Depuis le 1er juin dernier, les forces armées ukrainiennes affirment avoir mené une opération, certes ingénieuse mais pas nouvelle (Iraniens et Chinois ayant déjà présentés publiquement des prototypes de conteneurs diversement armés de batteries de missile, de lance-drones ou de défense anti-aérienne) mais dont le bilan revendiqué (1/3 de la composante de dissuasion nucléaire aérienne russe frappé) parait grossièrement surévalué. Les médiats – y compris mainstream – évaluent les pertes russes à une douzaine de bombardiers détruits ou endommagés (Le Figaro, 05.06.2025).
Et si tant est encore que cette opération n’ait pas été concoctée (planifiée, préparée, exécutée…) quelque part du côté du MI6, de la CIA, de la DGSE ou autre service spécial d’une ou plusieurs puissances occidentales, plus intéressées que le pouvoir ukrainien à affaiblir la dissuasion nucléaire russe. On sait depuis l’enquête du New York Times du 29 mars dernier que les États-Unis et ses suiveurs occidentaux « tiennent la main » des forces armées ukrainiennes quasiment depuis le début du conflit en 2022.
Le pouvoir à Kiev – ou ailleurs -, impuissant à contenir et encore moins à faire reculer les forces armées russes, persiste donc dans des opérations certes spectaculaires (comme les frappes sur le pont de Crimée, les drones dans le ciel de Moscou ou ailleurs en Russie, les assassinats de journalistes et personnalités russes…), mais sans effet sur le rapport de force sur la ligne de front. Comme le note d’ailleurs en creux le ministère français des Armées dans son bulletin du 5 juin, après la frappe du 1er juin : « Les Forces armées ukrainiennes (FAU) maintiennent leurs positions défensives, menant un combat d’usure contre les Forces armées de la Fédération de Russie (FAFR). Celles-ci conservent l’ascendant sur les différents fronts et poursuivent le grignotage territorial de l’Ukraine avec un effort dans l’oblast de Soumy » (x.com/Armees_Gouv).
Pendant ce temps, Emmanuel Macron confirme son statut d’observateur extérieur et de spectateur impuissant devant les pourparlers russo-ukrainien, qui se déroulent de façon intermittente et sous parrainage turc et américain, quand il réclame « que les belligérants russes et ukrainiens ne soient pas mis sur le même plan ». Du vent destiné à occuper de l’espace médiatique : l’histoire de la diplomatie montre que les considérations morales ne sont que bien rarement au cœur des pourparlers des belligérants en vue de la sortie d’un conflit…
JN
Ce dimanche, le 1er juin 2025, l’Ukraine a réalisé une frappe massive sur des aérodromes militaires stratégiques. Quatre aérodromes ont été visés avec succès : celui de « Diaghilevo », de « Olenya », de « Ivanovo » et de « Belaya », ce qui constitue la plus importante attaque de l’infrastructure militaire russe dans les profondeurs du territoire national depuis le déclenchement de la phase active des hostilités russo-ukraino-otaniennes, le 20 février 2022.
L’attaque a été réalisée par des drones FPV transportés dans des camions, sans que les conducteurs soient mis au courant – de même que cela a été fait avec l’attaque terroriste du pont de Crimée, le 17 juillet 2023, dans laquelle le conducteur du camion est mort dans l’explosion, sans savoir ce qu’il a transporté.
La responsabilité de l’action a été immédiatement revendiquée par le service secret ukrainien SBU, qui l’a appelé l’opération « La toile d’araignée ». Selon le communiqué de presse du SBU, les dommages causés à la Russie consistent en la destruction de 41 appareils au sol, en partie des bombardiers stratégiques.
La « Triade nucléaire »
Un bombardier stratégique est un avion de combat d’une portée intercontinentale (plus de 5000 km) conçu pour le port et le lancement d’armes nucléaires (bombes aériennes, missiles de croisière et missiles balistiques), destinés à détruire les objectifs stratégiques situés sur le territoire ennemi.
Au sein des forces armées de la Fédération de Russie, les bombardiers stratégiques font partie dit de la « Triade nucléaire » qui désigne les forces armées stratégiques comprenant trois composantes : l’aviation stratégique ; les régiments des missiles stratégiques balistiques intercontinentaux et la flotte des porte-missiles sous-marins nucléaires stratégiques.
L’importance de l’existence de la Triade nucléaire consiste dans le partage des ogives nucléaires stratégiques entre trois types des forces armées stratégiques qui rend impossible la destruction de l’ensemble de l’arsenal nucléaire du pays en cas d’attaque surprise de l’ennemi, offre une plus grande souplesse dans l’utilisation de ces armes et garantit la destruction imminente de l’ennemi dans le cadre des frappes de riposte.
