La Corée du Nord fait habituellement les titres de la presse occidentale pour ses essais et tirs de missiles balistiques ou continentaux, conventionnels ou nucléaires ; des engins coûteux aux technologies complexes. Mais dernièrement c’est pour un tout autre « exploit » technologique et opérationnel qu’elle entre dans le champ médiatique : des drones ont survolés la Corée du Sud 7 heures durant. Ces engins aériens sans pilote montrent depuis 10 mois leur efficacité dans le ciel ukrainien, mais aussi dans le ciel russe ! Une technologie dans laquelle la République islamique d’Iran est pionnière.
5 drones de Corée du Nord dans le ciel de Séoul
Hier, la Corée du Nord a fait voler depuis son territoire 5 drones jusqu’à Séoul (capitale de la Corée du Sud, toujours en conflit avec le Nord), avant qu’ils ne retournent tous au bercail « sains et saufs », au grand dam des Coréens du Sud. À tel point que l’armée sud-coréenne a dû présenter ses excuses mardi 27 décembre pour avoir échoué à les abattre.
Les drones envoyés hier sont donc restés dans l’espace aérien du Sud pendant 7 heures, y compris au-dessus de la capitale, sans que l’armée de Séoul ne réussisse à en contrer un seul et en perdant même un avion qui tentait de les intercepter. Puis, les 5 drones sont rentrés en Corée du Nord.
« Nos militaires ont d’abord détecté un engin aérien sans pilote nord-coréen autour de l’espace aérien de Gimpo à 10h25 » (01h25 GMT), a déclaré l’état-major interarmées sud-coréen dans un communiqué. L’état-major a ajouté que plusieurs drones nord-coréens avaient « envahi » l’espace aérien près de la province de Gyeonggi.
À noter : alors que la presse occidentale bruisse des annonces d’envois des fameux « Patriot » en Ukraine, en Corée du Sud qui en bénéficient déjà, ces batteries de défense aérienne n’ont pas pu – ou n’ont pas été utilisées pour – intercepter les 5 drones…
C’est un petit exploit de Pyongyang, tant militairement (un avion ennemi écrasé, une observation aérienne de sites sensibles, une frayeur chez Séoul qui découvre que le Nord peut faire ce qu’il veut quand il veut au-dessus du Sud) que symboliquement (Séoul et sa DCA qui tentait de rivaliser avec la DCA russe dans le marché de l’armement a été totalement ridiculisée).
Des drones dans le ciel ukrainien mais aussi russe
Le conflit russo-ukrainien est marqué entre autre par l’émergence de ce nouveau type d’engin volant sans pilote sur le champ de bataille, avec des fortunes diverses. Les « Bayraktars » turcs opérés par les forces armées ukrainiennes ont donné quelques sueurs froides aux Russes jusqu’à ce qu’ils trouvent la contre-batterie adéquate ; les « Geran 2 » russes – d’origine iranienne – frappent durement par vagues les infrastructures de l’Ukraine et maintenant les « Tu 141 » ukrainiens frappent en profondeur le territoire russe. Ces événements confirme que les armées du monde sont largement prises au dépourvu face aux drones, qui peuvent par ailleurs être opérés tant par des États que des groupes non étatiques.
L’exemple d’hier, lorsqu’une batterie TOR russe a intercepté un drone kamikaze ukrainien (possiblement un Tupolev 141 modernisé) volant à très basse altitude au-dessus du territoire russe (vers la base aérienne stratégique russe d’Engels à plus de 500 km de la frontière), montre qu’ils sont promis à un bel avenir dans les guerres modernes.
Exemple de système Tor russe interceptant un drone
Néanmoins, le drone a fini par toucher son objectif, éventuellement « accompagné » du missile SAM lui-même ou de ses débris, ce qui a vraisemblablement aggravé les dégâts au sol, comme on le voit régulièrement à Kiev et comme on l’avait vu à Damas. Ou encore en Arabie Saoudite dans les attaques des Houtis contre les raffineries du pays.
Ces engins peu coûteux et beaucoup moins complexe à concevoir, construire et opérer sont aussi beaucoup plus difficile à intercepter que les missiles classiques (sauf les versions hypersoniques) et les avions du fait de leur faible altitude de vol les masquant des radars à moyenne-longue distance, et au faible réfléchissement des ondes radar.
Deux exemples d’utilisation de drones en Ukraine :
- destruction d’une station P-18 en direction de Kherson par un drone russe « Lancet » :
- une utilisation plus « expérimentale » : un drone russe larguant une grenade dans la cheminée d’un poêle en direction de Koupiansk :
Les drones utilisés par Kiev depuis quelques mois pour attaquer le territoire russe frontalier sont fabriqués par l’entreprise américaine « SpektreWorks », qui les a testés dans l’État de l’Arizona, ainsi qu’en Pologne.
La Russie, elle, dispose de ses propres drones par exemple « Lancet » ou « Orlan » mais semble-t-il également de drones iraniens kamikaze « Shaed 136 » baptisé « Geran 2 » dans la nomenclature russe.
La République islamique d’Iran pionnière en matière de drones
C’est ce que l’Iran a bien compris qui dispose d’une des plus larges gammes de drones à usage militaire. Et la stratégie du pays en ce domaine est même devenue l’un des quatre piliers de la stratégie iranienne (les autres étant son programme de missiles, son réseau d’alliés et d’intermédiaires non étatiques et ses capacités croissantes dans le domaine de la cyberguerre).
Alors que le pays est sous sanctions internationales depuis des lustres, l’Iran se paye même le luxe d’en fabriquer certains avec des composants provenant du marché occidental ce qui fâche beaucoup les États-Unis et Israël. La moitié des composants viendraient d’entreprises basées aux États-Unis, au Japon et en Israël pour la lentille infrarouge télescopique. Malgré un embargo mené contre l’Iran, le pays du Proche-Orient parvient à se fournir à travers des sociétés écrans chinoises et c’est plus de 200 composants étrangers que l’on retrouve dans les drones iraniens, dont deux tiers états-uniens et un tiers japonais.
L’Iran dispose maintenant de toute une gamme de drones d’attaques qui font l’objet d’une politique d’exportation. Le major-général Yahia Rahim Safavi, ancien commandant du corps des Gardiens de la révolution islamique et principal conseiller militaire du guide suprême iranien, a récemment déclaré qu’au moins 22 pays étaient intéressés par l’acquisition de drones militaires de fabrication iranienne.
« Les Iraniens construisent des drones plus avancés et plus gros qui ont une portée de vol plus élevée et sont capables de transporter des marchandises de guerre… En plus de déstabiliser la région, l’Iran menace la sécurité et le commerce mondial. » (Michael Eric Kurilla, chef d’état-major américain du CENTCOM).
Le drone armé ou kamikaze est d’un emploi qui en est encore à ses balbutiements lorsqu’on songe aux possibilités qui ne manqueront pas de survenir des attaques par saturation en essaim ou des guerres drones contre drones, dont on a encore eu peu d’exemple sur les champs de bataille.