Depuis la création de la Foire de Lyon par le Dauphin – futur Louis XI – à la fin du XVe siècle, Lyon est devenu la capitale de la soie.
L’activité de tissage de la soie a perduré jusqu’au début du XXe siècle (il en reste même encore quelques uns qui subsistent grâce au marché protégé de la restauration des palais nationaux ).
Canut est le nom donné aux compagnons tisseurs de soie, l’origine du mot, dont l’étymologie est contestée, viendrait de canne, car les canettes étaient faites de roseau.
Au début du XIXe siècle l’activité textile est toujours la principale activité pré-industrielle de Lyon.
Les ateliers de canuts se trouvent principalement sur le quartier de la Croix-Rousse, le quartier Saint Georges, le quartier de la Guillotière et le quartier de Vaise.
L’organisation de la production se fait selon une hiérarchie pyramidale :
Tout en haut se trouvent les « soyeux » environ 400 banquiers-négociants, donneurs d’ordre, qui commandent les pièces à fabriquer et qui les commercialisent.
Au dessous environ 8 000 canuts, véritables « chefs d’atelier », maîtres tisserands qui fabriquent les pièces commandées ( ils sont payés à la pièce ), ils sont propriétaires de leur métier à tisser, et peuvent parfois en posséder jusqu’à 6 .
Ils vivent dans ce qu’on appelle encore aujourd’hui des appartements de canuts : très hauts de plafond pour que le métier puisse y être placé. Il y a toujours une mezzanine qui sert à y placer la literie.
Ils vivent, travaillent et dorment donc dans l’appartement-atelier.
Les canuts emploient 30 000 compagnons, payés à la journée, qui logent et sont nourris par les canuts ; canuts comme compagnons vivent dans les mêmes conditions.
Une journée de travail fait 14-18 heures. Il y a 5 jours de travail par semaine.
A coté de cela il y a aussi des femmes qui sont aussi employées – elles sont moins bien payées – ainsi que des garçons de course – les « brasse-roquets », et toute une kyrielle de métiers annexes spécialisés.
En tout la soierie lyonnaise c’est 40 000 emplois.
Les conditions de vie sont très dures, une partie non négligeable de la production est exportée et la concurrence est âpre entre les canuts.
En 1830, du fait de la mécanisation du tissage par l’apparition du métier à tisser Jacquard, les revenus ont été divisés par 2 en l’espace de 15 ans environ.
Contraints par la dégradation de leur environnement économique, les canuts se retournent vers le préfet du Rhône, Louis Bouvier-Dumolart, ils trouvent une personne sensible à leur revendications, le préfet créant une commission paritaire qui fixe un tarif minimum.
Le préfet fait ensuite afficher dans la ville la déclaration suivante:
«Si par exception quelques ouvriers honnêtes ont encore des griefs à faire redresser, les vois légitimes leur sont ouvertes, et ils sont assurés d’y trouver une bienveillante justice».
Mais ayant violé le Décret d’Allarde et la Loi le Chapelier, le préfet est désavoué par Paris.
Le Décret d’Allarde
C’est une loi révolutionnaire des 2 et 17 mars 1791, du nom de son auteur, supprime les corporations, associations de personnes exerçant la même profession et qui réglementaient l’exercice de cette dernière dans chaque ville. Cette loi qui supprime la liberté d’association est à l’origine de l’interdiction des syndicats.
Dans son article 7, elle consacre la liberté d’entreprendre et instaure l’ultralibéralisme dans le sens où il interdit toute intervention de l’état dans les affaires économiques afin d’assurer une libre concurrence.
Le préfet en tentant de réguler les tarifs des canuts a donc contrevenu à ce décret.
Ce décret inique sera finalement abrogé par la Révolution Nationale du Maréchal Philippe Pétain qui restaure les corporations.
La Loi Le Chapelier
Loi révolutionnaire, promulguée le 14 juin 1791, porte le nom de son auteur le député Isaac Le Chapelier.
Cette loi qui fait suite au décret d’Allarde, interdit les organisations ouvrières, les corporations des métiers, les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le compagnonnage. Elle interdit les grèves et les entreprises non lucratives comme les mutuelles Par contre elle ne visait aucune association patronale, ni les trusts et ententes monopolistiques.
C’est à cause de cette loi que le monde ouvrier s’est retrouvé totalement sans défense par la suite, lors de l’industrialisation de la France, et qu’ils furent quasiment transformés en esclaves, plus rien n’interdisant le travail des femmes et des enfants.
Cette loi totalement conforme à l’Esprit des Lumières, si cher à Mélenchon, affirme dans son préambule qu’il « n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de coopération ». La loi s’inspire du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, dont elle reprend des passages entiers dans l’exposé des motifs.