Le traité Start-II/SNV-III
Les conséquences négatives pour Moscou de l’attaque de l’infrastructure militaire stratégique de la Russie vis-à-vis de la campagne militaire menée en Ukraine sont proches de zéro absolu. Cela étant, les conséquences de l’action vis-à-vis de la sécurité nucléaire mondiale sont d’une portée stratégique et ne doivent pas être sous-estimées.
En mettant de côté l’aspect émotionnel de l’affaire, les positions et les réactions des diverses parties sur le sujet, de même que les modalités de la riposte militaire de Moscou qui aura lieu et qui sera, tout au moins, proportionnelle aux dégâts subis, voyons les réelles conséquences vis-à-vis de la sécurité nucléaire. Non, il ne s’agit guère d’une potentielle explosion d’une ogive nucléaire qui pourrait se trouver à bord d’un des appareils au moment de leur destruction, mais de toute autre chose.
La première question que les observateurs non avertis de l’attaque ukrainienne de ce 1er juin doivent se poser, tout naturellement : comment cela se fait-il que l’aviation russe d’une importance stratégique vis-à-vis de la sécurité du pays ait pu se trouver en masse sur un banal parking de l’aérodrome, au lieu d’être soigneusement cachée et sécurisée dans des hangars en béton armé conçus à cet effet et qui doivent supporter des frappes militaires d’une puissance incomparablement plus importante que celle des vulgaires petits drones assemblés manuellement en cachette dans un garage ?
La réponse à cette question ne réside, en aucun cas, dans le potentiel grand manque de professionnalisme et négligence des personnes responsables du positionnement des appareils d’avions stratégiques sur les aérodromes en question, mais dans le traité Start-II/SNV-III. Le traité russo-américain sur la réduction des armements stratégiques offensifs.
Dans le cadre du nouveau caractère des relations russo-occidentales instauré depuis le début des hostilités en Ukraine, en février 2023 la Fédération de Russie a suspendu sa participation dans le traité sur la réduction des armements stratégiques offensifs Start-II/SNV-III – ce qui était une suite logique et parfaitement prévisible : face à la menace déclarée et partiellement mise en œuvre par l’Occident collectif vis-à-vis de la Russie, cette dernière a procédé à la suppression légale des restrictions au développement de son armement stratégique.
Dans les clauses du traité Start-II, il est stipulé que chacune des parties prenantes de l’accord dispose du droit de le quitter dans le cas de changement significatif des circonstances : « si elle considère que les circonstances exceptionnelles liées au contenu du présent accord ont mis en péril ses intérêts suprêmes » (article 14, §3). La fixation par l’Occident collectif comme objectif « la défaite stratégique de la Russie » et les nombreuses déclarations officielles de ce dernier dans ce sens est un changement significatif des circonstances qui a reçu une réponse appropriée.
L’officialisation de la démarche de Moscou par l’adoption suivie de la ratification de loi fédérale Nr. 38-FZ du 23 février 2023 a été entreprise, afin de rester dans la stricte légalité vis-à-vis des engagements internationaux signés et ratifiés par la Fédération de Russie et de ne pas créer un précédent permettant aux adversaires d’instrumentaliser une hypothétique violation des engagements russes dans le cadre du droit international en vigueur.
Cela étant, d’une part, avec le gel de sa participation dans le traité, Moscou a souligné qu’elle continuerait à « respecter strictement les limites quantitatives des armes stratégiques offensives », indépendamment du présent accord russo-américain ;
d’autre part, malgré la suspension en cours de sa participation dans le traité sur la réduction des armements stratégiques offensifs, la Russie, dans le cadre d’un accord non public russo-américain, a continué à respecter d’une manière réciproque la partie du traité concernant la non-dissimulation de la composante aérienne de la Triade nucléaire : ne pouvant plus réaliser des visites réciproques de contrôle des installations d’armes nucléaires sur les territoires respectifs, les parties ont continué à bénéficier de la surveillance satellitaire réciproque de l’aviation stratégique dans le cadre du §1b de l’article 4 et des §1b et §1c de l’article 10 du traité, ne nécessitant pas les déplacements des contrôleurs.
