Qui a dit que la question du révisionnisme historique n’était pas un sujet essentiel ? Ceux qui pensent qu’il ne faut pas parler de la Seconde Guerre mondiale font erreur car les adversaires des mouvements populistes, eux, utilisent très habilement, et de manière massive, une propagande très efficace pour tétaniser les esprits. En cet entre-deux-tours de la présidentielle Emmanuel Macron a ainsi abondamment fait campagne sur le thème de la sacro-sainte “mémoire” et de l’antifascisme. Il s’est d’abord rendu le 28 avril, la mine grave et la voix basse, à Oradour-sur-Glane. Le Monde a ainsi pu écrire : cEmmanuel Macron est accueilli par le dernier survivant du massacre du 10 juin 1944. Entre les vestiges de ce village martyrisé et les tombes des 642 victimes, il forge sa stature présidentielle. Dans ce lieu symbole de la barbarie nazie, le candidat d’En Marche! tente de réactiver le réflexe républicain. » « Oublier, décider de ne pas se souvenir, c’est prendre le risque de répéter l’Histoire et les erreurs » a déclaré le candidat d’En marche qui veut ainsi faire croire au plus grand nombre que l’accession de Marine Le Pen à l’Elysée déboucherait sur des crimes de masse.
Et deux jours plus tard le même homme se rendait au mémorial de la Shoah. Pourquoi en effet ne pas utiliser une recette qui fonctionne à tous les coups ? « Ce qui s’est passé » ne « doit plus jamais advenir », a déclaré Macron après une visite à ce mémorial, où il a rendu hommage « à toutes ces vies fauchées par les extrêmes, par la barbarie ». « Nous avons aujourd’hui un devoir qui est double, le devoir de mémoire […] et le devoir que cela n’advienne plus jamais, en acceptant en rien l’affaiblissement moral qui peut tenter certains, le relativisme qui peut en tenter d’autres, le négationnisme dans lequel certains trouvent refuge, parce que ce qui s’est passé est inoubliable, est impardonnable, ça ne doit plus jamais advenir. »
La porte-parole de Macron, Laurence Haïm, n’a reculé, elle non plus, devant aucun amalgame : « On assiste à des discours d’une violence extrême de la part du Front national, estime-t-elle. On a vu ce que Marine Le Pen a fait à propos du Vel d’Hiv. Et donc c’est très important pour Emmanuel Macron de montrer que par un devoir de mémoire on n’oublie pas. L’extrême-droite n’arrive jamais de force au pouvoir. L’extrême-droite arrive souvent par le suffrage universel. L’histoire peut toujours se répéter, il faut être extrêmement vigilant par rapport à ce qu’on entend, par rapport à la violence de cette campagne. »
On le voit, Macron essaie de profiter pleinement de l’affaire Jalkh. Les media ont en effet opportunément déterré des morceaux d’une interview à caractère révisionniste que le vice-président du Front national aurait accordée au début des années 2000. Dans « Une création illégitime ? Le Front national de la jeunesse », article d’un numéro de 2005 de la revue Le Temps des savoirs, Jean-François Jalkh est cité disant : « Le problème des chambres à gaz, mais moi je dis qu’on doit pouvoir discuter même de ce problème ». S›il se défend dans la même publication d›être “négationniste”, ce dernier tient des propos historiquement incorrects : « Mais je dis moi, quelque chose qui m’a énormément surpris, dans les travaux d’un négationniste ou d’un révisionniste sérieux […], c’est le sérieux et la rigueur, je dirais, de l’argumentation. ». Il cite à cette occasion, selon ce livre, les travaux du professeur Robert Faurisson. Jean-François Jalkh émet également des doutes sur l’emploi du gaz Zyklon B dans les camps. « Moi, je considère que d’un point de vue technique il est impossible, je dis bien impossible de l’utiliser dans des […] exterminations de masse. Pourquoi ? Parce qu’il faut plusieurs jours avant de décontaminer un local […] où l’on a utilisé du Zyklon B. »
Au Monde qui a réussi à le joindre, Jean-François Jalkh assure ne pas se souvenir de cet entretien : « C’est la première fois que j’entends ce genre de conneries-là, je n’ai aucun souvenir de ça. Peut-être que j’ai donné une interview mais ce ne sont pas mes sujets de prédilection » assure l’eurodéputé. On a connu démenti plus convaincant. Magali Boumaza, doctorante à l’époque qui avait interrogé Jalkh en 2000, a assuré au site Buzzfeed News que le vice-président du FN avait bien tenu ces propos « tels qu’ils ont été retranscrits ». « La rencontre a duré trois heures, et sur ces trois heures, il y a eu cette sortie révisionniste qui a duré deux ou trois minutes tout au plus. Les propos ont été retranscrits tels qu’ils ont été prononcés » a-t-elle dit. « J’ai les enregistrements audio et la retranscription complète de l’entretien. Rien n’a été falsifié » ajoute-t-elle.
On imagine la colère qu’a dû piquer Marine Le Pen, obsédée par sa dédiabolisation, en apprenant cela ! Et nul doute qu’elle a imposé sur-le-champ la démission du président par intérim du Front national. Alors qu’il n’y avait eu que deux présidents du FN en 45 ans, en l’espace d’une semaine trois se sont succédé : le 23 avril au soir c’était encore Marine Le Pen, le 24 c’était Jalkh et depuis le 28 avril c’est Briois. Tout cela ne fait vraiment pas sérieux ! L’amusant, c’est que Jalkh, en tant que président de la commission de discipline du FN, a dirigé la structure qui a décidé le 20 août 2015 l’exclusion du président-fondateur du FN pour révisionnisme et pétainisme. On assiste donc là à un nouvel épisode de l’arroseur arrosé.
Cette affaire est évidemment du pain bénit pour les soutiens de Macron qui appuient là où ça fait mal. « Marine Le Pen s’est fait remplacer par quelqu’un qui au fond lui ressemble, qui est sur des idées sectaires, des idées de division […], là encore on a toujours des problèmes d’hygiène démocratique avec le FN », a ainsi attaqué le secrétaire général d’En Marche Richard Ferrand lors de l’émission « Questions d’info » LCP-franceinfo-Le Monde-AFP. Manière pour les macronistes de réveiller un front républicain plutôt moins vigoureux qu’en 2002. Le porte-parole d’Emmanuel Macron, Christophe Castaner, en a remis une louche dès le lendemain : « Au-delà des affaires, regardez le choix qui est fait pour le FN. Elle fait une opération de com’ en quittant la présidence. Elle met un personnage à la place, M. Jalkh qui valorise Pétain, un révisionniste qui conteste l’utilisation des gaz dans les politiques d’extermination massive, qui va passer en correctionnelle pour détournement de fonds. Voilà la réalité du Front national. »
Espérant mettre un terme à cette polémique, Marine Le Pen a célébré la Journée des déportés à sa façon, à Marseille. Avec Stéphane Ravier elle a déposé le 30 avril une gerbe devant une stèle à la mémoire des « victimes de la déportation ». Comme quoi on ne saurait compter sur aucun des deux finalistes pour en finir avec des dogmes qui nous font tant de mal et qui nous interdisent tout redressement national.
Éditorial de Rivarol n°3281 du 04/05/2017