DE LA NORMALISATION à la rediabolisation. Voilà comment l’on pourrait résumer cet entre-deux-tours de l’élection présidentielle s’agissant de Marine Le Pen. Alors que la candidate du Rassemblement national était traitée de manière très aimable, sinon complaisante, par les journalistes jusqu’au soir du premier tour et qu’elle a même profité pleinement des pleins feux mis sur son concurrent Eric Zemmour pour mener son petit bout de chemin jusqu’en finale, en douceur et à bas bruit, tout a changé, comme c’était prévisible, depuis sa qualification officielle pour le second tour de l’élection-reine de la Ve République. La machine à faire peur, à diaboliser, à intimider, à tétaniser s’est remise à fonctionner à plein régime. Certes pas autant en intensité qu’en 2002 lorsque Jean-Marie Le Pen élimina le Premier ministre Lionel Jospin et se qualifia pour la finale face au président sortant Jacques Chirac, mais il n’est que d’écouter les intervieweurs de la finaliste, de lire les manchettes, les unes et les éditoriaux de la grande presse pour se rendre compte immédiatement que le ton a changé et qu’il se veut délibérément alarmiste, catastrophiste. Quelques exemples parmi d’autres : « Bruxelles voit la victoire de Marine Le Pen comme la fin du monde », « Marine Le Pen et l’avortement : petite histoire d’un féminisme par opportunisme », « Avec Marine Le Pen au pouvoir, des centaines de milliers d’étrangers et de binationaux seraient interdits d’emploi », « Marine Le Pen pourrait suivre le modèle de la démocratie illibérale », « Face à la menace de l’extrême droite : “Plus jamais ça”, dans les rues, dans nos discours et dans les urnes », « Le Pen : libertés, mon œil », « Faire barrage à l’extrême droite », etc.
La gauche et l’extrême gauche ne manquent d’ailleurs pas de créativité quand il s’agit de combattre par tous les moyens ce qu’elles appellent « l’extrême droite ». Ainsi, lors de la manifestation organisée à Paris le samedi 16 avril contre la présence de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle et qui réunit quelque 9 000 personnes — on est toutefois loin des centaines de milliers de manifestants qui défilaient dans les rues de la capitale et des principales villes de province le 1er mai 2002 ! —, on pouvait lire sur les pancartes en carton entre autres slogans improvisés : « Ni Le Pen ni Macron mais surtout pas Le Pen », « Le Pen c’est même pas la peine », « Mieux vaut un vote qui pue qu’un vote qui tue » qui peut apparaître comme une réédition originale du fameux « votez escroc, pas facho » de mai 2002, « Les choix de cœur on les fera après. Le 24 : on stoppe le fascisme et le racisme », « Le Pen, ce n’est pas un “détail” », « Selon nos informations, elle est totalement d’extrême droite », « Après son père elle trahit même les chats. Elle vote contre la cause animale », « 1 abstention + 1 vote blanc + 1 vote Le Pen = Le Pen qui passe », « La Constit, c’est pas un cale-porte Marine », « Le Pen est une woke qui veut déconstruire la République », « France Etat satellite de la Russie JAMAIS », « Qui se cache derrière le masque ? Le Pen père. Objectif numéro un : contourner la Constitution en faisant croire qu’elle veut donner la parole aux Français », « Ni l’éborgneur ni la fille du borgne ! No Pasaran : tous dehors », « Ni mari ni Marine, ni patron ni Macron », « La Jeunesse emmerde Le Pen, Macron et la bourgeoisie », « Rendez-vous aux législatives le 12 et 19 juin pour battre le monde mortifère de Macron et Le Pen », et ainsi de suite.
ET VOILà que Mediapart ressort à quelques jours du second tour une nouvelle affaire de détournement supposé des fonds du Parlement européen par Marine Le Pen et ses proches, cette fois-ci à hauteur de six cent mille euros. Comment se fait-il que le rapport de l’Office européen de lutte anti-fraude, l’OLAF, qui porte de telles accusations et qui a été reçu dès le 11 mars 2022 par le Parquet de Paris ne soit connu que quelques jours avant le 24 avril ? Le media d’Edwy Plenel dont on connaît les liens étroits avec les services de police et de justice n’en avait-il pas connaissance auparavant ? Il est difficile de le croire. N’est-ce pas précisément parce qu’on entendait se servir de ce rapport à charge contre la candidate du Rassemblement national au meilleur moment, à quelques jours seulement de la finale ? Il ne fallait pas empêcher sa qualification au second tour pour qu’on pût ainsi l’attaquer, une fois sa présence assurée en finale, au moment le plus important et le plus efficace, afin d’assurer la réélection du président sortant.
