L’historien Marc Ferro, grand spécialiste de l’URSS et de la Russie mais aussi des guerres du XXe siècle, de la colonisation et du cinéma, est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi à l’âge de 96 ans, a annoncé sa famille.
Emporté par une complication du Covid-19, « il aura été jusqu’au bout habité par sa passion pour l’Histoire et l’évolution du monde », a souligné sa famille.
Historien de réputation internationale et ancienne figure de la chaîne Arte sur laquelle il avait présenté pendant 12 ans « Histoire parallèle », émission dans laquelle il mettait l’Histoire à la portée du grand public, il était aussi un auteur prolifique. Il avait publié l’an dernier son 65e ouvrage, L’entrée dans la vie, sur le destin de grandes personnalités.
De père italo-grec et de mère ukrainienne, il était né à Paris le 24 décembre 1924. Ses études d’histoire, une passion qu’il cultive depuis son enfance, sont interrompues par la guerre. Engagé dans la Résistance, il rejoint le maquis du Vercors pour échapper au STO et participe à la libération de Lyon. Sa mère, juive, est morte à Auschwitz en 1943.
Jeune marié et père de famille, il est affecté à Oran, en Algérie, pour y enseigner, de 1948 à 1956. Il s’engage en faveur de l’indépendance algérienne.
En 1960, il regagne Paris, où il enseigne et prépare une thèse de doctorat consacrée à la Révolution russe de 1917. Il démontre comment la prise de pouvoir de Lénine n’est pas seulement le fait d’un habile coup d’État mais puise ses racines dans une vague de fond.
Après, Marc Ferro enseigne à l’École Polytechnique puis dirige le groupe de recherches « Cinéma et Histoire » à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Bien qu’ayant échoué sept fois à l’agrégation, cet élève du grand historien Fernand Braudel poursuit sa carrière universitaire, dans laquelle il cherche à analyser les événements et la société sans porter de jugement, et dirige même à partir des années 1970, la prestigieuse revue des Annales.
Directeur de recherche émérite à l’EHESS, il innove à la fin des années 1980 en mettant les archives cinématographiques des grands moments de l’Histoire contemporaine, comme la période 1939-1945 et la Guerre froide, à la portée du grand public.
C’est la naissance d’« Histoire parallèle », qu’il présentera sur la Sept (89-92) puis sur Arte jusqu’en 2002. Une émission captivante qui a fait de lui l’incarnation de l’Histoire sur le petit écran, avec son visage rond et ses lunettes d’écaille.
Source : letemps.ch
Bocage-Info commente en ces termes :
Marc Ferro cochait toutes les [bonnes] cases, sauf une : il avait signé en 2005 un manifeste intitulé LIBERTÉ POUR L’HISTOIRE.
« Emus par les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l’appréciation des événements du passé et par les procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs, nous tenons à rappeler les principes suivants :
– L’Histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant.
– L’Histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique.
– L’Histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui.
– L’Histoire n’est pas la Mémoire. L’historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les faits. L’Histoire tient compte de la Mémoire, elle ne s’y réduit pas.
– L’Histoire n’est pas un objet juridique. Dans un Etat libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l’Etat, même animée des meilleures intentions, n’est pas la politique de l’Histoire.
C’est en violation de ces principes que des articles de lois successives notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005 ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites.
NOUS DEMANDONS L’ABROGATION DE CES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INDIGNES D’UN RÉGIME DÉMOCRATIQUE.
Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock »
Source : communiqué de l’Agence France Presse du 12 décembre 2005, publié par Libération du 13 décembre 2005
Seize ans plus tard, le baroud d’honneur d’historiens soucieux de défendre leur déontologie et donc leur crédibilité n’a pas servi à grand-chose, sauf à démontrer que la répression à l’encontre des chercheurs révisionnistes n’est pas un mythe, mais une opération de basse police visant à les dissuader de publier le fruit de leurs recherches : il ne faudrait pas qu’une certaine représentation idéologique de l’Histoire puisse être mise en question par des chercheurs iconoclastes…
Ces respectables historiens n’ont pas fait le poids face à des associations quérulentes et sectaires, que l’écrivain Philippe Murray qualifie de « groupes d’oppression », promptes à défendre un communautarisme victimaire à tendance paranoïaque. Ces méthodes liberticides ayant force de loi, d’autres groupes de pression sont montées dans le train pour appuyer leurs propres revendications victimaires.
La lutte contre les préjugés, manifestement insuffisante, a été complétée par la dénonciation virulente des vieilles phobies discriminantes à vocation génocidaire : judéophobie, xénophobie, homophobie, lesbophobie, islamophobie, mélanophobie, germanophobie… (Ah non, erreur, la germanophobie est obligatoire !), une dérive qui vient renforcer la répression pénale puisque les phobies sont assimilées à des troubles mentaux. Il est consternant d’apprendre que nos vénérables ancêtres étaient pareillement atteints dans leur santé sans qu’aucun médecin ne s’en avise à temps… Il est en outre curieux de constater que le seul traitement appliqué pour soigner ces grands malades se résume à un séjour en prison.
Cette sollicitude digne de la grande époque soviétique n’est en fait que le retour du délit d’opinion, fort opportunément qualifié de « discours de haine », un raccourci en forme de guillotine qui permet de couper court à tout débat de fond. C’est en quelque sorte une résurgence de la « Loi des suspects » qui fit le bonheur des tribunaux révolutionnaires sous la Terreur, une mentalité qui imprègne toujours les thuriféraires de la République universelle, dont la devise « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. » (Antoine de Saint-Just, 1767-1794) est d’ailleurs un argument qui a été repris par la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) pour priver les historiens révisionnistes de leur droit à la liberté d’expression sous prétexte que les ennemis de la démocratie ne peuvent pas se réclamer des droits démocratiques.
On pourrait presque penser qu’il était doucement révisionniste en faisant revivre l’ascension du national-socialisme et ses premières victoires militaires, en tout cas, moi, c’est comme ça que je prenais ses émissions.
C’est ce même « grand » historien qui avait signé, avec 31 autres historiens, cette déclaration antirévisionniste publiée dans « Le Monde » du 21 février 1979 : « »Il ne faut pas se demander comment, techniquement, un tel meurtre de masse a été possible. Il a été possible techniquement puisqu’il a eu lieu. Tel est le point de départ obligé de toute enquête historique sur ce sujet. Cette vérité, il nous appartenait de la rappeler simplement: il n’y a pas, il ne peut y avoir de débat sur l’existence des chambres à gaz. »
Quel grand historient en effet !!!
« emporté par une complication du Covid 19 » ! je l’avais pas encore entendue celle là!