SANS SURPRISE François Bayrou a été nommé Premier ministre par Emmanuel Macron le 13 décembre. Le Béarnais était le favori depuis la chute du gouvernement Barnier. Il a donc été choisi, même s’il semble que le président du Modem ait exercé de fortes pressions auprès du chef de l’Etat pour obtenir Matignon, l’Elyséen souhaitant nommer une personnalité plus malléable, tel le ministre des Armées démissionnaire Sébastien Lecornu. Il avait en effet choisi jusque-là des collaborateurs comme chefs de gouvernement. Il se méfie de Bayrou à qui il doit en grande partie son élection en 2017. En effet, sans le soutien du maire de Pau, Macron n’aurait probablement pas obtenu les quelques points qui lui manquaient pour se hisser au second tour et l’emporter face à Marine Le Pen. Or, il n’est rien de pire pour un orgueilleux et un narcissique que d’être redevable. C’est pourquoi Macron s’est toujours défié de Bayrou qui est certes un fidèle allié depuis 2017 mais qui n’est pas issu de son sérail. Il ne faut jamais oublier que le président de la République vient du Parti socialiste, et plus précisément de son courant strauss-kahnien, très libéral-libertaire et mondialiste, ce qui n’est pas exactement les positions traditionnelles de la démocratie-chrétienne.
Cependant, la vérité oblige à dire que Bayrou est beaucoup plus démocrate que chrétien. François Mitterrand disait de lui : « c’est un bègue éloquent, un centriste ferme et un chrétien laïc ». Mais parler de chrétien laïc, n’est-ce pas un oxymoron ? Le Béarnais est certes très attaché à ses racines provinciales, il est marié depuis plus d’un demi-siècle à la même épouse (ce qui est louable et plutôt rare à notre époque), est père de six enfants (qui ont tous brillamment réussi) et grand-père de vingt et un petits-enfants. Il est par ailleurs agrégé de lettres classiques, grand lecteur de Péguy et admirateur d’Henri IV. Par certains côtés, il est donc un produit de la France profonde, traditionnelle et enracinée (ses parents étaient agriculteurs et, à la mort prématurée de son père, il a aidé sa mère à la ferme familiale) et pourtant, comme politicien depuis près d’un demi-siècle déjà, il a toujours été d’un total et navrant conformisme, sans idées audacieuses ou novatrices, sans courage intellectuel, sans principes directeurs, sans colonne vertébrale doctrinale. Il se dit catholique, il va à l’église le dimanche, mais il est pour l’avortement, fut notoirement pendant assez longtemps très proche de Simone Veil — dont il a soutenu la liste dissidente aux européennes de 1989 — et n’a émis que de timides réserves, purement verbales, lorsque le chef de l’Etat a décidé de constitutionnaliser « le droit à l’avortement ». Il est, dit-on, croyant et pratiquant mais il est totalement acquis à la laïcité de l’Etat et rien dans ses positions politiques ne reflète ce catholicisme dont on le dit imprégné.
A l’image de la plupart des démocrates-chrétiens, ses engagements politiques sont marqués par une forme d’apostasie car c’est en vain qu’on chercherait chez lui des positions conformes à la doctrine et à la morale chrétiennes. Il ne trouve rien à dire ni à redire à la théorie du genre, au lobby LGBT, tant soutenu par tous les gouvernements successifs de Macron, à la folie homosexualiste et transsexualiste. Lui qui fut ministre de l’Education nationale de 1993 à 1997 n’a nullement dénoncé ces dernières années l’éducation sexuelle à l’école, la propagande LGBTiste que subissent à jets continus nos têtes blondes et crépues. Lui qui prétend défendre les terroirs, les traditions a soutenu continûment depuis 2017 Emmanuel Macron qui est le produit par excellence de la haute banque, du mondialisme et qui symbolise l’arasement des nations, la disparition des traditions, le rejet des racines au nom du village planétaire et de la révolution arc-en-ciel. Alors que l’ancien président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques avait émis dans un livre des réserves parfaitement fondées et argumentées sur les insuffisances et dérives de l’école, sur son incapacité à apprendre à lire, à écrire et à compter correctement, une fois installé rue de Grenelle, il a cogéré, de 1993 à 1997, avec les syndicats enseignants de gauche, et tout particulièrement avec le SNES de Monique Vuaillat, le ministère de l’Education nationale, n’engageant aucune réforme véritable et ne cherchant pas à résorber les maux qu’il avait pourtant parfaitement vus, dénoncés et analysés dans son essai. C’est l’époque où Roger Fauroux, qu’il avait chargé de présider une commission sur la réforme de l’école, disait de François Bayrou qu’il gouvernait « avec le sondoscope en bandoulière ». Ce qui, on en conviendra, n’est pas le comportement d’un homme d’Etat.
