Vraiment, existe-t-il une héroïne plus inspirante que Sainte Jeanne d’Arc? Malgré les siècles qui nous éloignent de sa geste et de son martyr, elle continue de vivre avec nous et en nous, incarnant un modèle qu’il ne suffit pas d’honorer en mots, mais aussi en gestes comme nous le rappelle Pierre Virion (1899 – 1988), auteur profondément catholique qui mit sa plume au service de la cause nationale. Inspiré par Jeanne d’Arc, il lui consacra deux brochures, d’abord Jeanne en son temps, Jeanne en notre temps, puis Le Mystère de Jeanne d’Arc et la politique des nations, en plus de prendre la tête des Amis de Jeanne, remplaçant alors le général Maxime Weygand.
Les Éditions de Chiré ont été bien inspirées de rééditer Jeanne en son temps, Jeanne en notre temps qui éclaire l’œuvre de Jeanne à la lumière des temps modernes.
On a souvent entendu parler de l’épopée johannique, mais trop souvent on occulte le contexte extranational de l’époque, avec une Europe en proie aux divisions, la Guerre de Cent ans n’étant que l’une d’entre elles. La Chrétienté se déchirait, alors que la menace musulmane se faisait de plus en plus omniprésente. À cet ennemi extérieur qui prendrait bientôt Constantinople, Virion ajoute la liste des ennemis intérieurs : proto-hérétiques et marchands, prêts à rejoindre le camp anglais pour favoriser leurs affaires. L’autorité du pape était alors ouvertement remise en question; la crise du schisme protestant s’esquissait à l’horizon.
En remettant Jeanne dans son contexte, on ne peut que prendre conscience avec l’auteur des ressemblances avec l’époque actuelle.
Au-delà des simples éléments biographiques de la vie de la sainte, Virion va au cœur du message et des idées de celle-ci, pour nous offrir des enseignements qui doivent guider notre action et nos réflexions. Il ne suffit pas de défiler en mai pour suivre son exemple.
Quoique, de nos jours, vu la persécution dont fait montre de plus en plus l’État français, même cela peut confiner à l’héroïsme.
D’abord, Virion constate qu’elle sut éviter la « protestantisation » de la France, donc la laïcisation de ses institutions, ce qui fut finalement consommé avec la Révolution. Le message de la Pucelle est clair : la religion est un impératif pour qui veut gouverner. Elle invite les nations du monde à se soumettre à l’Église, mais sans chercher à se fondre les unes aux autres ou à asservir la religion à leurs intérêts, comme le firent les gallicans. Le seul universalisme est celui de l’Église. Le projet mondialiste des Anglais de l’époque, appuyés par les mercantiles Bourguignons, était de réunir le territoire européen pour en faire un grand marché.
En refusant ce projet, elle rejoint les patriotes de toutes les nations. En ce sens elle n’encourage en rien les guerres et la violence, uniquement justifiées lorsqu’il s’agit de se défendre. Les Anglais, Dieu les aime, mais dans leur pays dit-elle « Et que faisaient-ils donc en France? Ils n’avaient qu’à s’en retourner dans leur pays. ». Point de haine dans ces propos. Ce n’est ni par anglophobie, ni par xénophobie qu’elle lance : « Je suis venue pour bouter l’ennemi hors de toute France. »
Mais attention, nous met en garde Virion, les ennemis intérieurs sont parfois les plus dangereux que ceux de l’extérieur. Ces gens de l’Université qui réinterprétaient le droit canon selon leurs intérêts, les ralliés aux Anglais et les défenseurs des hérésies étaient moins faciles à identifier et donc d’autant plus dangereux.
Rémi Tremblay
Pierre Virion, Jeanne en son temps. Jeanne en notre temps, Éditions de Chiré, 57 p., 8,5 €