Tribune libre : « N’y touchez pas, il est brisé ». Par Pierre Dortiguier
Ce vers du premier Français à avoir obtenu le Prix Nobel de littérature, Sully-Prudhomme, nous fut dit dans l’ancienne Sorbonne, moins maçonnisée qu’aujourd’hui et donc plus libre, par un maître de philosophie catholique et cartésien, Ferdinand Alquié, hostile à toute réforme universitaire, qui accumulait les absurdités au lieu de laisser l’intelligence se déployer par sa seule force. L’institution était malmenée par les intrusions étatiques dans un État prétendu nouveau, à l’autorité renforcée, celle de la Vème République, mais qui avait abandonné tout le secteur culturel, comme me l’avouait un camarade d’études de l’École Normale, entré en politique, à la gauche délirante, mesquine et tyrannique, et aussi à un néo stalinisme dont les Écoles Normales étaient, avec la ruche à frelons!
Nous avons dit ailleurs, sur la toile, mais le faisons savoir ici pour nos jeunes patriotes, entendant par ce terme ceux qui veulent demeurer enracinés comme un bel arbre, pour s’épanouir, et non devenir des épaves, des branches coupées ou des troncs débités que l’on fait circuler sur le marché jusqu’au pourrissement final, physique et moral, ce que notre maître de lycée parisien, bien avant que Macron n’y pose les pieds, nous disait des instructions ministérielles qu’il avait eues en main comme inspecteur général, et avaient pour finalité, assurait-il, de supprimer la culture que nous avions reçue ! Cette même culture que les marxistes parvenus aux plus hauts postes peu avant et bien sûr surtout après la révolution cohnbendiste dénonçaient comme bourgeoise, a été niée publiquement par le candidat socialiste Macron : il ne s’agit plus, l’a-t-il clamé publiquement, de parler de culture française, mais de cultures coagulées, dirons-nous, dans corps mort que bientôt l’on ne voudra plus appeler la France, car ce nom sonnera trop germanique ou féodal, colonial, esclavagiste, sentant la Francisque, et que sais-je encore.
Le superficiel Macron est à cet égard un homme de son temps, que le rusé Jacques Attali qualifie de meilleur candidat dans le vide actuel, – sans habilement du reste dire quel sera son candidat – car représentatif de cette vacuité ou déperdition d’énergie virile.
Il ne peut savoir que la culture est un effort commun de maintenir une unité devenue ainsi transcendante, un ordre qui ne prend l’économie ou la politique que pour base, mais supporte une identité, une reconnaissance du même par le même, ce qu’est, à parler psychologie, la conscience, et à parler morale, la responsabilité ou le devoir, et à parler esthétique, le style. Cette attirance du même pour le même, est le contraire de la maladie mentale qu’on nomme l’aliénation, celle qui consiste à se prendre pour un autre que soi ! Ce dernier procédé est celui de l’envoûtement des magiciens ou d’un diable qui veut que l’homme se prenne pour un autre que lui, dieu, démon ou ange, ou, en langage transhumaniste, une machine développée !
Il y a sur ce point une formule heureuse du philosophe et patriote allemand Fichte qui déclare que plusieurs préféreraient passer pour un bloc de lave sur la lune, plutôt que d’avoir le courage de s’identifier comme un moi, c’est-à-dire d’échapper à la confusion !
Cette exaltation du même, se trouve dans Platon, dans son dialogue du Philèbe sur le plaisir, et est dénoncée par tous les esprits trop matériels, affairistes, étouffeurs des identités, ruineurs de la culture comme magnétisme attirant les énergies et les fortifiant par exaltation de la volonté, bref ayant une tête, un chef à soi!
Nos manieurs d’argent égalitaires préfèrent décapiter le pays, comme ils ont agi avec la guillotine contre le Roi par haine de la foi en une force unique supérieure, qui multiplie les identités et non pas les confond, comme il est, du reste, annoncé dans le noble Coran et tous les livres sacrés qui ne peuvent dire qu’une même chose !
Et l’Autre, direz-vous ? C’est ainsi que les pieuses Carmélites nomment le Tentateur ! Le même c’est celui que nous sommes en naissant, et surtout à notre seconde naissance, la plus importante, à la mort, qui n’est que la mort aux illusions et l’affirmation d’une puissance infinie que nous devons regarder dans son identité, et cela en ayant développé la nôtre, sans macroniser.
Pierre Dortiguier