La traduction de cet article est parue dans le numéro 13 de Totalité.
« Il faut racheter les peuples contre eux-mêmes », disait Eugenio d’Ors, formulant ainsi un des principes de ce qu’il appelait la « politique de mission ». Ces mots pourraient résumer le destin tragique et la vie missionnaire de ce grand poète de la vie et du combat politique que fut José Antonio Primo de Rivera, que sa tentative de racheter le peuple espagnol conduisit au martyre.
Né à Madrid le 24 avril 1903, c’est le fils du général Primo de Rivera, marquis d’Estella et Grand d’Espagne, instaurateur de la dictature qui régit l’Espagne dans la période qui va de 1923 à 1930 et qui la sortit de l’effondrement auquel l’avait soumise le régime parlementaire de la Monarchie constitutionnelle. Il hérite de son père les dons de commandement les plus accusés et un port aristocratique, qui contribueront décisivement à former son futur rôle de chef. C’est l’aîné de six enfants, dont la majorité jouera aussi un rôle remarquable dans la gestation du mouvement phalangiste (que l’on pense au cas de sa sœur Pilar ou de ses frères Miguel et Fernando). Son enfance et sa prime jeunesse se passent à Algésiras, ville andalouse dont était originaire son père. Il fait ses études universitaires à l’université Centrale de Madrid, où il obtient la licence en droit en 1923. Durant cette même année, il accompagne son père dans le voyage qu’il fait en Italie, avec les rois d’Espagne, et à Rome, il est présenté à Mussolini, qui exercera sur le jeune aristocrate une incontestable fascination. En 1925, José Antonio ouvre une étude à Madrid, se consacrant entièrement à sa profession d’avocat, qu’il exerce brillamment et pour laquelle il éprouve une véritable passion. Sous la dictature, il n’occupa aucune charge publique de quelque type que ce soit, vivant sans ostentation, retiré de la politique et se consacrant à son activité professionnelle. À aucun moment il ne prétendit se servir de son nom – de la position de son père – pour obtenir des avantages ou des prébendes qui ne proviendraient pas de son propre effort. Bernd Nellessen nous présente José Antonio comme « un jeune aux sentiments délicats, intelligent, qui s’intéressait beaucoup à la littérature, fidèle à la tradition catholique de sa famille dédiée au service de l’État ».
En 1930 meurt le général Primo de Rivera à Paris, où il vivait en exil depuis la chute de son régime. Comme aîné, José Antonio hérite du titre de marquis et devient Grand d’Espagne. C’est alors que commence son travail politique, surtout centré, en ce début, sur la défense de la mémoire de son père. Il mène à bien cette entreprise avec véhémence et une loyauté filiale exemplaire, ce qui ne l’empêche pas de reconnaître, avec cette vision sereine et équilibrée qui le caractérisera toujours, les erreurs et les déficiences dont souffrit la dictature. En 1931, il milite, fidèle à la tradition familiale, bien que timidement et toujours au second plan, dans les rangs monarchistes, qui essaient de se réorganiser. Il entre à l’Union monarchiste nationale, essai de création d’un bloc unitaire destiné à rassembler les deux branches bourboniennes, carlistes et alphonsins. En septembre de cette année, il fait irruption pour la première fois sur la scène publique en se présentant comme candidat aux Cortes1 pour Madrid. Les thèmes de sa campagne électorale tournent toujours autour de la défense de son père. Il n’est pas élu et ne tardera pas à perdre ses illusions sur le militantisme monarchiste en constatant les dissensions, l’inefficacité et le manque de vision qui règnent dans le camp monarchiste espagnol. Il commence à étudier le fascisme, dans le créateur duquel il voit l’homme politique génial qui fut l’ami de son père et son maître d’une certaine manière (ce n’est pas par hasard si le coup d’État du général Primo de Rivera survint un an après la Marche sur Rome, comme la tentative de répéter en Espagne l’action salvatrice du Duce et de ses « chemises noires »). En 1932, à la suite de l’échec du soulèvement monarchiste de Sanjurjo, il est arrêté à Saint-Sébastien, et remis en liberté car il n’a pas le moindre lien avec la tentative de coup d’État.
