour tous les « amis » des Yankee.
Mais ce ne sera qu’une maigre consolation pour toutes les victimes en France, en Europe et ailleurs des agissements des islamo-terroristes entre temps blanchis.
































Jeune Nation TV










