Dans le contexte de forte instabilité politique et sociale de l’Italie qui suit la Grande Guerre, Benito Mussolini et le Parti National Fasciste visent la prise du pouvoir en forçant la main aux institutions avec des actions de masses.
Lorsque la marche sur Rome démarre le 27 octobre à minuit, quelque 5000 fascistes sont mobilisés à Naples. La ville est alors le théâtre du second Congrès du parti national fasciste où l’après-midi du 24, le Duce enflamme ses troupes en chemises noires :
« Je vous le dis avec toute la solennité que le moment impose : où ils nous donnent le gouvernement où nous le prenons en allant à Rome. Nous ne voulons pas vendre notre droit d’aînesse pour un plat de lentilles, nous voulons devenir l’Etat »
Des propos aussitôt repris par des « Roma ! Roma ! » hurlés par la foule. Des colonnes fascistes attendent dans plusieurs villes comme Civitavecchia, Mentana ou Tivoli pour converger sur Rome. Elles se mettent en marche après des heures de piétinement
Le 28 octobre 1922, Benito Mussolini est à la tête de 26 000 fascistes, et ses chemises noires défilent dans toute l’Italie en défiant les forces armées. Début 1920, les 1 500 légionnaires du poète Gabriele D’Annunzio avaient pris Fiume d’assaut au nom de la « victoire mutilée », expression qui désigne les promesses territoriales non tenues par le traité de Versailles. Une insurrection qui a des conséquences directes sur la marche de 1922. Mussolini y apprend que l’armée peut ne pas obéir au gouvernement et que les préfets et autorités locales peuvent laisser faire.
Et effectivement les autorités ne réagissent pas. Dans de nombreuses villes du nord et du centre, les squadristes s’emparent, souvent sans difficultés, des centres névralgiques : préfectures, commissariats de police, centrales téléphoniques ou gares. A Trieste, Padoue et Venise les autorités militaires collaborent avec les Chemises noires.
Le 29 octobre 1922, le roi lui demande de venir à Rome. Il se paye le luxe d’exiger un télégramme. Le 30 octobre à 11h15, le Duce arrive dans la capitale en train et se présente devant le roi en chemise noire. « Je viens tout droit de la bataille qui s’est déroulée, heureusement sans effusion de sang ». Avec la Marche sur Rome, il obtient du roi Victor Emmanuel III la charge de constituer le gouvernement le 30 octobre !
Mais il sait qu’il doit encore batailler pour obtenir la confiance du Parlement ce 16 novembre 1922. Que faire d’autre quand sur plus de 500 députés, seuls 35 sont fascistes ? Devant les parlementaires, Mussolini exulte avec aplomb en agitant le spectre des 300 000 hommes prêts à prendre d’assaut la capitale. Debout devant le Parlement, il fait claquer son discours comme une bastonnade :
« Avec 300 000 jeunes gens armés… prêts à tout, prêts à m’obéir avec un aveuglement presque mystique, je pouvais châtier tous ceux qui ont diffamé et tenté de salir le fascisme ».
Cette prise de pouvoir légale créa une onde de choc en Europe. Avec sa marche sur Rome, Mussolini et le fascisme apparurent à tous les mouvements nationalistes en Europe, notamment les nationaux-socialistes, comme des précurseurs et un modèle à suivre pour prendre le pouvoir. « Italia Docet ! », «l’Italie nous montre la voie», s’exclama Möller van der Bruck, partisan de la Révolution conservatrice qui fut l’inventeur de l’expression « IIIe Reich ».