Alexis Kohler est décrit comme le plus proche collaborateur d’Emmanuel Macron depuis l’entrée en politique de ce dernier. Né en 1972 à Strasbourg, c’est un haut fonctionnaire, mais qui ne répugne pas au pantouflage ou au copinage peu déontologique dans le privé, ce qui lui vaut quelques déboires, mouillant son mentor Macron au passage.
Alexis Kohler est juif par sa mère
Sa mère, Sola Hakim, est une « sabra », née à Haïfa avant 1948 dans le territoire de la Palestine sous mandat britannique. Celle-ci vient faire ses études en Europe et devient avocate au barreau de Strasbourg. Elle épouse en 1953, à Genève, Charles Kohler qui est un haut fonctionnaire au Conseil de l’Europe jusqu’en 1992.
Quant à ses origines familiales, il faut noter que Victor Hakim, père de Sola et grand-père d’Alexis, a pour sœur Régine Diamant. Celle-ci est la mère de Rafaela, mariée avec Gianluigi Aponte, fondateur en 1970 et propriétaire de Mediterranean Shipping Company – MSC (à garder dans un coin de la tête).
Il est marié avec Sylvie Schirm, auteure de pièces de théâtre et de romans, qui a passé trois ans à France Culture où elle réalisait des fictions radiophoniques avant de rejoindre l’entreprise Hermès aux États-Unis et de faire son retour en France quatre ans plus tard pour devenir codirectrice de l’entreprise de coaching Iciprod. Elle a joué un petit rôle en politique en enseignant à certains nouveaux députés de LaRem à s’exprimer en public.
Alexis Kohler parle l’hébreu (hassidout.org).
Alexis Kohler, bon candidat pour intégrer la classe oligarchique
Alexis Kohler est diplômé de Sciences-Po, de l’ESSEC et ancien de l’ENA. Il intègre à la sortie un poste à la direction générale du Trésor du ministère des Finances. Il est tour à tour détaché dans divers organismes, notamment au Fonds monétaire international, puis à l’Agence des participations de l’État puis succède à Rémy Rioux comme responsable de la direction des transports et de l’audiovisuel. À ce titre, il siège comme représentant de l’État aux conseils de Renault, de la RATP, d’Aéroports de Paris, et surtout du Grand port maritime du Havre. Mais il est aussi nommé au conseil de STX France, dans lequel l’État est actionnaire.
Il est membre du club « Le Siècle ».
À la suite de l’élection de François Hollande, il devient directeur adjoint du cabinet de Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des Finances, recruté à ce poste par Rémy Rioux, directeur de cabinet.
Macron, le tremplin pour son petit protégé Alexis Kohler
Alexis Kohler devient le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron à Bercy en août 2014.
Lorsque Emmanuel Macron démissionne du ministère de l’Économie dans le deuxième gouvernement Valls en août 2016 pour fonder « En marche », Kohler est engagé en tant que directeur financier de MSC, numéro 2 mondial du fret maritime, avec l’autorisation de la commission de déontologie. Emmanuel Macron s’est porté garant qu’Alexis Kohler n’avait jamais traité du dossier MSC lorsqu’il était son directeur de cabinet et directeur de cabinet adjoint de Pierre Moscovici…
Il continue également à travailler en parallèle et à distance pour Emmanuel Macron, « par mails et boucles WhatsApp » et quand débute la campagne présidentielle de 2017, il est une personnalité centrale au quartier général d’En marche. De nombreux observateurs affirment qu’il exerce alors un emploi fictif chez MSC (1)
Fin mars 2017, Alexis Kohler participe à une réunion à Bercy, en tant que représentant de MSC, au sujet du rachat de STX France, MSC étant opposé à une reprise par le groupe public italien Fincantieri. Des journalistes s’étonnent de l’absence d’application du devoir de réserve, d’autant plus en tant que proche d’Emmanuel Macron, qui figure alors parmi les favoris de l’élection présidentielle : « En se présentant devant ses anciens collègues et amis, Alexis Kohler ne peut pas ignorer que sa voix a plus de poids que celle d’un simple représentant d’un transporteur maritime » (2). La Commission de déontologie avait pourtant assorti son feu vert d’une « réserve », usuelle pour les anciens membres de cabinets ministériels : interdiction pendant trois ans de rencontrer leurs ex-collègues à titre professionnel…