1933 est une année-clé de la vie de José Antonio. Elle marque son entrée définitive dans l’arène politique, à laquelle il fera don de toute son énergie et de sa vie elle-même. Il commence à organiser ce qui va être plus tard le mouvement phalangiste avec des tentatives à peine ébauchées comme celle du Front espagnol (Frente Espanol), celle du Fascisme espagnol (Fascismo Espanol) ou celle du Mouvement espagnol syndicaliste (Movimiento Espanol Sindicalista). Le 16 mars 1933 paraît le premier (et unique) numéro d’El Fascio, périodique édité par Manuel Delgado Barreto, dont l’édition sera entièrement retirée par les autorités démocratiques. José Antonio collabore à la nouvelle (et avortée) publication par différents articles, parmi lesquels « Orientations pour un nouvel État », où se profile déjà une partie de ce qui sera l’idéologie phalangiste. Il commence par dire que « l’État libéral ne croit en rien, pas même en lui-même », et il conclut par l’affirmation suivante : « Toutes les aspirations du nouvel État pourraient se résumer en un mot : Unité. La Patrie est une totalité historique, où nous nous fondons tous, supérieure à chacun de nos groupes ». Dans une autre de ses contributions, qui paraît sous le titre de « Distinguos nécessaires », il déclare, tirant les opportunes leçons de l’expérience paternelle et dissipant tout malentendu : « Nous, nous ne proposons pas une dictature », qui est toujours quelque chose de transitoire et ne touche pas le fond du problème, mais « une organisation nationale permanente », « un État fort » sur une base corporative. Le 13 octobre de la même année, il rend visite à Mussolini, avec lequel il a une conversation cordiale. Dans son prologue à la traduction espagnole de l’œuvre du chef italien El Fascismo, il rappellera cette entrevue qu’il eut avec le Duce, dans lequel il voit l’« image du Héros fait Père, qui veille près de sa petite lumière permanente sur le travail et sur le repos de son peuple ».
Le 29 octobre 1933, il prononce le célèbre discours du Théâtre de la Comédie, d’une telle hauteur poétique et d’une telle nouveauté radicale qu’il réussira à impressionner Unamuno et qu’il restera comme l’une des pièces maîtresses, l’un des plus beaux témoignages de l’art oratoire espagnol du présent siècle. Par ce discours, la Phalange et son fondateur font acte de présence sur la scène de l’histoire d’Espagne. Cette réunion marque la naissance de la Phalange. Alors commence sa fébrile activité politique, que déjà rien ne pourra arrêter et qui, jour après jour, gagne en intensité et en élévation. Peu de mois après, il est élu député aux Cortès pour la province de Cadix, et il fonde l’hebdomadaire FE, dont les forces marxistes empêcheront la diffusion par tous les moyens violents à leur disposition.
En février 1934 a lieu la fusion de la Phalange espagnole et des JONS, qui viennent ainsi unir leurs forces à ce qui est déjà indiscutablement le mouvement national-révolutionnaire le plus important d’Espagne. À la tête de la nouvelle organisation se trouve un triumvirat formé de Primo de Rivera, Ledesma Ramos et Ruiz de Aida. Cette année-là est aussi créée la Section féminine du mouvement, à la tête de laquelle se trouve Pilar Primo de Rivera. José Antonio est victime, à Madrid, d’un attentat qu’il affronte avec courage, pistolet en main, faisant fuir ses assaillants. En mai de la même année, il voyage en Allemagne, pour étudier sur le terrain le régime national-socialiste. Pendant sa visite, le fondateur de la Phalange a un entretien avec Alfred Rosenberg, principal idéologue du national-socialisme, lequel, selon ce qu’il rapporte dans ses Mémoires, manifeste à José Antonio sa sympathie pour le mouvement phalangiste et déconseille au jeune leader espagnol la traduction de son œuvre, uniquement pensée pour l’Allemagne, lui faisant remarquer que « l’Espagne a ses propres traditions originales » et « au cas où elle aspirerait à l’établissement de nouvelles et justes formes de vie sociale elle devrait les rattacher à sa propre tradition » : un point sur lequel José Antonio se montre pleinement d’accord. En septembre 1934, il prend contact avec Francisco Franco, au moyen d’une lettre dans laquelle il appelle l’attention du jeune et déjà alors brillant général sur le danger de bolchevisation et de désintégration qui plane sur l’Espagne. Dans les premiers jours d’octobre est convoqué le premier Conseil national de la Phalange espagnole des JONS, au cours duquel José Antonio est élu chef national. Sa première décision est l’adoption de la chemise bleue, couleur « nette, sérieuse, entière et prolétaire », comme uniforme du mouvement.
1934 est une année pendant laquelle José Antonio déploie une intense action de prosélytisme, parcourant les plus différentes régions d’Espagne et prononçant discours et conférences qui profilent le contour doctrinal de la Phalange.
