Depuis septembre 2014, le Yémen est devenu le théâtre d’une crise entre le président Abd Rabbo Mansour Hadi et les Houthis, une force d’opposition chiite restée fidèle à l’ancien président yéménite déchu, Ali Abdallah Saleh (assassiné depuis). En mars 2015, l’Arabie saoudite s’est ingérée dans le conflit en prenant la tête d’une coalition de pays arabes sunnites qui mènent de fréquents bombardements aveugles sur des écoles, des hôpitaux et même des mariages pourvu qu’ils soient chiites…
En réplique aux bombardements et au soutien occidental à la coalition attaquant le Yémen par des fournitures d’armes notamment, mais pas seulement (un haut gradé français en mission dans le Golfe avait confié en 2016 : « On fait des missions de reconnaissance ou des dossiers d’objectifs, non seulement par satellite, mais aussi avec des avions »), les Houtis prennent fréquemment pour cible des parties du territoire saoudien et des navires croisant dans le détroit d’Ormuz.
Attaques aux drones : l’incroyable aveu de faiblesse saoudien
Le 14 septembre dernier les rebelles Houthis ont ainsi revendiqué une attaque par drones contre des installations pétrolières saoudiennes à Abqaiq et Khurais. Le site d’Abqaiq, situé à 60 kilomètres au sud-ouest de Dahran est le siège principal du géant pétrolier et abrite la plus grande usine de traitement du pétrole d’Aramco. De son côté, Khurais, à 250 kilomètres de Dahran, est l’un des principaux champs pétroliers saoudien qui réalise près de 360 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an et 111 milliards de dollars de bénéfices.
C’était la troisième attaque du genre en cinq mois qui « a abouti à la suspension provisoire de la production sur les sites », a déclaré le ministre saoudien de l’Energie, le prince Abdulaziz ben Salmane. Elle a provoqué l’interruption de la production de 5,7 millions de barils de brut, soit environ 50 % de la production totale d’Aramco, a-t-il ajouté.
Malgré le troisième budget militaire du monde et le fort soutien américain, Riyad n’a pas vu venir l’attaque de drones et/ou de missiles houthis sur des sites pourtant stratégiques, ce que certains commentateurs n’ont pas hésité à qualifier « d’incroyable Pearl Harbour saoudien ».
« Il est proprement ahurissant que l’Arabie saoudite n’ait pas détecté ces attaques, pointe François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). La réussite de ces frappes en profondeur sur le territoire saoudien révèle un problème général de la défense aérienne du pays, qui semble totalement inefficace. »
En mai 2019, l’attaque de drones avait visé deux stations de pompage d’un oléoduc reliant l’est à l’ouest du royaume qui avait entraîné l’interruption temporaire des opérations sur l’oléoduc. Et en août dernier les Houthis avaient mené une attaque à l’aide de dix drones, « la plus massive jamais lancée en Arabie saoudite », contre le champ de Shaybah (est) qui avait provoqué un incendie selon Aramco sur une installation gazière.
Le tournant de la guerre ?
Après l’opération du 14 septembre, les rebelles Houtis viennent de mener de nouvelles opérations contre l’Arabie Saoudite ayant conduit à la capture de soldats saoudiens et de matériels militaires. Ainsi samedi dernier le porte-parole du mouvement a affirmé sur la chaîne Al Masirah, que ses troupes ont conduit une offensive victorieuse de grande envergure à proximité de la zone frontalière avec Najran au sud de l’Arabie Saoudite.
Les combattants de l’armée yéménite et des comités populaires (reliés au Conseil de salut national) ont effectué une opération terrestre du nom de « La victoire vient de Dieu » avec des drones, des unités de défense aériennes ainsi que des missiles, pour prendre en étau plusieurs divisions de l’armée saoudienne.
Selon la télévision iranienne, les divisions qui faisaient partie de la coalition saoudienne venaient de Najran en Arabie saoudite et sont tombées dans le piège tendu par les rebelles Houtis en s’engageant du côté yéménite de la frontière à leur poursuite. Avant cette opération, les pistes de l’aéroport saoudien de Jizan ont été ciblées et traitées par les missiles yéménites pour faire obstacle à un appui aérien saoudien.
Le reportage montre beaucoup de prisonniers d’origines yéménites disant avoir été enrôlés de force dans l’armée saoudienne. Sur certaines images on voit également des enfants soldats dans les rangs de l’armée saoudienne. Au total l’opération aurait fait près de 200 morts, 300 blessés et plus de 2000 prisonniers qui se sont rendus côté saoudien.
À noter, on voit aussi l’aviation saoudienne intervenir dans la panique et bombarder sans discernement ses propres forces qui se rendent, obligeant les Yéménites à déplacer les prisonniers de l’armée saoudienne vers des lieux plus sûrs.
Arabie saoudite : un colosse aux pieds d’argile ?
Ainsi, l’Arabie saoudite qui croyait porter impunément le fer et le feu sur le territoire yéménite pour mener ce qui ressemble fortement à une purification ethnico-religieuse anti-chiite, se révèle de plus en plus incapable de sanctuariser son propre territoire… Comme un effet boomerang, malgré l’implication forte des Occidentaux et des États-Unis en fourniture d’armes et de renseignements.