Disons-le de suite, ce livre est écrit à la serpe. Celle des druides sans doute. Ce qui n’exclut pas des passages d’une poésie et d’une finesse rares. Alternant avec des développements bruts de pomme comme le cidre ou le fer dont on fait les plus belles massues. On croyait connaître Jean-Marie Le Pen au travers de ses innombrables saillies. En fait, c’est vrai, on le connaissait bien. Car l’homme est saillant. Et admirable.
Le livre est long.. Aussi je vous propose d’en extraire les passages dans lesquels l’auteur nous montre à quel point il est vrai. Alternance de poésie, de tranches de vies égrillardes et d’analyses politiques au couperet, sans nuances. Car Jean-Marie n’a jamais été homme de compromission.
Dès l’ouverture, il nous cite le Livre de Job en latin. Alors que le Livre de Job est hébreu. Signe de sa revendication d’être un occidental. Un vrai.
Il décide à 47 ans d’écrire ses mémoires (page 13). Fainéant, Jean-Marie !!! « Une fois je l’ai vu (son père) rejeter à l’eau le poisson qu’on ne lui prenait pas à un bon prix. Je crois que je tiens un peu de lui » (page 35). Je vous propose alors de voir ce qu’était une partie de pêche artisanale (pas celle du bourgeois, page 38). Développements d’une poésie sans égale. Sauf ceux sur la chanson, la Grèce ou les chats et les chiens que je vous recommande chaudement (pages 332-335, 357-363 et 366-371).
Jean-Marie a connu très tôt la femme et la guerre, comme si chez lui il s’agissait de deux défis à surmonter comme un petit coq (pages 46, 113, 152 et 199). Un viveur. La bête se fait parfaitement aux Jésuites (pages 73 et 331). Il sait aussi, malgré sa forte tête jusqu’où ne pas aller trop loin quand il a l’opportunité d’assassiner un militaire allemand (page 109). D’autres n’eurent pas ces précautions quitte à en faire supporter les conséquences à d’autres…
Mais évidemment ce qui fait l’intérêt de cet ouvrage, et qui le remplit peu à peu au fil des pages après des passages très personnels, ce sont les analyses politiques du plus ancien acteur de la vie politique de ces 70 dernières années.
Magnifique leçon d’histoire et retour sur le passé de cette France tant chérie par l’homme, et qui disparaît.
Il faut alors citer l’auteur dans le texte au travers de tous ses parcours un peu désordonnés, de la Bretagne à la Hollande, du Quartier Latin à Saint Maixent, de Saint Marcel à la Campine, de Suez à l’Algérie, de Panama à l’Indochine. Et au besoin analyser. Même si très souvent les faits fournissent d’eux-mêmes une vérité transparente qui ne nécessiterait pas de plus amples développements. Mais ne boudons pas notre plaisir ! Et passons notre histoire en revue.
« Je suis un de souche » (page 15).
« Les combats fratricides de la laïcité avaient été surmontés dans la fraternité des tranchées » (page 46).
« Le massacre des Grecs d’Asie mineure, dont les ancêtres s’étaient installés plus de mille ans avant Jésus-Christ, donc deux millénaires avant les Turcs, et qui ont civilisé la région, fait beaucoup moins de bruit chez nous que d’autres massacres mieux médiatisés » (page 65 mais JLMP oublie les Arméniens qu’il cite cependant par ailleurs).
Le rappel de l’incendie au phosphore de Lorient par les alliés (page 96) est utile mais JMLP surévalue les pertes civiles françaises pendant la guerre.
Le chapitre 9 de la seconde partie intitulé « Résistances » est un chef d’œuvre. On a droit aux pseudo 75000 fusillés du PCF, aux « quidams en armes de l’épuration, aux intellectuels qui n’étaient pas nés pendant la Guerre mais en vivent « aux frais de la princesse », aux bombardements assassins de Tokyo, de Dresde et d’Hiroshima ; avec la conclusion que les bombes du FLN et celles de Daech sont les filles de notre résistance communiste » (pages 118-135).
Savoureux à souhait : « Depuis [son travail à la mine belge], chaque fois que j’ai entendu un Krivine, un Rocard, un Cambadélis, un Besancenot, une Arthaud, un Hollande ou un autre, tous ces bougeoirs baratineurs et filandreux, faire leurs discours aux travailleurs et sur les travailleurs, je me suis à rêver de leur donner une pelle, un marteau, un filet, n’importe quel outil, rien que pour un mois, pour un stage, dans un métier manuel un peu pénible. Leurs paroles rendraient peut-être un son plus juste que leurs éternelles incantations marxistes » (page 153). « Le communisme permettait en effet aux médiocres, aux fainéants, aux poivrots de penser que leurs échecs étaient dus non à leurs défauts mais à la société capitaliste » (page 155). Communisme qui trouva un allié chez les organisations d’action catholique progressiste (page 171).