A titre anecdotique , hors sujet , La loi contribue, avec le décret du 18 août 1792, à la dissolution de l’Université et des facultés de médecine, au nom du libre exercice de la médecine, sans qu’il soit nécessaire d’avoir fait des études médicales ou d’avoir un diplôme.
Mais c’est donc parce qu’il avait reçu une délégation de canuts, délégation considérée abusivement comme une association, que le préfet a été désavoué.
C’est cette loi qui a permis pendant tout le XIXe siècle la répression de toute grève. Elle a été abrogée par Napoléon III.
L’insurrection du 21 Novembre
L’action du préfet porte bien évidemment un coup aux intérêts des banquiers-négociants, ils refusent donc d’appliquer le tarif convenu qu’ils considèrent comme exorbitant.
S’en est trop pour les canuts.
« Le 21 novembre 1831, plusieurs centaines de tisseurs parcourent la Croix-Rousse, qui est alors une commune indépendante. Ils obligent ceux qui travaillent encore à arrêter leurs métiers à tisser, puis descendent de la Croix-Rousse par la montée de la Grande-Côte jusqu’à la rue Vieille-Monnaie. La 1re légion de la Garde nationale, composée principalement de négociants et qui barre le passage, fait feu. Trois ouvriers sont tués, plusieurs sont blessés. Les canuts remontent à la Croix Rousse et alertent la population en criant : « Aux armes, on assassine nos frères. » On s’arme de pioches, de pelles, de bâtons, quelques-uns ont des fusils. Des barricades sont dressées et les ouvriers marchent sur Lyon, drapeau noir en tête, et bientôt, les tisseurs de la Croix-Rousse sont rejoints par ceux des Brotteaux et de la Guillotière.
Le 22 novembre, à Lyon, un combat sanglant a lieu au Pont Morand. Les soldats et gardes nationaux, battus, renoncent à contrôler la Grande Côte et la montée Saint-Sébastien et les ouvriers prennent possession de la caserne du Bon Pasteur et pillent les armureries. Des ouvriers de tous les quartiers se joignent aux canuts qui sont bientôt maîtres de toute la ville, à l’exception du quartier des Terreaux. Plusieurs corps de garde de l’armée ou de la Garde nationale sont attaqués et incendiés. L’infanterie essaie vainement de les arrêter, puis recule sous les tuiles et les balles, tandis que la Garde nationale, dont nombre de membres se recrutent parmi les canuts, passe du côté des émeutiers.
Au terme d’une rude bataille – environ 600 victimes dont quelque 100 morts et 263 blessés côté militaire, et 69 morts et 140 blessés côté civil –, les émeutiers se rendent maîtres de la ville que fuient, dans la nuit du 22 au 23 novembre, le général Roguet, commandant la 7e division militaire, ainsi que le maire, Victor Prunelle.
Le 23 novembre, les insurgés sont maîtres de la ville et se gardent de tout pillage. Ils occupent l’Hôtel de Ville, mais leurs chefs, qui n’étaient « entrés en grève » que pour obtenir la correcte application de l’accord collectif, ne savent plus que faire de leur victoire. Un comité insurrectionnel se forme sous l’impulsion de quelques républicains, mais ne prend pas de mesures concrètes, faute d’un véritable programme et aussi du soutien des canuts, qui refusent de voir leur mouvement récupéré à des fins politiques.
La semaine suivante, les ouvriers, pensant tenir leur tarif, reprennent le travail. »
(Source : Wikipédia )
Faute d’avoir agit animés par une doctrine, faute d’avoir un programme politique (ils avaient agit seulement pour un intérêt salarial immédiat), les canuts ne parviennent pas à maintenir leur pouvoir sur la ville. Le 25 novembre le Maréchal Soult, ministre de la guerre, à la tête d’une troupe de 20 000 soldats part à la reconquête de la ville, qui est finalement reprise le 3 décembre.
Le préfet est révoqué le 6 décembre. Et le tarif annulé le 7 décembre.
Le président du Conseil Casimir Perier déclare que la révolte a voulu s’armer « contre la liberté du commerce et de l’industrie » et affirme le 26 décembre que « la société ne se laissera pas menacer impunément. »
La révolte des Canuts de 1831 est terminée.
Mais notre règne arrivera
Quand votre règne finira :
Nous tisserons le linceul du vieux monde,
Car on entend déjà la tempête qui gronde
C’est nous les canuts
Nous sommes tout nus.
Sources :
1 – http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_des_Canuts
2- http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cret_d%E2%80%99Allarde