En 1935 croît le climat de tension dans tout le pays. La sanglante tragédie de la guerre civile se dessine déjà. José Antonio intensifie sa campagne de recrutement et de diffusion des nouvelles idées dans les principales capitales espagnoles. Le 21 mars, il fonde le périodique Arriba, qui remplace FE, interdit par le régime en juillet 1934. Dans ce périodique il publie des articles et des essais d’une grande importance doctrinale, collaborant de même à l’hebdomadaire étudiant Haz. En juin a lieu dans la sierra de Gredos une réunion clandestine de la Junte politique, au cours de laquelle on s’accorde que la seule voie de sortie pour éviter la soviétisation, le démembrement et la ruine de l’Espagne, c’est la lutte armée. Francisco Bravo annonce la prochaine victoire des gauches, soutenant qu’au lieu d’attendre la persécution, il conviendrait mieux de préparer le soulèvement. À partir d’alors, l’attitude combative de l’organisation s’accentuera puissamment, ses efforts étant dirigés vers la préparation d’une rébellion militaire et populaire.
Vers le milieu de décembre de cette si critique année 1935, José Antonio assiste au congrès fasciste de Montreux, auquel sont présents, entre autres, Léon Degrelle (chef du rexisme belge), Marcel Bucard (leader du Francisme), Sir Oswald Mosley (leader des fascistes anglais)2, Corneliu Codreanu3 (capitaine de la Garde de Fer roumaine), le colonel Fonjallax (un des principaux dirigeants du fascisme suisse), Vidkung Quisling (chef du Nasjonal Samling norvégien), le prince Stahremberg (fondateur et inspirateur de la Heimwehr autrichienne), Anton Mussert (chef du NSB hollandais) et Owen O’Duffy (leader des Blue shirts, les « chemises bleues » irlandaises). Lors de ce congrès, le chef de la Phalange se montre hostile à la constitution d’une sorte d’internationale fasciste, proposée par certains des assistants, car il considère ce projet incompatible avec le caractère éminemment national du mouvement qu’il dirige.
Après la victoire du Front populaire aux élections de février 1936, la persécution de la Phalange et de ses dirigeants s’accentue. Le 14 mars, la Direction générale de la Sûreté ordonne la fermeture de tous les centres du mouvement et l’arrestation des principaux chefs. José Antonio est arrêté à son domicile et le jour suivant il entre à la prison de Madrid. Dans sa cellule, il rédige sa « lettre aux militaires d’Espagne », feuille clandestine dans laquelle il appelle aux armes les militaires d’honneur pour qu’ils empêchent l’« invasion des barbares » et qu’ils arrêtent la ruine de la Patrie. Il qualifie dans cette lettre l’armée de « sauvegarde du permanent » et, dans les paragraphes intitulés « L’heure a sonné », il demande aux militaires espagnols de ne pas laisser sans réponse « le tocsin de guerre qui s’approche ». Le 20 mai, il ordonne le lancement de la publication clandestine No importa, dont quelques numéros paraîtront avant le 18 juillet.
Le 6 juin, après l’échec de plusieurs tentatives d’évasion, il est transféré à la prison d’Alicante, avec son frère Miguel. De là il donne l’ordre aux phalangistes de toute l’Espagne de collaborer au soulèvement militaire qui se prépare. Le 17 juillet, un jour avant le Soulèvement, il lance son dernier manifeste. Il y affirme que dans la lutte armée qui va éclater ne se décide pas autre chose que « la pérennité de l’Espagne », la réalité d’« une Patrie grande, unie, libre, respectée et prospère ». Dans les mois suivants échouent différentes tentatives de libération, entreprises par des groupes phalangistes de la région. Devant la peur de l’évasion, le chef de la Phalange et son frère sont isolés. En novembre de cette année-clé pour l’Espagne et pour l’Europe, José Antonio passe en procès devant un « tribunal populaire », qui le condamne à mort. « Plaise à Dieu que mon sang soit le dernier sang espagnol qu’on verse dans des discordes civiles », dit-il dans son testament. Le 20 novembre, le fondateur de la Phalange est fusillé avec quatre autres jeunes, deux militants phalangistes et deux requetés, que peu avant de mourir il encourage en disant : « Courage, garçons, il ne s’agit que d’un moment. Nous obtiendrons une vie meilleure ! »
Pendant la guerre civile, dans l’Espagne nationale qui se refusait à croire à sa disparition définitive, on l’appela « L’Absent », jusqu’à ce qu’en novembre 1938 « le Caudillo », Francisco Franco, déclare publiquement sa mort.
