LE DIMANCHE 2 JUIN, au journal télévisé de 20 heures sur TF1, Laurent Wauquiez a annoncé sa démission de la présidence des Républicains, responsabilité qu’il occupait depuis décembre 2017. « J’ai décidé de prendre du recul. Je me retire de mes fonctions », a-t-il affirmé, le teint blême et la voix tremblotante. « Ces élections, c’est un échec, c’est pas facile, mais il faut le reconnaître avec humilité. Les victoires, elles sont collectives, les défaites, elles sont solitaires. C’est comme ça. Il faut que je prenne mes responsabilités. » Sa situation devenait en effet intenable, sa formation ayant obtenu au soir du 26 mai le plus faible score de toute son histoire, avec 8,48 % des suffrages exprimés. Comme toujours, en cas de défaite, les langues se délient et les couteaux s’aiguisent, les amis d’hier deviennent les pires ennemis. Toute la semaine dernière les appels à la démission de Wauquiez, forcément chargé de tous les péchés, s’étaient succédé. Valérie Pécresse avait fait savoir qu’à sa place elle aurait déjà quitté ses fonctions par sens des responsabilités et de l’honneur. Mais tous ces vils politiciens savent-ils seulement ce qu’est l’honneur ? Dans une interview au Journal du dimanche, Eric Woerth, président de la commission des finances de l’Assemblée, s’était montré tout aussi pressant, indiquant sans ménagement au président des Républicains la porte de sortie : « J’entends beaucoup de mes amis mettre en garde contre la guerre des chefs. C’est aussi une formule bien pratique pour ne rien changer. […] Chacun doit prendre ses responsabilités à la place où il est, et Laurent Wauquiez le premier. Oui, il faut le dire, il y a aussi un problème de leadership », avait-il attaqué, tout en en appelant à la mise en place d’une « direction transitoire », ce qui ne mange pas de pain « On voit bien que cela se fissure de partout et si l’on ne veut pas que cela s’agrandisse, il n’y a qu’une seule solution : que Laurent Wauquiez démissionne de lui-même », avait par ailleurs confié à la presse un de ses anciens soutiens avant l’annonce à TF1. Le président du Sénat, le très maçonnique Gérard Larcher, avait lui aussi contesté l’autorité et la légitimité de Wauquiez en appelant à «reconstruire un projet qui rassemble la droite et le centre » au-delà de LR et en exprimant sa volonté de réunir dès le 4 juin au soir dans un hôtel parisien les principales personnalités du parti, sans même consulter au préalable le chef du parti élu en 2017 par les militants.
IL EST VRAI que, depuis une semaine, il ne se passait plus un jour sans un nouveau départ de feu dans la maison LR ou sans une nouvelle voie d’eau. C’est d’abord une vingtaine de députés qui menacent de créer un sous-groupe à l’Assemblée, comme aux pires moments de la guerre entre Copé et Fillon. C’est ensuite l’appel d’une dizaine de jeunes députés à mettre en place un « comité de renouvellement », comme à l’époque des réformateurs du RPR et de l’UDF (Noir, Carignon, Léotard…) qui ont tous politiquement disparu. Ce sont les démissions en cascade d’élus locaux qui craignent pour leur réélection à l’approche des municipales de mars 2020 et des départementales et régionales de mars 2021, un élu n’ayant d’autre souci, d’autre obsession, d’autre finalité dans sa vie que de se faire réélire, de se succéder à lui-même. Eric Berdoati, maire de Saint-Cloud et président de la majorité LR au conseil départemental des Hauts-de-Seine, a ainsi fait défection. A sa suite, toute la droite des Hauts-de-Seine, fief historique de la droite parlementaire, menaçait de faire de même. Le maire de Quimper, Ludovic Jolivet, a lui aussi officialisé son départ de LR pour Agir, le micro-parti de ces ex-LR désormais intégrés à la majorité macroniste. Ces mouvements de bascule ne sont probablement qu’à leur début car la droite parlementaire s’est effondrée dans des bastions qui paraissaient pourtant inexpugnables comme les riches arrondissements de l’ouest parisien — le XVIe est ainsi devenu macroniste —, comme Versailles ou Neuilly.
