POUR LA PREMIÈRE FOIS depuis un demi-siècle, le Front national (devenu depuis le 1er juin 2018 Rassemblement national) n’a pas un Le Pen à sa tête puisque le juvénile Jordan Bardella (27 ans, l’âge exact de Jean-Marie Le Pen quand ce dernier devint, le 2 janvier 1956, député poujadiste) a été très largement élu le 5 novembre président du RN pour trois ans avec 84,84 % des quelque 36 000 suffrages des adhérents, son concurrent Louis Aliot n’ayant récolté qu’un modeste — et presque humiliant — 15,16 %, le soutien médiatisé des Klarsfeld ne l’ayant manifestement pas aidé. En soi, ce changement à la tête du parti est une petite révolution, même s’il ne faut pas en exagérer l’importance puisque Marine Le Pen reste membre du bureau exécutif, la plus haute instance du mouvement, et qu’elle préside à l’Assemblée nationale un groupe de 89 députés RN. De plus, Jordan Bardella est le concubin de Nolwenn Olivier, fille de Marie-Caroline Le Pen et, à ce titre, il fait officieusement partie du clan Le Pen. Même si l’expérience prouve qu’être le concubin d’une fille ou d’une petite-fille Le Pen n’est pas une garantie de longévité au sein du mouvement. En témoignent les mésaventures des ex-concubins de Marine Le Pen ayant disparu politiquement quand elle s’est séparée d’eux.
Si le sacre de Bardella lors du XVIIIe congrès du FN devenu RN à la Maison de la Mutualité dans le cinquième arrondissement de Paris est évidemment une grande satisfaction pour l’intéressé qui dispose désormais, du moins sur le papier, de toutes les manettes pour s’imposer dans les années à venir comme le nouveau chef de la « droite populiste » en France (son élection a d’ailleurs été chaleureusement saluée par Matteo Salvini, chef de la Ligue et vice-président du Conseil des ministres d’Italie), il a toutefois été perturbé à la fois par la polémique autour de l’artificielle affaire Fournas (dont différents rédacteurs parlent abondamment dans ce numéro) qui a été lourdement et injustement sanctionné par l’Assemblée nationale alors que ses propos n’avaient objectivement rien de répréhensible ni d’insultant ou de diffamatoire, mais également par la fronde publique du « clan d’Hénin-Beaumont », le couple Briois-Bilde.
Mécontent d’être écarté du bureau exécutif par Jordan Bardella, le maire d’Hénin-Beaumont, jusque-là intime de Marine Le Pen avec qui il a gouverné le parti de manière clanique depuis dix ans, décidant avec la patronne de tout, des nominations, des promotions, des exclusions et des éjections, et de la ligne politique, a envoyé à la presse, qui s’est empressée de lui donner une large publicité, un communiqué cinglant : « Alors que depuis de nombreux mois je tire la sonnette d’alarme sur une potentielle re-radicalisation, je ne peux voir dans mon éviction qu’une sanction pour avoir voulu sensibiliser sur un phénomène que les faits confirment, depuis les ronds de jambe faits à certains intégristes (NDLR : catholiques), jusqu’à l’adoption de positions droitardes, contraires à mon sens au “ni droite, ni gauche” qui a prévalu pendant des décennies au Front National. Certaines outrances (NDLR : celles du député RN Grégoire de Fournas) me donnent encore raison. Je regrette que des années de dédiabolisation soient en train d’être réduites à néant, avec comme seul but de plaire à une minorité électorale, avec le risque d’une nouvelle mise à la marge du RN. Alors que nos compatriotes font face à une crise économique, énergétique et sociale de premier ordre, les marottes identitaires semblent être aujourd’hui au cœur de ses priorités. Je ne peux qu’y voir un rabougrissement, et j’espère que le Rassemblement national, qui n’est pas qu’un slogan mais une promesse faite à la France, n’est pas en train de céder au grand “compromis nationaliste”, cette stratégie d’union des droites radicales, qui a échoué à la présidentielle, plutôt que de l’ensemble des patriotes de droite comme de gauche. »
