L’Afrique réelle, n°143, novembre 2021, 45 € annuel
Numéro spécial : Le contentieux algéro-marocain
Sommaire :
Algérie :
– Emmanuel Macron a-t-il eu raison de s’interroger sur l’existence de la nation algérienne avant 1830?
– A la recherche du fantôme de la « Nation » algérienne
Dossier : Par refus de voir la réalité ethnique, la France a été poussée hors du Mali
– L’islamisme n’est pas la cause profonde de la guerre
– La guerre du Mali a débuté en 1963
– Les 8 principales erreurs politiques françaises
Éditorial de Bernard Lugan
Parenthèse au milieu d’une longue et insupportable litanie de repentance, Emmanuel Macron a jeté un gros pavé dans la mare des relations entre Paris et Alger. En s’interrogeant sur l’existence de la « nation algérienne » avant la conquête française de 1830, il a en effet frappé au cœur la fausse histoire de l’Algérie. Cette histoire reconstruite sur laquelle repose la « légitimité » des profiteurs de l’indépendance (voir à ce sujet mon livre Algérie, l’Histoire à l’endroit) qui, depuis 1962, mettent le pays en coupe réglée après avoir dilapidé l’incomparable héritage laissé par la France.
Dans sa conférence de presse du 16 septembre 1959, le général De Gaulle disait la même chose :
« Depuis que le monde est le monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni, à plus forte raison, de souveraineté algérienne. Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes syriens, Arabes de Cordoue, Turcs, Français, ont tour à tour pénétré le pays, sans qu’il y ait eu, à aucun moment, sous aucune forme, un Etat algérien ».
Au Mali, pourquoi, dix ans après avoir été applaudie, lors du déclenchement de l’Opération Serval, la France y est-elle désormais détestée ? Pourquoi une aide salvatrice dans laquelle elle a laissé 52 de ses meilleurs enfants et des dizaines de mutilés, s’est-elle transformée en entreprise « néo-coloniale » aux yeux des Maliens ? Pourquoi les dizaines de milliers de déserteurs maliens installés dans la région parisienne et qui laissent les militaires français se battre à leur place osent-ils critiquer la France ? Pourquoi un tel retournement de situation ? Pourquoi un tel échec politique ?
La réponse est pourtant claire : par refus idéologique et dogmatique de prise en compte du réel ethnique au profit des éternelles nuées démocratiques. Si les dirigeants français avaient eu un minimum de culture, ils auraient pu méditer cette phrase écrite dans le rapport de 1953 du Gouverneur général de l’AOF, précisément au sujet des pays du Sahel :
« Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte ».
Tout est dit dans cette phrase qui explique en quelques mots l’échec actuel de la France dont les dirigeants n’ont pas vu que nous n’étions pas face à une guerre religieuse, mais face à une guerre ethno-raciale millénaire dans laquelle les islamistes se sont insérés. Comme je ne cesse de le dire depuis le début de la guerre, dans toute la BSS, l’islamisme n’est en réalité que la surinfection d’une plaie ethnique historique. Mais encore faut-il ne pas refuser de le voir. Et là encore je dois renvoyer à mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours dans lequel cette problématique millénaire est longuement expliquée.
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Ce fut le Général Antoine Schneider, Ministre de la Guerre qui officialisa l’appellation « Algérie », par un courrier du 14 octobre 1839 adressé au Maréchal Valée, gouverneur de ce qui avait été jusque là la « Régence d’Alger ». Ce document officiel constitue l’acte de naissance de l’Algérie, créée et délimitée par la France à partir du néant !
Mais, parce qu’il fallait une instance supérieure aux rivalités tribales, l’Algérie créée par la France ne pouvait exister qu’en tant qu’Algérie Française intégrée dans une souveraineté nationale dépassant ces rivalités.
Séparée de la France, qui lui a donné naissance, l’Algérie ne correspond plus à rien ! Seuls les Berbères, c’est-à-dire les Kabyles présentent une réalité linguistique ethnique et historique ancrée dans les millénaires peuvent prétendre au titre de Nation. Les Arabo-musulmans ne furent que des colonisateurs du Maghreb et sont encore ressentis comme tels, autant dans les montagnes kabyles que chez les Touaregs du Sahara, qui sont aussi des Berbères.