La guerre finie, ses restes seront solennellement transférés, sur les épaules de phalangistes de la « Vieille Garde », d’Alicante à L’Escurial, dans le célèbre monastère duquel ils reposèrent temporairement, avant d’être conduits, vingt ans plus tard, à leur lieu de repos définitif dans la monumentale basilique de la Valle de los Caidos, érigée par le général Franco pour commémorer la geste de la « Croisade » et accueillir les restes des morts des deux camps.
José Antonio est, sans aucun doute, un des dirigeants fascistes européens dont le souvenir et l’héritage doctrinal exercent le plus puissant attrait sur la jeunesse de nos jours. Y contribuent de façon décisive son port noble et juvénile, sa position classique et profondément religieuse, son attitude toujours sereine et mesurée, sa langue claire et tranchante, son attitude révolutionnaire et combative, la beauté et le caractère contondant de ses expressions, l’exemple de sa vie et de sa mort (« il a toujours cru son exemple supérieur à ses paroles », écrit Luys Santa Marina, un de ses inconditionnels, fidèles jusqu’à la dernière heure), l’authenticité de son dévouement à l’action, qui s’intensifie par moments et finit scellé par son propre sang. Comme le disait Lain Entralgo dans sa période de ferveur phalangiste, le José Antonio des derniers moments, fruit mûr d’une lente évolution – ou si l’on préfère d’une transformation intérieure – est l’homme d’action exemplaire, « le chef révolutionnaire, capable d’allier une inabdicable dévotion à la forme et à l’intelligence avec les urgences démagogiques du héros politique » ; le chef populaire, « à la fois agitateur et aristocrate, styliste et révolutionnaire ». Robert Brasillach, le jeune poète français amoureux de l’Espagne, fusillé dans l’euphorie de la « libération » démocratique de 1945, considérait le « Jeune César » – comme on l’appelait dans l’Espagne nationale qui renaissait à la chaleur de son verbe –comme le héros le plus grand et le plus pur du fascisme, ce « mal du siècle »4 qu’il a lui-même défini comme « la poésie même du XXe siècle ».
Mais la force actuelle du message josé-antonien est surtout déterminée par l’excellence et la profondeur de ses formulations doctrinales, qui s’élèvent au-dessus des circonstances du moment et qui se caractérisent par leur profond réalisme, éloigné de toute démagogie et des mesquines passions que provoquent la lutte de partis et la politique de masses. On trouve chez peu d’hommes politiques et de penseurs de ce siècle une analyse aussi lucide et un diagnostic aussi juste du mal qui afflige l’humanité, le tout uni à une précise et encourageante formulation des remèdes à appliquer.
José Antonio Primo de Rivera, n’en déplaise aux ennemis de sa doctrine, aux récalcitrants de l’antifascisme, s’est conquis de droit une place éminente dans l’histoire de la pensée espagnole. Et, cette place, personne ne peut encore la lui enlever. Comme l’écrivait Azorin, le maître de la « génération de 98 », José Antonio « s’éloigne au plus profond de l’histoire, et sa personne devient de plus en plus légère ; il a la légèreté de l’immortel […]. À mesure qu’il s’éloigne […] une lumière pure, une sorte de lumière incréée, entoure sa personne ».
Son œuvre comprend beaucoup plus qu’une simple idée politique. C’est toute une vision du monde et de la vie qui s’y trouve tracée. Une vision du monde et de la vie de la plus haute valeur poétique, d’une nouveauté radicale et en même temps d’une nette inspiration traditionnelle, d’une puissante force transformatrice et révolutionnaire, authentiquement espagnole mais également d’une valeur universelle. Ce que les yeux de José Antonio embrassent de leur génial regard poético-philosophique, ce qui se trouve au centre de sa pensée et de sa doctrine, c’est le mal du monde moderne, le terrible problème de la décadence de l’Occident et de la culture européenne, la grave crise de l’humanité occidentale – crise dont le libéralisme, le communisme, le capitalisme, l’anarchisme, la désintégration de la Patrie, les luttes sociales, et tant d’autres phénomènes ne sont que des expressions partielles.
