Oradour : commentaire de tag
Le 21 août au matin, après une nuit sans lune, on découvrait sur le mur des lamentations à l’entrée d’Oradour-sur-Glane ce tag blasphématoire remonté jusqu’au Premier ministre :
Martyr Menteur
À quand la vérité
Reynouard à bientôt
Le tag est d’habitude le passe-temps des allogènes à casquette inversée et personne ne se soucie d’en produire une analyse littéraire encore moins philosophique. Erreur, même si le tag d’Oradour conserve par nature le caractère essentiel du genre, un crachat sur quelque chose de beau, sa rédaction n’est pas à la portée du premier habitant de ZUP venu, démonstration rapide.
1 – Jeu de formes inchoatives. Comme probablement toutes les langues, le français est une langue inchoative, qui imite l’écoulement du temps, le déroulement d’une action en cours.
Répétition d’une forme inchoative contenant « À » : « À quand la vérité » « Reynouard à bientôt »
Variation dans la répétition : de « À quand » on passe à « à bientôt »
Croisement (chiasme) dans la succession: dans la première expression inchoative, l’élément temporel est placé au début « À quand … » tandis que dans la deuxième, il est placé à la fin « … à bientôt »
Tout ce jeu de répétition, variation, croisement montre que les deux expressions se répondent et mettent en scène les deux mots-clés, « Vérité » et « Reynouard » pour amener l’idée que Reynouard détient la vérité, qu’il a raison.
On ne peut être qu’admiratif devant cette utilisation magistrale des ressources de notre langue. Évoquons à présent l’aspect philosophique.
2 – Jeu sur les transcendantaux. La scolastique au Moyen Âge, comme la shoahtique aujourd’hui, reconnaissait l’existence de trois paires de transcendantaux : être / non-être, bien / mal, vrai / faux. Elle admettait en outre comme une évidence la « convertibilité des transcendantaux : en dernière analyse, ce qui est bien est vrai, ce qui est mal est faux. Même encore aujourd’hui, où la science est censée avoir acquis une certaine autonomie par rapport à la morale, on répugnerait à admettre que le « Bien » pourrait être « Faux » ou que le « Vrai » pourrait être « Mal ».
Mais la scolastique possédait un avantage énorme sur la shoahtique : elle croyait en un Dieu omniscient et omnipotent capable de garantir la convertibilité du vrai en bien. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et ce sont les journalistes ou les juges de la XVIIè chambre qui sont censés assurer cette convertibilité, et là, bien sûr, cela prête à sourire, exemple : « Les SS sont des méchants », « ils sont le mal », donc « il est vrai qu’ils ont brûlé vifs des femmes et des enfants, qui plus est, dans une église ».
Deux niveaux dans le tag : on relève dans le tag deux des trois niveaux transcendantaux, la morale avec les mots « martyr » et « menteur », et le scientifique, avec le mot « vérité ».
Glissement de sens sur « vérité » : dans le tag, toutefois, la « vérité » ne s’oppose pas seulement au faux, mais aussi au « menteur » donc au « mal » : comme dans la scolastique, on relie donc le champ moral au champ scientifique.
Inversion des pôles bien – mal : en rayant le mot « martyr » (qui se trouve ainsi incorporé au tag) et en le remplaçant par le mot « menteur», l’auteur du tag procède à une inversion des pôles : ce sont les faux martyrs communistes et les historiens de la version officielle qui font partie du camp du mal, tandis que ce sont les négationnistes et les Waffen-SS qui font partie du camp du bien.
Conclusion : un tag de Saint-Thomas d’Aquin ?
Avec son mélange de foi (avec le mot « martyr »), de morale (avec le mot « menteur ») et de raison (avec le mot « vérité »), on pourrait croire que le tag est l’œuvre du célèbre docteur de l’Église, problème, on le verrait mal une bombe de peinture à la main par une nuit sans lune !
À quand la vérité sur les auteurs du tag ? À bientôt ? Y a-t-il seulement une enquête ?
Quoi qu’il en soit, dans la version officielle, on peine à comprendre pourquoi les SS ont réservé un sort finalement beaucoup plus cruel aux femmes et aux enfants, brûlés vifs, qu’aux hommes, les partisans communistes armés, « simplement » mitraillés.
Francis Goumain
Belle marque inchoative dans le titre lui-même « retour », fameux, en plus ça rime, « retour sur Oradour ».
Magnifique analyse. Merci. La nuance et la subtilité peuvent-elles défaire l’argument d’autorité? En particulier contre des méthodes influencées et/ou mises en œuvre par les admirateurs de feu Edward Bernays?
Félicitations à monsieur Francis Goumain pour cette excellente étude .
Il est bien évident que le drame est lié à la résistance , sinon, cette unité allemande n’aurait eu aucune raison d’aller dans ce village, retardant ainsi son déplacement vers la Normandie .Il suffit de lire les ouvrage de Staedke, en allemand, et de réfléchir un peu pour en être convaincu.
C’est vraiment lamentable de la part des gens qui prétendent gouverner la France, de ne pas avoir le courage de mettre tous les documents à plat et d’inviter Reynouard à un colloque pour en finir une fois pour toute.
Pourquoi ont-ils peur de la vérité ? Y auraient-ils des petits enfants ou arrière petits enfants de glorieux résistants, plus ou moins liés au drame, qui occuperait quelque poste officiel bien rémunéré ????
D’autant plus révoltant de la part de gens qui prêchent l’amitié franco-allemande , ce que je partage à 100%, tout en entretenant soigneusement des points de discordes infondés ici, là ou ailleurs …
Encore plus injuste vis à vis des alsaciens, qui faisaient partie de cette unité et qui étaient bien placés pour comprendre la population du village .Croire un seul instant que ces garçons étaient devenus, en un clin d ‘oeil, des meurtriers sans foi ni raison, est une abjection totale .
Il est évident que l’action de police entreprise pour retrouver Kämpfe, a échappé à tout contrôle .
Et pourquoi donc?