A VINGT-QUATRE HEURES D’INTERVALLE, deux faits divers tragiques ont eu lieu en France, le premier à Nantes, le second dans le Gard. Le jeudi 24 avril, un jeune adolescent de 16 ans, Justin P., a attaqué au couteau et blessé quatre condisciples, dont une jeune fille mortellement, poignardée 57 fois (!) à l’intérieur de l’établissement privé sous contrat qu’il fréquentait, Notre-Dame-de-Toutes-Aides, à Nantes. Le lendemain, le vendredi 25 avril, Olivier Hadzovic, un Français d’origine bosniaque de 21 ans, semble-t-il de la communauté des gens du voyage, s’est introduit dans la mosquée de La Grand-Combe dans le Gard et a poignardé mortellement une quarantaine de fois un jeune Malien musulman de 24 ans, à qui il avait demandé, par pur stratagème, comme il fallait faire pour prier, et a filmé sadiquement avec son téléphone portable sa victime agonisante, baignant dans son sang, en l’agonissant d’injures et en insultant également Allah. Après une fuite de plus de quarante-huit heures, le jeune homme s’est rendu dans un commissariat de police en Italie, près de Florence, et devrait être transféré en France dans les jours ou les semaines qui viennent.
On observe certain nombre de similitudes entre ces deux tragédies. D’abord l’extrême jeunesse des assassins et des victimes, l’insoutenable violence des deux scènes de crime : la jeune fille poignardée dans le lycée l’a été 57 fois, le Malien dans la mosquée 40 fois, ce qui témoigne d’un acharnement confinant à une forme de folie furieuse. Il semble bien que dans les deux cas on ait affaire à des personnes profondément déséquilibrées et agissant comme des tueurs en série. Justin P. avait manifestement des tendances suicidaires. Il vivait avec sa mère et sa petite sœur, ses parents étant divorcés. On constate là encore les effets désastreux de l’absence totale de la figure paternelle. C’était déjà le cas de l’élève de 16 ans (lui aussi) qui était également en classe de seconde, et qui avait poignardé mortellement le 22 février 2023, avec un couteau de cuisine, au lycée privé Saint-Thomas d’Aquin à Saint-Jean-de-Luz, son professeur d’espagnol de 53 ans, Agnès Lassalle. Dans les confidences qu’il avait livrées aux policiers pendant sa garde à vue, pour expliquer son passage à l’acte, l’adolescent meurtrier — contre lequel le Parquet a réclamé en début d’année un procès devant la cour d’assises des mineurs pour assassinat avec préméditation — avait expliqué qu’il avait très mal vécu et supporté le divorce de ses parents.
ON NE DIRA JAMAIS ASSEZ combien la fragilisation de la cellule familiale, son explosion, sa dénaturation, son atomisation sont sources de maux considérables. Dans la difficile et délicate période de structuration du moi que sont l’enfance et plus encore l’adolescence, un mineur a besoin de ses deux parents, d’un père et d’une mère. Qui soient présents, attentifs et aimants. Ainsi l’a voulu la nature, le Créateur. On ne sort pas de ce schéma sans prendre des risques inconsidérés pour les enfants et pour tout le corps social. C’est pourquoi les pouvoirs publics sont gravement coupables de promulguer des lois qui fragilisent la famille traditionnelle, la dénaturent, la parodient, la détruisent, d’autoriser des publicités, des affichages qui exhortent à l’adultère, au libertinage, au vagabondage sexuel. Rien ne remplace une famille unie. L’amour que l’on n’a pas reçu pendant son enfance et sa prime jeunesse, les soins, les attentions que l’on n’a pas eus, les échanges auxquels on n’a pas eu droit au quotidien, les moments partagés qui n’ont pas ou que peu existé ne se rattrapent jamais et créent des plaies béantes et des cicatrices qui jamais ne se referment. L’isolement du cœur, le sentiment d’incompréhension voire d’abandon, la solitude affective peuvent complètement déséquilibrer un adolescent.
On l’oublie souvent mais le propre de la condition humaine est fondamentalement d’être en détresse. La nature humaine est profondément fragile, abîmée qui plus est par le péché originel. La famille, et une famille aimante, où l’on aime et où l’on est aimé en retour, où l’on peut parler, se livrer sans crainte et être écouté, où l’on prête attention aux uns et aux autres, où l’on se confie tendrement, simplement, où l’on partage des rires et des sourires et où l’on sèche ses pleurs, où l’on est en alerte dès qu’on sent chez tel ou tel un début de mal être, est irremplaçable. Or, aujourd’hui, la modernité a détruit la plupart des familles qui ne sont le plus souvent hélas qu’un champ de ruines. Aux divorces et séparations, à la perte de la foi et des vertus domestiques, à l’omission de la prière et des chants en commun pourtant si essentiels, s’ajoutent généralement le rôle délétère des réseaux sociaux qui enferment l’individu dans le virtuel, l’isole, le coupe du monde réel, de toute vraie amitié, de toute affection profonde, de tout lien véritable. Justin P, qui s’est acharné avec une rare violence sur une jeune fille qui était pourtant quasiment la seule de son lycée à lui parler et à essayer de le comprendre, a expliqué aux enquêteurs qu’il était, au moment des faits, « dans un genre de rêve lucide ». Comme s’il ne distinguait plus vraiment le réel du virtuel. Le meurtrier de Saint-Jean-de-Luz lui aussi ne vivait quasiment que dans le virtuel. Comme Owen L,. l’assassin de 23 ans dans l’Essonne de la petite Louise, la fillette de onze ans, car il était en colère pour avoir perdu dans un jeu vidéo, et qu’il a sauvagement poignardée avec un couteau, s’acharnant sur elle dans un bois, le 7 février 2025, visant à une dizaine de reprises, les zones vitales.
