Le putsch des généraux ou putsch d’Alger
Le samedi 22 avril, la population d’Alger apprend à 7 heures du matin, par un message lu à la radio que « l’armée a pris le contrôle de l’Algérie et du Sahara ».
Dans la nuit , des parachutistes et des légionnaires se sont emparés de tous les centres nerveux d’Alger. Les trois généraux, Maurice Challe, Edmond Jouhaud et André Zeller, rejoints par Salan le 23, et en accord avec les colonels Godart, Argoud et Lacheroy, ont fait arrêter le délégué général du gouvernement, Jean Morin, le ministre des Transports, Robert Buron, qui se trouvait en voyage, et un certain nombre d’autorités civiles et militaires, sans résistance. Mais ils se refusent à armer les Pieds-noirs qui les soutiennent.

Il ne s’agit pas de prendre le pouvoir ; ce qui importe, c’est la « pacification ». Challe se sent frustré de la victoire qu’il escomptait et il a promis à ses officiers de ne pas abandonner l’Algérie. Par ce coup de force, ils entendent tenir le serment fait par l’armée de garder l’Algérie à la France.
Quelques régiments se mettent sous les ordres des généraux.
À Paris, la police arrête, dès six heures du matin, le général Jacques Faure, six autres officiers et quelques civils impliqués dans le « complot de Paris » censé relayer en métropole le soulèvement.
L’état d’urgence est décrété en Algérie. Les partis de gauche, les syndicats et la Ligue des droits de l’homme appellent à manifester « l’opposition des travailleurs et des démocrates au coup de force d’Alger ».
Vers 19h, le général Challe s’exprime à la radio d’Alger :
« Je suis à Alger avec les généraux Zeller et Jouhaud, et en liaison avec le général Salan pour tenir notre serment, le serment de l’armée de garder l’Algérie pour que nos morts ne soient pas morts pour rien. Un gouvernement d’abandon […] s’apprête aujourd’hui à livrer définitivement l’Algérie à l’organisation extérieure de la rébellion. […] L’armée ne faillira pas à sa mission et les ordres que je vous donnerai n’auront jamais d’autres buts.
Le mouvement s’épuise au bout de quelques jours, surtout en métropole où la dynamique n’a pas pris. Progressivement, les troupes ayant suivi les généraux se rendent. Le 26 avril le commandant Denoix de Saint-Marc, qui avait le premier suivi les généraux, se constitue prisonnier et négocie la reddition du général Challe aussitôt transféré en métropole. Zeller disparaît dans les rues d’Alger, il se rend quelques jours plus tard. Les généraux Salan et Jouhaud, les colonels Argoud, Godard, Gardes et le capitaine Sergent entrent en clandestinité et rejoindront l’OAS.
220 officiers sont relevés de leur commandement, 114 sont traduits en justice. Le groupement des commandos de l’air ainsi que trois régiments ayant pris part au putsch (1er régiment étranger de parachutistes, 14e régiment de chasseurs parachutistes et du 18e régiment de chasseurs parachutistes) sont dissous par ordre du chef de l’État. L’état-major d’autres régiments est dissous et reconstitué : 1er et 9e RCP, 2e, 3e et 8e RPIMA.
Environ un millier d’officiers hostiles à la politique du gouvernement ou par solidarité avec les putschistes démissionnent à cette période, soit 3 % des officiers d’active de l’armée française.
Le Haut Tribunal militaire condamne Maurice Challe et André Zeller à 15 ans de réclusion. Ils sont amnistiés et réintégrés dans leurs dignités militaires sept ans plus tard. Salan et Jouhaud entrent dans la clandestinité et poursuivent leur action au sein de l’OAS. Arrêté le 24 mars 1962 Jouhaud est condamné à la peine de mort, Salan arrêté le 20 avril 1962, qu’on s’attend à voir condamné à la même peine, est défendu par l’avocat et homme politique maître Tixier-Vignancour qui, en mettant en cause la politique algérienne de de Gaulle, sauve sa tête.
Les généraux putschistes encore vivants sont réintégrés dans l’armée (corps de réserve) en novembre 1982, par une loi d’amnistie.
Pierre Sidos sur le putsch des généraux :
L’objectif du putsch des généraux était de renverser de Gaulle. Nous souhaitions lancer ce putsch simultanément à Paris et à Alger. Jeune Nation avait proposé son aide sur Paris car nous avions constitué un stock d’armes et de tenues militaires camouflées, des reliquats de la guerre. Nous souhaitions nous emparer de l’École militaire lors du putsch mais nous avons été écartés au dernier moment par les généraux d’Alger. Notre mouvement était considéré comme trop marqué politiquement. À Alger, des membres de Jeune Nation ont toutefois participé aux opérations mais sans succès.
Comme le disait si bien Maurice Barrés, « les militaires sont faits pour commander mais non pour gouverner ». Je me rappelle par exemple que l’un des conjurés, le colonel Godard, ignorait que dans sa circonscription militaire, il y avait des transmetteurs radio. Lors d’une réunion clandestine, il était venu me voir en stationnant sa voiture devant la maison où il avait rendez-vous. J’ai alors compris que les militaires français n’étaient pas faits pour la vie en clandestinité et que notre putsch était voué à l’échec, ce qui n’a pas manqué d’arriver. (Entretien paru dans le numéro 5 de la revue Charles d’avril 2013)
Le sigle OAS (Organisation armée secrète) est né à Madrid, en février 1961, d’un groupe d’exilés politiques ; il sera popularisé en Algérie et partout ensuite à partir de mai 1961, après l’échec d’un sursaut militaire connu sous le nom de « putsch des généraux ». (Entretien paru dans le n° 2 de la seconde version papier de Jeune nation, en décembre 1993).