Manifestement la droite d’argent, la droite d’affaires se reconnaît et se complaît dans le macronisme. Macron a réuni et réussi l’alliance de la bourgeoisie de droite et de la bourgeoisie de gauche qui applaudissent de concert quand la police tire à arme réelle sur les gilets jaunes, quand Macron réduit le périmètre de l’ISF (sans toutefois le supprimer totalement, cet impôt démagogique touchant toujours l’immobilier), quand il affirme vouloir aider les entreprises, libérer l’initiative (ce qu’il fait pourtant bien peu en réalité), quand il se présente comme le seul rempart face au populisme, à l’aventurisme et à l’extrémisme. Macron est le chouchou de ces conservateurs qui ne conservent rien, ni les principes, ni la morale chrétienne, ni l’amour du beau, du bien et du vrai, sauf leurs intérêts immédiats, ou l’idée qu’ils se font de leurs intérêts. Les conservateurs veulent conserver leur portefeuille, leur rente, leur situation, ce qui est bien plus important à leurs yeux que la défense intransigeante des traditions, même les plus immémoriales, des principes, mêmes les plus intangibles. Drumont et Bernanos dénonçaient déjà à leur époque ces conservateurs qui préfèrent un ordre immoral et injuste, pourvu qu’il ait les apparences de l’ordre et de la légalité. Ces millions d’électeurs originellement de “droite” ne sont pas gênés, semble-t-il, d’accorder leur suffrage et leur confiance à un parti, la République en marche, qui est la caisse de résonance des revendications les plus folles du lobby LGBT au point que le gouvernement s’apprête à légaliser la procréation médicalement assistée, la fameuse PMA, pour les lesbiennes. Ces conservateurs autoproclamés n’ont pas de problème de conscience à voter pour un mouvement favorable à l’invasion des migrants dans notre pays et sur tout le continent européen.
IL N’EN reste pas moins que ce que nous vivons actuellement est saisissant. Imaginait-on il y a seulement vingt ou trente ans assister à pareil spectacle ? Une “droite” parlementaire ou institutionnelle en miettes, en-dessous des 10 % des voix. Cette famille politique a donné cinq présidents à la Ve République (De Gaulle, Pompidou, Giscard, Chirac, Sarkozy), elle a tenu des décennies durant la majorité des communes, des départements, des régions, elle a souvent dominé le Sénat et l’Assemblée nationale. Son représentant a été en finale de toutes les présidentielles, élection-reine de la Ve République, de 1965 à 2012 inclusivement. Beaucoup pensaient que l‘élimination de Fillon dès le premier tour en avril 2017 n’était qu’un accident anecdotique, isolé, lié à l’exploitation politico-médiatique des affaires le concernant et que les 20 % qu’il avait récoltés constituait le seuil minimal à partir duquel pourrait s’engager la reconstruction de la droite parlementaire. Il n’en a rien été.
C’est qu’en réalité il n’y a plus de droite en France. Parce qu’il n’y a plus de droiture. Parce que pour qu’il y ait une droite, il faut qu’il y ait une patrie à défendre, des familles à protéger, une armée à respecter, un travail à donner, une morale à respecter. Or nous vivons aujourd’hui dans une société qui est largement sans patrie, sans familles, sans travail, sans religion, sans transcendance, sans idéal, sans grand dessein. L’effondrement sociologique du catholicisme depuis les années soixante et soixante-dix a conduit mécaniquement à la disparition de la droite et à la fusion entre la gauche et la droite parlementaires. Macron a réussi l’alliance gouvernementale entre la gauche et la droite du Système en 2017. Il a achevé en 2019 la réunion électorale de la bourgeoisie de droite et de gauche qui plébiscite un homme qui volontairement n’a pas voulu faire d’enfants, dont la compagne n’est pas devant Dieu l’épouse légitime et dont beaucoup de rumeurs insistantes et concordantes circulent sur l’inclination sexuelle, comme tendent à le confirmer les photos de Macron avec des danseurs à la fête de la musique à l’Elysée en juin 2018, puis, trois mois plus tard, aux Antilles, avec des délinquants de couleur, torses nus.
Mais avant même cet abandon quasiment universel de la foi et de la pratique religieuse les principes de Nuremberg avaient émasculé la droite, empêché l’avènement en Europe d’une droite authentique et triomphante puisque, comme l’expliquait Bardèche dans Nuremberg ou la Terre promise, la condamnation du national-socialisme au tribunal de l’humanité portait en germes la délégitimation radicale de tout mouvement défendant le sol, le sang, les traditions, le terroir, la nation, la religion, les racines.
Si l’on veut un jour redonner vie et vigueur à une droite authentique et convaincue, ce que ne représentent pas les différents partis populistes qui n’ont d’ailleurs pas vraiment percé lors de ce scrutin, il est vain de compter sur la voie électorale qui est la tare et la sauvegarde du régime. Il faudra en revanche se libérer mentalement, intellectuellement, politiquement des principes mortifères de Nuremberg qui organisent notre désarmement contre toute forme de submersion et de subversion, d’agressions externes et de dissolutions internes et renouer en profondeur et avec ferveur avec la foi de nos aïeux, cette vertu théologale qui fut le fondement, le fil conducteur et la noblesse de notre pays tout au long de son glorieux passé.
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Jérôme BOURBON.
Editorial du numéro 3380 de RIVAROL daté du 5 juin 2019.