CETTE PSEUDO-PURGE dénoncée par le rose tandem Briois-Bilde, dont on ne peut que se féliciter de la marginalisation vu le mal qu’il a fait depuis de longues années, indique-t-elle pour autant une droitisation, voire une radicalisation du mouvement ? Ce serait évidemment souhaitable, mais cette analyse superficielle et précipitée ne résiste pas à l’examen. Les divergences du clan d’Hénin-Beaumont avec Bardella ne sont pas d’abord idéologiques mais essentiellement personnelles. Briois déteste Bardella qu’il a récemment traité en face à face de « petit con » et il lui reproche de ne pas avoir obéi à ses choix pour certaines investitures. Mais cela ne signifie pas que le poids du lobby homosexuel au sein du RN va diminuer. A preuve l’homosexualiste Sébastien Chenu, co-fondateur de Gay Lib et organisateur de gigantesques Gay Pride, comme l’Euro Pride de 2013 à Marseille, est arrivé en tête des candidats au comité central, premier sur cent heureux élus ! On mesure à ce simple fait à quel point le corps électoral du FN-RN a changé. Un tel résultat eût été en effet impensable il y a encore quelques années. Rappelons que Chenu, membre du bureau exécutif, a redit tout récemment que son parti était favorable au “mariage” pour les invertis et à la PMA pour les lesbiennes et il vient de se prononcer pour le maintien de la loi Gayssot.
Par ailleurs, Bruno Gollnisch, bien qu’arrivé onzième aux élections du comité central, n’a pas été reconduit au bureau national. C’est la première fois depuis près de quarante ans que l’ex-eurodéputé ne siège plus au bureau politique du mouvement et n’occupe donc plus aucune responsabilité officielle. L’ex-universitaire lyonnais paye-t-il là le discours qu’il avait prononcé le 6 octobre dans les sous-sols de l’Assemblée nationale et où il avait rendu hommage aux 35 députés FN élus en 1986, y compris à ceux qui ont depuis pris publiquement leurs distances avec le parti de Marine Le Pen ? Ou lui reproche-t-on son soutien à la liberté d’expression des révisionnistes ou ses déclarations en faveur de la défense de la famille et de l’accueil de la vie de la conception à la mort naturelle ? C’est très possible. En tout cas, cette éviction n’est pas un bon signe.
LE JEUNE Bardella ne manque certes pas de qualités. Il est un excellent client télé, un très bon débatteur, à notre avis bien meilleur dans l’exercice que son ex-patronne. Et il serait certainement un bien meilleur candidat que Marine Le Pen à la présidentielle de 2027, bien plus redoutable. A moyen ou à long terme, on peut d’ailleurs douter que la lune de miel entre les deux personnalités demeure. Car il n’y a pas de place pour deux crocodiles dans le même marigot. Et si, comme c’est probable, Bardella obtient un excellent résultat aux européennes de mai 2024, où il sera la tête de liste du RN sur la France entière, il se sentira pousser des ailes pour la prochaine présidentielle. D’autant qu’en dirigeant le parti pendant plusieurs années, il a le temps de placer ses hommes, de nommer des fidèles aux principaux postes d’influence et de responsabilité. Mais on voit mal Marine Le Pen renoncer facilement à une quatrième candidature présidentielle. Toutes les conditions d’un conflit majeur entre les deux pourraient donc être réunies d’ici quelques années. A moins que le calendrier judiciaire ne simplifie la donne : si Marine Le Pen était rendue inéligible dans l’affaire des assistants parlementaires du FN avant le printemps 2027, ce qui n’est pas totalement impossible, la candidature présidentielle de Bardella — qui, lui, n’est pas mis en examen dans ce dossier — ne ferait alors plus aucun doute.