Le §1b de l’article 4 stipule : « Le déploiement de bombardiers lourds peut avoir lieu uniquement sur les bases aériennes ». Et les §1b et §1c de l’article 10 du traité sont sans équivoque : « afin d’assurer le contrôle du respect des dispositions du présent traité, chacune des parties s’engage à ne pas interférer avec les moyens techniques nationaux de contrôle d’une autre Partie qui exerce ses fonctions conformément au présent article et de ne pas recourir à des mesures de camouflage qui rendent difficile le contrôle du respect des dispositions du présent traité par des moyens techniques nationaux de contrôle ».
Soit, le traité interdit d’empêcher les satellites de la partie adverse de surveiller 24/24h, 7/7j, les bombardiers stratégiques par quelques moyens que cela soit. Soit, ils doivent rester en permanence à ciel ouvert.
Le jeu du pyromane Zelensky avec la boîte de Pandore et les conséquences pour le monde
En sachant pertinemment que la frappe qui a eu lieu ce 1er juin 2025 n’aura non seulement strictement aucun effet sur le déroulement des opérations militaires russes menées sur le sol ukrainien et sur ses succès, mais, bien au contraire, mènerait à de graves représailles de Moscou que le monde constatera et que l’Ukraine subira sous peu, le régime de Zelensky qui n’a strictement aucune volonté de négocier un accord de paix et de voir la fin de la guerre en cours – car elle sera associée, fort probablement, à la fin de son règne – a ouvert la boîte de Pandore qui mènera dans les 100% des cas vers l’aggravation de la situation de la sécurité nucléaire mondiale.
L’initiative entreprise par Kiev ne peut être considérée autrement que criminelle vis-à-vis de cette dernière, car nul doute que la page de la possibilité de surveillance satellitaire réciproque de l’aviation stratégique est tournée à tout jamais.
Non seulement la Fédération de Russie, mais également les Etats-Unis d’Amérique ne permettront plus de mettre leurs appareils assurant la sécurité stratégique des pays sous le danger des potentielles frappes « à l’ukrainienne ».
Dès à présent, même si les relations russo-américaines seront restaurées, le traité Start-II/SNV-III, suspendu en février 2023 et arrivant à son terme légal en février 2026, ne peut plus être renouvelé en l’état : dorénavant, la composante aérienne des Triades nucléaires respectives sera grandement sécurisée et donc dissimulée, ce qui mène, de facto, vers une importante diminution du contrôle des armements nucléaires par le monde avec toutes les conséquences qui en découleront.
Monsieur Nestrenko, il faudrait surtout parler des conséquences pour la Russie en politique intérieure.
La responsabilité de Poutine est engagée : quand on a une guerre existentielle qui se déroule à 500 km de sa capitale, Moscou, on ne laisse pas traîner les choses pendant trois ans.
On ne laisse pas croire que le seuil nucléaire de la Russie est le paillasson de l’OTAN.
Le lecteur occidental ignore totalement la géographie russe, nous l’invitons à aller sur n’importe quelle application de cartographie, il verra que Koursk est situé, à vol de missile, à 450 km de Moscou, ensuite, de Koursk à la plus proche frontière avec l’Ukraine, il y a environ 50 km.
L’invasion de la région de Koursk par des chars de l’OTAN le 6 août 2024 aurait déjà dû déclencher une frappe nucléaire tactique de riposte et d’ultime avertissement : que dirions-nous si la bataille avait lieu à 500 km de Paris ou même de Berlin, sans parler de New York?
Mais la doctrine nucléaire russe refuse le concept de sanctuarisation du sol national, on en voit bien le résultat aujourd’hui : des TU95 et des TU22M, c’est-à-dire des vecteurs de la composante nucléaire aérienne russe, détruits, l’équilibre nucléaire peut-être significativement rompu en défaveur de la Russie et en faveur de l’OTAN.
Tout ça avec de vulgaires petits drones quadricoptères FPV (First Person View) amenés à proximité des aérodromes par des camions civils porte-conteneur.
Mais la plus grosse victime de cette attaque risque bien d’être Poutine lui-même, il y a fort à parier que d’ici la fin de l’été, il soit déposé. Cela fait déjà des mois et des années qu’on se demande à quoi il joue et maintenant, il engage son pays dans des négociations qui ressemblent fort à une capitulation.
Pourquoi une capitulation? Mais parce qu’en tout état de cause, une guerre ne saurait se gagner sur le tapis vert, invariablement, une guerre se gagne sur le terrain – et en l’occurrence, ce terrain est à 500 km de Moscou, une zone dans laquelle il n’y a aucune concession à faire, aucune discussion possible, l’ennemi doit dégager et c’est tout.
Puisse cette humiliation réveiller les nationalistes russes et les pousser à prendre le pouvoir contre une direction au jeu trouble et largement suspect d’un mondialisme qui n’a rien à nous envier.