A propos de l’immigration : « Dans le génie civil des relations humaines, il ne faut se priver de rien : les canaux et les ponts sont utiles, mais il faut savoir bâtir aussi des murs, j’en demande bien pardon au pape François » (page 166).
« Mendès aussi suffisant qu’insuffisant » (page 191).
Dans « Mon Indochine » qu’il a aimée, l’auteur rappelle ce que fut l’horreur de l’invasion communiste. « Pour les morts, pour les vivants, pour la France, pour les enfants à naître, il fallait rétablir la vérité » (page 203).
L’auteur évoque ensuite l’espoir suscité puis la déception occasionnée par Poujade (pages 204 à 221). Sûrement parce qu’il manquait d’envergure et de hauteur.
La 4ème partie du livre qui fait un peu moins de la moitié de l’ouvrage est consacrée à la période 1956-1969 et axée sur l’Afrique. Suez et l’Algérie.
L’auteur rappelle (page 232) que l’URSS soutint d’abord Israël avant un revirement pro-arabe. Peu de gens le savent aujourd’hui.
Il évoque la bataille d’Alger et la stratégie provocation-représailles du FLN (page 244). Ces passages du livre sont pour moi fondamentaux. L’auteur y évoque la torture (que toutes les forces spéciales de toutes les armées ont toujours utilisée) et y affirme qu’elle fut la moins violente possible. Surtout il rappelle les pratiques de castration du FLN. Rappel salutaire (pages 251-252) avec au passage un « Rocard, cette canaille » (page 253).
Evocation des bombardements du FLN depuis la Tunisie et du coup d’Etat du 13 mai 1958 (pages 260-275).
Un peu plus loin, après avoir rappelé que pour De Gaulle la France était blanche, latine et chrétienne (page 281), l’auteur se penche sur la volonté politique de rendre la société européenne multiethnique et considère qu’il s’agit bien d’un complot (page 285). Il prône alors le retour forcé. Après tout ce fut le sort des Pieds noirs et des Allemands (page 290). L’auteur se trompe sur le nombre de victimes de l’expulsion des Allemands de leurs terres historiques : ce n’est pas 1 million, mais 2.8 millions (voir les travaux de Heinz Nawratil).
Le chapitre le plus mordant du livre est « La trahison du Général » (pages 292-297). Chapitre court mais haut en couleurs qui rappele au passage une évidence : la France avait gagné.
Le chapitre qui suit est rempli d’amertume (Barouds d’honneur et Soldats perdus) : « Raconter la suite me pèse » (page 305).
Puis l’auteur passe à la création de la SERP, sa société d’éditions musicales qui éditera l’enregistrement sonore de l’exécution de Bastien-Thiry (page 327). Il en profite pour souligner la toute-puissance intellectuelle de la gauche de cette époque avec une anecdote sur Mouloudji. L’auteur lui demande pourquoi il est allé voir du côté de Sartre et de Beauvoir. Mouloudji répond : « J’allais du côté où l’on me donnait à manger » (page 330).
L’auteur prépare alors la présidentielle de 1965 où Tixier échouera et décoche quelques flèches dont il a le secret. A propos de Guy Bedos : « Ses lèvres où s’imprime un mépris dominateur lâchent un vent de paroles insanes, c’est une bouche en cul-de-poule qui pète » (page 340). Et à propos de Pompidou : « Une bonne trogne d’Auvergnat engraissé chez les Rothschild » (page 341). L’auteur a beaucoup d’humour y compris sur lui-même. Il explique qu’il a mis ses filles à l’école laïque « parce que tant qu’à apprendre le marxisme, je préférais que ce fût sans la caution de Jésus » (page 363). Il ne s’étendra pas sur le sujet Marine (page 365). Tout en écrivant un peu plus loin (page 371) : « l’oiselle a viré l’aigle de son aire pour devenir adulte ». En rajoutant : « Plus je connais les journalistes, plus j’aime les chiens ».
A propos de mai 1968, l’auteur rappelle que les forces de l’ordre ont retenu sur instructions leurs matraques face à des révolutionnaires de boudoir (page 378). 1968 postule l’avènement du médiocre (page 380) et « On pouvait y devenir docteur en deux heures, plus fort encore que Cambadélis » (page 381).
Sens de la formule, à propos de la défaite de De Gaulle en 1969 : « La France était orpheline d’un monstre et bous d’un ennemi » (page 382).
Le dernier chapitre du livre s’intitule : « De Gaulle, le communisme et moi ». L’auteur y donne toute sa mesure.
Et l’auteur conclut qu’il abordera la question du « détail » dans le second tome (page 402). On a hâte.
En attendant ce livre ci doit être lu absolument.
Tranches de vie et tranche d’histoire. Pas n’importe laquelle. La nôtre.
Et de superbes photos à l’intérieur.
Mémoires, Fils de la Nation de Jean-Marie Le Pen, Muller Editions, 443 pages, 22.90 €, disponible sur Arts Enracinés