CIRCULEZ, il n’y a rien à voir. Marine Le Pen a été triomphalement réélue pour trois ans (c’est son quatrième mandat) à la présidence du Rassemblement national. Avec 98,35 % des voix. Un score soviétique digne des congrès des partis communistes d’antan réélisant leur secrétaire général avec des applaudissements mécaniques de plusieurs minutes. On dénombre 1,65 % de bulletins blancs et nuls. Il faut dire qu’il n’y avait qu’un seul candidat à la tête du mouvement : elle-même ! Ainsi, les choses sont plus simples ! En bientôt un demi-siècle de Front national, il n’y a toujours eu qu’un seul candidat à la présidence du parti, le père puis la fille : Jean-Marie Le Pen, élu à treize reprises, puis sa fille élue pour la quatrième fois ce dimanche 4 juillet. La seule exception fut le congrès de succession à Tours en janvier 2011 où concourut également Bruno Gollnisch mais la campagne électorale fut une scandaleuse mascarade de bout en bout (nous en avons raconté les tristes détails dans notre précédent éditorial et pour ceux qui veulent en savoir plus, il suffit de se procurer les numéros de RIVAROL d’avril 2010 à janvier 2011 inclus — et toujours disponibles en version numérique — où tout est raconté, analysé et disséqué semaine après semaine.)
Marine Le Pen allait-elle faire un exercice d’autocritique, prononcer un mea culpa, reconnaître des erreurs ou des insuffisances à la suite des résultats désastreux des régionales et départementales ? Que nenni ! Pensez donc ! Ce n’est pas le genre de la maison. Si l’on devait résumer en une formule ramassée ce XVIIe congrès national du RN à Perpignan, ce serait : « Tout va bien, Madame la marquise ! »
Au début de son discours de clôture, qui suivait l’annonce de sa réélection triomphale jusqu’à l’été 2024, Marine Le Pen a déclaré sans vergogne : « Il y a dix ans, en 2011, vous m’avez confié la responsabilité de conduire le RN. Vous m’avez ce matin réitéré votre confiance. Cela fait de moi la candidate de notre famille politique à la présidentielle. » Qu’importe s’il y a dix ans le RN n’existait pas et que c’était encore le FN ! Peu importe si son élection de 2011 a été la conséquence d’un changement radical du corps électoral des adhérents du FN et le fruit de manœuvres déloyales et indignes ayant gravement altéré l’équité entre les deux candidats et la sincérité du scrutin. Peu importe si le résultat du double scrutin des 20 et 27 juin a été catastrophique, qu’on se le dise, Marine Le Pen est la candidate naturelle de la famille politique nationale à la présidentielle. Elle a tout trahi, tout abandonné, tout renié, mais elle est la candidate incontestable du camp national à la présidentielle de 2022. Non mais !
ET PAS QUESTION POUR ELLE de revenir aux fondamentaux. Elle ira jusqu’au bout de sa révolution copernicienne. « Nous ne reviendrons pas en arrière. Avec tout le respect que nous avons pour notre propre histoire, nous ne reviendrons pas au Front national », a déclaré, péremptoire, la benjamine de Jean-Marie Le Pen. On admirera la formule cynique (« avec tout le respect pour notre propre histoire »), alors qu’elle a purgé (elle, et auparavant son père pour l’imposer) les cadres et militants historiques, y compris son géniteur, renoncé à toutes les manifestations patriotiques du mouvement, de la Fête de Jeanne d’Arc aux BBR, à ses publications officielles ou officieuses (Français d’Abord, National Hebdo, Identité), tourné le dos à tous les volets du programme historique de la droite nationale, de l’inversion des flux migratoires au rétablissement de la peine capitale, de la défense de la vie et de la famille traditionnelle à la baisse de la pression fiscale, du combat pour la liberté de recherche, d’expression et d’opinion en passant par le refus de l’européisme bruxellois et la défense de l’indépendance nationale.