BAYROU est dans tous les domaines ou presque d’un conformisme absolu. Il a ainsi toujours refusé et condamné toute alliance, tout rapprochement, et même toute discussion, entre la droite parlementaire et le Front national canal historique. Il a toujours privilégié le centre et même le centre gauche à la droite. Il a ainsi voté pour François Hollande en 2012 et il aurait soutenu le socialiste Jacques Delors, dont il était proche, si ce dernier avait été candidat à la présidentielle de 1995. Depuis que Marine Le Pen a normalisé le Front national et en a même changé le nom, tout en restant hostile à ce mouvement, le Béarnais se montre désormais plus accommodant. Ce qui était impensable du temps de Jean-Marie Le Pen. C’est ainsi que le maire de Pau a donné sa signature à la présidentielle de 2022 à Marine Le Pen et a encouragé les édiles centristes à l’imiter pour que cette dernière puisse obtenir les cinq cents précieux paraphes nécessaires à la validation de sa candidature. Il s’était même prononcé pour une banque de la démocratie afin que le Rassemblement national ne se vît pas opposer de refus d’ouverture de compte par des groupes bancaires. Il s’est par ailleurs prononcé à de maintes reprises pour le rétablissement du scrutin proportionnel aux législatives, une demande très ancienne du RN.
Enfin, à la suite des réquisitions des deux procureurs de la République, le 13 novembre dernier, lors du procès des assistants parlementaires des eurodéputés RN, Bayrou avait fermement dénoncé l’attitude des magistrats du Parquet, tout particulièrement quant à leur demande d’une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. Cette déclaration n’est certes pas totalement désintéressée puisque lui-même n’est pas encore définitivement sorti d’affaire dans le procès des assistants parlementaires du Modem. Car s’il a été relaxé, faute de preuves, en première instance, le Parquet a fait appel. Reste qu’il se montre beaucoup plus prévenant avec Marine Le Pen qu’il ne l’était avec son père. La patronne des députés RN qui a rencontré Bayrou à Matignon dès ce lundi 16 décembre au matin — le RN fut même la première formation politique qu’a reçue le nouveau Premier ministre, ce n’est pas tout à fait un hasard — était très enthousiaste à la sortie de l’entretien. Il est peu probable que Marine Le Pen censure rapidement le gouvernement Bayrou, de sorte que ce dernier peut espérer tenir au moins quelques mois, peut-être davantage.
Conformiste, Bayrou l’est également dans son européisme béat alors même que l’Europe de Bruxelles est un désastre pour notre nation. Son européisme va de pair avec son sionisme et sa soumission au lobby du CRIF. Il n’a pas eu un mot jusque-là pour dénoncer le génocide à Gaza, lui que l’on dit pourtant si chrétien, si humaniste, si proche des hommes. Et il ne faut pas oublier que c’est à lui qu’on doit la révocation définitive de Vincent Reynouard de l’Education nationale. Le 23 avril 1997, alors qu’il est encore pour quelques semaines rue de Grenelle, François Bayrou signe le décret de radiation du jeune professeur de mathématiques, alors en poste à Honfleur, âgé de 28 ans et déjà père de deux enfants, car on a retrouvé, après dénonciation, dans un ordinateur du lycée, une documentation révisionniste dont il était l’auteur. Cette révocation sans solde d’un jeune père de famille, alors même qu’il n’a tenu aucun discours révisionniste pendant ses cours à ses élèves, qui met alors le jeune révisionniste dans une situation matérielle dramatique, l’obligeant à demander l’asile chez l’habitant, ne pose aucun problème de conscience au démocrate-chrétien Bayrou. Tout cela est à garder en mémoire.
RESTE que cette nomination est un terrible aveu de faiblesse et d’impuissance d’un Macron complètement démonétisé, y compris à l’international. Bayrou est son dernier fusible. Si celui-ci devait aussi sauter, cela mettrait le président en première ligne et le placerait dans une position encore plus précaire et inconfortable. Cela dit, nous ne sommes pas de ceux qui croient à une démission du chef de l’Etat. Une chose est de dissoudre l’Assemblée d’une manière inconsidérée (Chirac l’avait lui-même fait en 1997) et de se retrouver avec une majorité hostile, une autre est de renoncer soi-même à des fonctions aussi prestigieuses que rémunératrices et aux avantages afférents. Hormis De Gaulle, aucun président n’a démissionné sous la Cinquième République. On voit mal pour autant comment l’actuelle crise politique, qui s’assimile désormais à une crise de régime, pourrait être résolue, même avec l’habileté manœuvrière d’un politicien madré et retors comme Bayrou. Surtout que le chômage repart à la hausse (300 000 emplois sont menacés, ce qui est considérable) et que la dette et les déficits publics semblent actuellement hors de contrôle. La Cinquième République qui était marquée jusque-là par sa stabilité, du fait de sa répartition en deux blocs (la gauche et la droite parlementaires), favorisée par le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, connaît désormais l’instabilité gouvernementale qui fut celle de la Quatrième et qui précipita sa chute, la faiblesse de l’Exécutif ne pouvant plus actuellement être masquée. Reste à savoir sur quoi débouchera cette crise de régime qui pourrait durer au-delà même de la prochaine présidentielle, qu’elle soit ou non anticipée, et dont rien ne garantit qu’elle permettra de mettre fin à l’instabilité fondamentale de ce régime en décrépitude, tant il est vrai que l’élection du président au suffrage universel, réforme que RIVAROL avait fortement combattue en 1962, n’a fait qu’aggraver la situation en renforçant paradoxalement le régime des partis, en favorisant toutes les formes d’irresponsabilité et de démagogie et en créant des écuries présidentielles dans toutes les formations politiques au détriment du combat des idées, de la doctrine et du simple bon sens. […]
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Source : Éditorial de Rivarol