Avec l’élection d’Emmanuel Macron, Alexis Kohler est nommé secrétaire général de l’Élysée le 14 mai 2017 :
« Le président de la République, son secrétaire général et son conseiller spécial (Ismaël Emelien) concentrent tous les pouvoirs. À trois, ils dirigent la France. » (lemonde.fr, 7 août 2017). « Dans l’entourage de Macron, on le surnomme AK47: Alexis Kohler, le Président bis » (Paris-Match, 14 mai 2022)
Selon ses amis, « la promesse de Macron d’émancipation par la réussite économique a été broyée par une vision technocratique de l’économie. Et le cerveau de cela, c’est Kohler » (Aurélien Taché, député ex-LREM, aujourd’hui opposant) qui précise :
« Kohler inscrit la France dans un processus de mondialisation néolibérale tel que l’imaginent les cerveaux bruxellois, où les grandes multinationales, pas forcément françaises, se taillent la part du lion. »
Il est écorné une première fois par la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla qui met en cause son témoignage, soupçonné d’« omissions, incohérences » et « contradictions ».
Mais il sera quand même la personnalité la plus influente dans la mise en place de la campagne présidentielle d’Emmanuelle Macron en 2022 et il est reconduit comme secrétaire général de l’Élysée le 17 mai 2022. Après sa nomination comme secrétaire général de l’Élysée, il annonce qu’il se déportera pour toutes les questions qui pourraient concerner MSC
Alexis Kohler et MSC, le début de la fin
En mai 2018, son lien de parenté avec Rafaela Aponte (cousine germaine de sa mère), cofondatrice avec son mari Gianluigi Aponte de MSC est révélé il est mis en cause au risque d’un « conflit d’intérêts majeur » compte tenu des responsabilités qu’il a exercées jusqu’alors sans que ce lien soit connu ni signalé. Des procès-verbaux du conseil de surveillance du Grand port maritime du Havre (GPMH), montrent que « lorsqu’il siégeait comme administrateur au conseil de surveillance du port du Havre, Alexis Kohler n’a jamais informé les autres membres du conseil de ses liens familiaux avec MSC » et « ne s’est jamais déporté quand MSC était concerné », contrairement à ce qu’affirme alors le palais de l’Élysée (3).
Le site suisse d’information Le Temps affirme qu’Alexis Kohler « connaît et fréquente la famille Aponte depuis qu’il est enfant » et que sa femme et ses enfants sont partis neuf fois en vacances avec la fille et la femme du propriétaire de MSC durant la période où il représente l’État français (4).
Anticor, association de lutte anticorruption, avait déposé plainte contre Alexis Kohler le 1er juin 2018 pour « prise illégale d’intérêts », « trafic d’influence » et « corruption passive », « faux et usage de faux » et « omission substantielle de ses intérêts » :
- pour sa présence passée au conseil d’administration de STX France, dont MSC est le client principal, sans faire état de ses liens familiaux avec l’armateur,
- pour ses votes relatifs à des contrats en faveur d’une filiale française de MSC concernant l’exploitation d’un terminal à conteneurs du GPMH, alors qu’il siégeait en 2010-2012 au conseil de surveillance de cet établissement public, en tant que représentant de l’Agence des participations de l’État.
Le Parquet National Financier indique avoir ouvert une enquête avant même cette plainte. Le 23 juin 2020, Mediapart révèle qu’Emmanuel Macron avait écrit au PNF à l’été 2019 pour disculper Alexis Kohler, au lendemain d’un rapport de police l’accablant.