« Nous avons su nous affranchir d’une immaturité politique peu compatible avec des ambitions nationales et donner à notre mouvement les qualités nécessaires à un parti de gouvernement », a-t-elle tonné avec une sacrée audace et dans un exercice d’autosatisfaction tout à fait sidérant. A-t-elle montré les qualités d’un chef de parti de gouvernement lorsque, lors du débat du 3 mai 2017, elle confondait SFR et Alstom, l’euro et l’écu, la buvette et un duel présidentiel ? A-t-elle montré qu’elle était à la tête d’un parti de gouvernement alors que le RN a perdu aux municipales de 2020 40 % de ses élus municipaux, aux régionales de 2021 30 % de ses conseillers régionaux et aux départementales de 2021 60 % de ses conseillers départementaux ? Et en cours de mandature, plusieurs centaines d’élus municipaux, départementaux et régionaux ont quitté le parti ces dernières années à cause d’une gestion désastreuse des ressources humaines, de la morgue de la direction du mouvement, des parachutages imposés, des changements de ligne incessants, de l’ouverture à des politiciens venus de l’UMP, du PS, de Mélenchon ou même du NPA de Besancenot et Poutou, ou des bars gays, au détriment des militants nationaux sur le terrain.
PAS UN MOT sur le résultat des élections régionales et départementales. C’est incroyable. Le congrès se tient moins d’une semaine après ce double scrutin. Aucune analyse n’est esquissée, aucun commentaire n’est fait, aucune leçon n’est tirée. On passe à autre chose, à la présidentielle, la reine des batailles. Le soir du second tour, dans une très brève allocution faite quelques minutes seulement après l’annonce des résultats à 20 heures, Marine Le Pen était déjà passée à l’élection présidentielle qui, seule, permettra « de changer de politique et les politiques ». Les ploucs et les ingrats qui n’ont pas voté pour le RN à ces élections intermédiaires reviendront voter comme des veaux et déposer un bulletin au nom de Marine Le Pen les 10 et 24 avril 2022. Elle en est en tout cas persuadée. C’est automatique. Elle le mérite bien, non ? De toute façon, elle est la meilleure. Que dis-je, elle est la seule. La candidate naturelle du camp national. La patronne incontestée et charismatique. Comme l’a déclaré dans son allocution le juvénile et docile Bardella — qui la remplacera à la tête du mouvement à partir de septembre et pendant toute sa campagne présidentielle, avant qu’elle ne retrouve automatiquement son poste de présidente du parti dans un an, pas folle la guêpe ! —, « nous n’avons pas le droit de douter ». En effet, comme dans une secte (ce qu’est devenu depuis longtemps le RN : un fan club inconditionnel de Marine Le Pen), on n’a pas le droit de se poser des questions, de réfléchir, de douter. Réfléchir, c’est déjà ne plus avoir la foi. C’est se diriger sur une pente glissante qui peut conduire au pire. Il ne faut pas, il ne faut jamais douter ni du chef, ni de la ligne, ni de la stratégie, ni de ses chances de succès. En avant vers la victoire ! En avant toutes ! Le triomphe est assuré. Il se dessine, il est à portée de mains et de bulletins. Il est là, il arrive, il faut y croire de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces. « Marine présidente », a scandé à plusieurs reprises le petit millier de militants, d’élus et de permanents réunis au Palais des congrès de Perpignan et applaudissant l’Himalaya de la pensée. « Nous devons […] non pas nous enfermer dans des postures mais continuer à nous ouvrir à toutes les forces politiques, associatives ou de la société civile et plus largement à tous les Français qui souhaitent ne pas rester spectateurs », a ajouté la patronne du RN, en dénonçant la « facilité des outrances » ou des « attitudes belliqueuses ». Viserait-il son concurrent Zemmour ?
S’ouvrir à tous les Français, Marine Le Pen a du mal. En revanche, elle sait s’ouvrir à tous les pédés. Dont elle a encore augmenté le poids, l’influence et la visibilité au sein de son parti qui manifestement ne se situe pas au-dessus des parties ! Elle a ainsi fait de l’ancien socialiste et mannequin dénudé de Têtu son porte-parole, son porte-voix et peut-être demain son porte-plume ! Elle a fait entrer, si j’ose dire, Sébastien Chenu, fondateur de Gay-Lib et organisateur de l’Euro Gay Pride à Marseille en 2013, au bureau exécutif du RN. Reste à savoir si le RN défilera dans le char de tête ou de queue de la prochaine Marche des fiertés homosexuelles, bi et trans et queer, etc. Celle qu’un fin connaisseur comme Frédéric Mitterrand appelait affectueusement « la madone à pédés » a également confirmé au bureau exécutif le rose tandem Briois-Bilde, le couple d’Hénin-Beaumont avec lequel la présidente décide de tout : des investitures, des exclusions, des promotions et… des évasions. […]
Jérôme BOURBON, RIVAROL
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