José Antonio est un authentique poète de la politique ; une authentique personnification de l’idéal que lui-même formulera dans une expression clairvoyante. En d’autres mots : un homme d’action et de pensée qui a épuré la politique de l’adultération dont elle avait souffert dans les temps modernes, qui l’a libérée de sa gangue d’impuretés, de mesquinerie et de bassesse auxquelles l’avait mêlée l’ère bourgeoise, et l’a revêtue du profil sacré, de la splendeur dorée et solaire de l’antique tradition impériale. Un « guerrier du divin » (guerrero a lo divino) – pour employer une expression médiévale espagnole –, dont le regard va au- delà des problèmes du moment et des frontières de sa patrie, pour devenir une vision prophétique et divinatoire d’une valeur permanente et universelle. Un homme politique qui s’élève au-dessus de la politique, qui va au-delà de ce que celle-ci signifie aujourd’hui et qui transforme l’action ordonnatrice de la société en une haute entreprise spirituelle, orientée vers le maintien de l’ordre divin de l’univers. « José Antonio, par sa conduite et sa doctrine – a écrit Per Engdahl, remarquable penseur suédois – fut un capitaine dans l’armée des héros de l’esprit […]. José Antonio, plus qu’un homme, fut un évangile, une doctrine – le National-Syndicalisme – qui après sa mort demeura non seulement pour les Espagnols, mais aussi pour toutes les forces nationales de l’Europe, comme un testament sacré. » « Le dernier grand penseur occidental de la nation », l’a appelé Jésus Fueyo y Feravia. Et Eurdiaga le considère comme le dernier des penseurs traditionalistes espagnols. Même si ces qualificatifs sont pleinement justifiés dans une vision rétrospective, je crois qu’on pourrait plutôt le considérer, avec le regard tourné vers le futur – ce futur qui, comme le signale la doctrine islamique, se trouve dans la main de Dieu –, comme le penseur et le poète anticipateur de l’Empire en plein XXe siècle, comme un des premiers hérauts de la restauration traditionnelle, impériale, aryenne et solaire de l’Occident. « Rêveur de l’Empire », l’appela Victor de la Serna. Et même s’il est certain que l’idée d’Empire présente dans l’idéologie phalangiste n’est pas vraiment l’idée authentique et traditionnelle, car elle ne réussit pas à dépasser la limitation nationale commune à tous les mouvements fascistes des années trente et quarante – l’Empire est conçu comme le résultat de la plus grande expansion du pouvoir d’une nation donnée, et non comme une réalité placée au-dessus de la nation –, néanmoins, la répudiation du nationalisme (proclamée, au moins, théoriquement et de manière explicite) et la vocation à l’universalité implicite dans la pensée josé-antonienne ouvrent la voie à une authentique formulation du principe impérial, adaptée aux temps actuels. Par ailleurs, la conception-clé de l’« unité de destin dans l’universel », appliquée à l’idée de Patrie, se prête de manière indépassable à une extension supranationale, devenant en ce sens parfaitement applicable à l’édification de l’Empire : unité supranationale, universelle, intégrée par des unités moindres qui trouvent en celle-ci leur plein sens et la place adaptée à la réalisation de leur destin particulier. Comme l’a fait remarquer un commentateur portugais de l’œuvre josé-antonienne, José Miguel Alarcao Judice, dans cette dernière la nation est conçue « comme une étape sur le chemin de l’universel », « comme moment d’une évolution qui portera au futur dépassement de la réalité nationale par des organismes d’un plus grand degré intégratif » : « un projet dont la réalisation et la perfection marquera le commencement d’un nouveau processus d’aspect supranational, pour lequel, à notre époque, il ne semble cependant pas encore y avoir les conditions ».
Par sa vie et par son œuvre, José Antonio figure certainement à l’avant-garde historique de la future révolution traditionnelle de l’Occident. Nous pouvons voir en lui un de ces hommes illuminés, qui, dans la conjoncture critique des années trente, eurent l’intuition de la possibilité d’un réveil et qui, avec toutes les insuffisances que l’on voudra, amorcèrent à travers leur action et leur pensée la Révolution intégrale qui doit rénover la vie des peuples européens et qui, en les réinsérant dans l’ordre cosmique, devra les faire revenir à l’ordre et à la paix.
Antonio Medrano. (Traduit de l’espagnol par Georges GONDINET)
________________________________
1 Les Cortes : ensemble des deux chambres législatives (NDT).
2 NDJN : il apparaît au contraire que la British Union of Fascists ne fut pas représentée à Montreux.
3 NDJN : ce n’est pas Corneliu Codreanu qui a représenté la Légion de l’archange Saint Michel à Montreux, mais son beau-frère Ion Mota.
4 En français dans le texte (NDT).