Avant de passer à l’acte, Justin P. avait envoyé par courriel à ses condisciples un manifeste de quinze pages, plutôt bien écrit pour un adolescent de son âge, mêlant, de manière décousue, une forme d’écologisme radical, de rejet de la mondialisation, de dénonciation d’une société d’aliénation. Il est certain que le monde actuel, matérialiste et athée, ne proposant aucun projet mobilisateur, aucun idéal, aucun grand dessein, n’invitant nullement au dépassement de soi, n’est pas de nature à susciter l’enthousiasme d’une jeunesse qui, par définition, a besoin de croire, d’admirer, de se donner. Il n’est pas d’engagement sans foi, sans ferveur, sans croyance forte en une cause, sans admiration d’un homme, d’un mouvement. Mais qui peut aujourd’hui susciter de l’enthousiasme dans l’océan de médiocrité où nous vivons, dans le désert et le chaos qui nous entourent ? Le nihilisme peut aussi conduire au crime, et au crime gratuit, sans mobile.
AUTREFOIS les crimes à l’arme blanche étaient tout à fait exceptionnels dans les annales. De nos jours, hélas, les attaques au couteau ou les agressions avec des armes par destination comme une voiture-bélier, ainsi que cela vient encore de se produire à Vancouver sur la côte ouest du Canada, deviennent monnaie courante. Leurs auteurs ne sont pas seulement des djihadistes fanatisés comme les tragiques faits divers de Nantes et du Gard ces derniers jours le démontrent. Cette barbarie ordinaire fait froid dans le dos. Comme l’extrême jeunesse des assaillants. Compte tenu de l’assassinat dans une mosquée d’un jeune Malien musulman et les insultes proférées par le meurtrier contre Allah, on a aussitôt évoqué le crime islamophobe. Il semble toutefois que la réalité soit plus complexe. L’avocat d’Olivier Hadzovic a ainsi déclaré que son client était prêt à tuer n’importe qui, la première personne qu’il aurait trouvée au hasard sur son chemin, tel un tueur en série, et qu’en quelque sorte c’est l’occasion qui a fait le larron. On ne peut en effet exclure l’acte d’un fou, d’un déséquilibré, ayant des pulsions criminelles. Vu la déstructuration totale de notre société, ce genre de crimes atroces, gratuits, risque de se multiplier. Nous vivons un effrayant retour à une forme aiguë de barbarie des mœurs et des comportements.
Marion Stasi, le président de la LICRA, interrogé sur France Info, le dimanche 27 avril, sans rien connaître précisément des tenants et des aboutissants de ce dossier, savait déjà de manière péremptoire qui était le coupable : « le racisme, l’antisémitisme ». On se demande ce que vient faire l’antisémitisme dans cette affaire. Et Stasi d’enjoindre aux pouvoirs publics de prendre des mesures d’exception, et donc liberticides et totalitaires, pour lutter contre ce racisme, selon lui, systémique. Ce qui passe, selon lui, par la dissolution de tous les mouvements et publications appelant à la haine raciale, c’est-à-dire en réalité opposés à la submersion migratoire de notre pays et de notre continent, et par le fait de sortir du droit de la presse tout ce qui est diffamation à caractère racial ou religieux, révisionnisme, etc. pour que ces propos ou écrits soient jugés comme des délits de droit commun. On voit l’astuce : il s’agit d’empêcher toute libre expression sur des sujets vitaux en faisant accroire, avec une mauvaise foi insigne, que les tragiques faits divers qui se sont déroulés ces dernières heures sur notre territoire sont la conséquence directe de considérations anti-immigrationnistes et jugés discriminatoires, Olivier Hadzovic ayant tué un musulman et grossièrement insulté Allah et Justin P. étant, paraît-il, fasciné par la figure d’Hitler, qui s’est donné la mort il y a quatre-vingts ans jour pour jour à Berlin dans son bunker, le 30 avril 1945 — mais le Führer étant considéré comme la figure du mal absolu, il n’est pas étonnant que de jeunes esprits biberonnés à l’antifascisme et à l’antinazisme puissent s’en réclamer par pure provocation, esprit de contradiction, et sans engagement politique véritable ; on ne connaissait en effet aucune affiliation partisane au jeune meurtrier de Nantes —. Espérons donc, sans toutefois nous faire trop d’illusions, que ces tragiques faits divers qui témoignent d’abord de l’écroulement des structures traditionnelles (familiales, ecclésiales, etc.) encadrant notre société et de la violence de plus en plus extrême qui s’y donne libre cours ne seront pas instrumentalisés de manière à renforcer la chape de plomb idéologique qui nous étouffe et à empêcher que la vérité soit dite sur les maux dont souffre notre nation en pleine déréliction. […]
RIVAROL, <[email protected]>
Source : Éditorial de Rivarol