Finalement, à la suite d’une constitution de partie civile d’Anticor, des juges d’instruction ouvrent une information judiciaire pour « prise illégale d’intérêts », « trafic d’influence » et « défaut de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ». Kohler a été entendu par les juges après cinquante auditions et dix perquisitions figurant dans l’enquête.
Il lui est donc reproché d’avoir « participé » de 2009 à 2012, comme administrateur, à cinq délibérations des instances de STX France (aujourd’hui Chantiers de l’Atlantique) et trois du Grand Port maritime du Havre, liés à MSC. Puis entre 2012 et 2016 à Bercy, sous Pierre Moscovici puis Emmanuel Macron, d’avoir notamment « persisté (…) à émettre des avis ou donner des orientations stratégiques ayant trait » à des dossiers impliquant MSC. Une potentielle infraction, car la mère d’Alexis Kohler est cousine de Rafaëla Aponte, épouse du fondateur Gianluigi Aponte.
Kohler a reconnu une « amitié sincère » entre son épouse et Rafaëla Aponte, avec des séjours annuels de Sylvie Kohler ou de leurs enfants de 2009 à 2013 mais aussi en 2019, sur des yachts MSC, souvent avec des membres du clan Aponte. Pour les juges, cet « intérêt moral » peut « compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité » d’Alexis Kohler. Devant les magistrats, le secrétaire général de l’Elysée dit d’emblée n’avoir « jamais considéré être en situation de conflit d’intérêts », mais répète néanmoins avoir tout fait, « dès novembre 2008 », pour se trouver loin du dossier MSC.
Les magistrats mettent en doute le déport « informel » du dossier MSC vanté par Alexis Kohler pour sa période au cabinet de Pierre Moscovici (2012-2014) puis via « une lettre » avec Emmanuel Macron (2014-2016). Ils s’étonnent aussi d’au moins vingt-huit courriels passant par sa boîte entre 2013 et 2016 concernant MSC.
Et encore ni la commission de déontologie de la fonction publique en 2016, qui validera ce pantouflage après un premier refus en 2014, ni la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique « n’ont eu connaissance de la nature exacte de ses liens » avec la famille Aponte.
Le 23 septembre 2022, Alexis Kohler a été mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » et placé sous le statut de témoin assisté pour « trafic d’influence » (5).
Sous la Ve, les secrétaires généraux de l’Élysée sont souvent les vrais manieurs de ficelles, détenteurs du pouvoir. Et le poste est considéré comme un tremplin vers les plus hautes destinées de la République (Michel Jobert, Jean-François Poncet, Hubert Védrine, Dominique de Villepin), avec quand même parfois des fortunes ultérieures diverses (Edouard Balladur, Pierre Bérégovoy, Claude Guéant). L’actuel secrétaire général de Macron (qui n’a été lui-même que secrétaire général adjoint) parait déjà avoir du plomb dans l’aile.
Notes :
(1) Alexis Kohler, un mensonge d’État à l’Élysée, sur Mediapart, 4 mai 2018 et Antton Rouget, Campagne de Macron : les riches heures du bénévole Alexis Kohler, mediapart.fr, 21 mai 2018
(2) Martine Orange, Conflit d’intérêts: la réunion qui trahit le numéro 2 de l’Elysée, sur Mediapart, 13 mai 2018
(3) Laurent Mauduit et Martine Orange, MSC: les preuves du mensonge d’Alexis Kohler, numéro 2 de l’Elysée
(4) Comment la famille Aponte est devenue la plus riche de Suisse, Le Temps, Sylvain Besson, Paul Ronga et Mathieu Rudaz, 16 octobre 2022
(5) Prise illégale d’intérêts : Défini à l’article 432-12 du code pénal, le délit de prise illégale d’intérêts est « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public (…), de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».
Trafic d’influence : Le trafic d’influence est défini, à l’article 433-2, comme « le fait, par quiconque, de solliciter ou d’agréer (…) des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ». Ces deux délits sont passibles de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende.
Kohler est donc halakhiquement juif
(Halakha = la loi juive
Halakhique ou Halachique = conforme à la loi juive)