Cette accession du sémillant jeune homme à la tête du RN est une mauvaise nouvelle, au moins à court et moyen terme, pour tous les mouvements et personnalités situés à droite du RN car Bardella bénéficie d’une réelle popularité au sein de l’électorat et de la base frontistes et ses positions, au moins verbalement, plutôt en pointe contre l’immigration et le Grand Remplacement (il est né à Drancy et a passé toute son enfance et sa jeunesse dans le 9-3 !) ne laisse quasiment aucun espace électoral à Reconquête d’Eric Zemmour, non plus qu’à d’autres groupements situés à droite du Rassemblement national.
POURTANT, cette nouvelle ère Bardella n’est en rien un retour au FN des années 1980 et 1990. Le nouveau président du RN a certes le précieux avantage de bénéficier d’une certaine virginité politique et de ne pas cristalliser sur sa personne des rejets et haines torrides. Il n’a en effet été mêlé, du fait de son jeune âge, ni aux divisions fratricides avec Bruno Mégret (en 1998) puis avec Carl Lang (en 2008), ni directement à l’exclusion de Jean-Marie Le Pen (en 2015), ni même à la marginalisation au sein du FN de Marion Maréchal entre 2015 et 2017, ni non plus au divorce avec Florian Philippot et ses Patriotes (à l’automne 2017). Il ne semble pas non plus avoir tenu jusque-là des propos véhéments et désobligeants à l’égard des différentes composantes de la droite nationale, contrairement à Marine Le Pen et son ex-concubin Louis Aliot qui n’ont pas été avares de déclarations incendiaires parfaitement inutiles. Ce qui est à mettre à son crédit.
Toutefois, Bardella lui-même, qui ne manque ni d’ambition ni d’habileté, se définit comme un pur mariniste, ce qui ne suscite guère l’enthousiasme ni la confiance, et il a rendu le samedi 5 novembre lors de son discours d’“investiture” un vibrant hommage à son prédécesseur. Cela dit, ces dithyrambes, qui sont un exercice obligé, ne veulent pas forcément dire grand-chose : lors du congrès de Tours, le 16 janvier 2011, Marine Le Pen n’avait pas été avare en compliments envers son père. Cela ne l’a pas empêché de le suspendre puis de l’exclure quatre ans plus tard du mouvement qu’il avait fondé, de l’interdire de se présenter depuis 2015 à quelque élection que ce fût sous l’étiquette FN puis RN, et de refuser de l’inviter, fût-ce comme simple spectateur, lors de la commémoration des 50 ans du FN en octobre dernier.
Si Bardella est pour l’heure beaucoup moins antipathique que son ex-patronne et que Louis Aliot, et qu’il convient de lui laisser, au moins temporairement, le bénéfice du doute et de ne pas d’emblée tirer sur lui à boulets rouges puisqu’il vient à peine d’être élu, même s’il était président par intérim du parti depuis plus d’un an, il ne faut pas non plus se nourrir d’illusions. D’abord l’électoralisme est un poison qui dissout les convictions, corrompt les meilleurs et entraîne la trahison des principes et l’acceptation du mensonge et de l’imposture par souci de pseudo-efficacité.
De plus, s’il est plutôt bon jusque-là dans les débats quand il parle d’immigration ou d’insécurité, Bardella est catastrophique quand il s’agit de défense de la vie. Sous les ordres de sa patronne, après la remise en question du droit fédéral à l’avortement par la Cour suprême des Etats-Unis le 24 juin 2022, il avait publié un tweet disant qu’il voterait la constitutionnalisation du « droit à l’avortement » si cette question venait au vote. Or, comment peut-on prétendre lutter contre le Grand Remplacement lorsqu’on approuve la mise à mort de plus de 220 000 enfants français chaque année dans le ventre de leur mère ? Et comment une nation qui tue ses enfants légalement et rembourse ce crime à 100 %, le promeut de toutes les manières, peut-elle avoir un avenir ? De même, il ne faut pas a priori compter sur lui pour s’opposer aux scélérates lois Gayssot et Pleven. Or, comment la nation peut-elle avoir un avenir si l’on ment sur son passé et si l’on accepte ces mensonges qui font tant de mal par souci de ne pas être exclu de l’arc républicain ? Voilà de vraies questions.
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Source : Éditorial de Rivarol
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