C’est au fond toujours la même technique utilisée depuis le machiavélique et ombrageux François Mitterrand : d’un côté on promeut le Front national, on le médiatise, on l’érige comme le meilleur opposant au Système, de l’autre on le diabolise pour diviser les droites et neutraliser toute opposition véritable et toute tentative de renaissance nationale. Mieux, on se sert de lui pour favoriser et accélérer l’agenda de la révolution mondialiste, cosmopolite et arc-en-ciel. On diabolise et on délégitime des réactions et mesures de bon sens, de sorte que toute défense immunitaire face à la dissolution de la nation, de la famille, de la morale, des corps intermédiaires se voit annihilée, anéantie, tuée dans l’œuf, coupée à la racine. Et en effet, si on se donne la peine d’analyser la situation froidement, de manière posée et dépassionnée, les mouvements populistes en Occident, malgré leurs militants et leurs électeurs sincèrement désireux de sauver la patrie, d’éviter le pire, servent objectivement, du fait de l’ostracisme et du rejet dont ils sont l’objet, l’accomplissement accéléré du mondialisme destructeur. Il n’est que de voir l’état du pays sur le plan migratoire, ethnique, moral, familial pour se rendre compte que quarante ans après l’émergence du Front national en France les choses n’ont jamais été aussi mal. Rien n’a été empêché, rien même n’a été freiné ni retardé quant à la submersion de notre pays, à la perte de sa souveraineté, à l’aliénation de son indépendance, à la destruction de ses forces vives, à la dissolution de son identité corporelle et spirituelle, à la négation de ses libertés et de ses traditions les plus fondamentales. Depuis quarante ans, le bulletin de vote n’a servi dans les faits qu’à accélérer l’agonie et la mise à mort de notre nation et de notre civilisation.
Car il faut regarder la vérité en face : l’antifascisme (comme d’ailleurs l’antiracisme qui lui est intrinsèquement lié) fonctionne toujours fortement en France. On le sait particulièrement depuis l’émergence du Front national au milieu des années 1980. Chaque fois qu’il y avait une possibilité, au moins sur le papier, pour le mouvement fondé par Jean-Marie Le Pen de conquérir une municipalité, un canton, une circonscription, une région, un solide et puissant front républicain se mettait en place et assurait l’échec de la droite nationale. De sorte que, malgré l’inlassable dévouement de ses militants, le talent de ses dirigeants, la pertinence de beaucoup de constats, d’analyses et de propositions, la lucidité d’un certain nombre de prévisions, le Front national, en près d’un un demi-siècle d’existence, n’est jamais parvenu à obtenir des responsabilités au niveau national ni à diriger des exécutifs au niveau local hormis quelques rares municipalités. Il n’a ainsi jamais conquis aucune région ni aucun département. Depuis 1992, et depuis tous les six ans, était ainsi annoncée comme possible, probable voire certaine la prise de la région PACA (Provence Alpes Côte d’Azur). Ce ne fut finalement jamais le cas : ni en 1992, ni en 1998, ni en 2004, ni en 2010, ni en 2015, malgré l’attentat du Bataclan trois semaines plus tôt, ni en 2021, malgré la normalisation accélérée de Marine Le Pen et le choix comme tête de liste de l’ex-RPR et ex-UMP Thierry Mariani, ci-devant ministre des Transports sous Nicolas Sarkozy. Alors que les sondages du second tour prévoyaient un duel serré entre le président de région sortant, Renaud Muselier, et le candidat RN Mariani, la victoire en faveur du premier fut nette et sans bavure avec quinze points d’écart. La gauche s’était en effet massivement mobilisée en faveur de Muselier par réflexe antifasciste, et alors même qu’un président de région dispose de pouvoirs infiniment moindres que le président de la République.
QU’EN SERA-T-IL cette fois au niveau national ? Nous le saurons le dimanche 24 avril à 20 heures. N’anticipons pas pour n’être pas accusé de jouer les oiseaux de mauvais augure. Mais, au vu de la façon dont la gauche s’est toujours mobilisée in fine dans l’urne pour « faire barrage à l’extrême droite », quels que soient les scrutins, quelles que soient les circonstances, et quel que fût celui qui faisait face à ladite « extrême droite », il est extrêmement probable que le réflexe antifasciste joue encore pleinement cette fois-ci et exerce sa puissance implacable dans les urnes. Et ce, quels que soient les efforts de Marine Le Pen pour paraître respectable, républicaine, apaisée. Pour se normaliser, se recentrer. C’est d’ailleurs là une autre conséquence de la diabolisation des mouvements populistes : d’un côté le rejet qu’ils suscitent (ou plutôt qui est orchestré, fabriqué contre eux) fait avancer le calendrier mondialiste, et de l’autre en interne il conduit ses dirigeants, dans l’espoir de réduire les attaques contre eux, d’amadouer des adversaires et de participer au pouvoir, à affadir le discours et le programme au point de finir peu à peu par tout abandonner, tout trahir, tout renier. Avec un semblable échec à l’arrivée. Marine Le Pen n’est pas une exception. Ce fut le cas de Fini puis de Salvini en Italie, de Haider puis de Strache en Autriche, et de tant d’autres chefs et mouvements populistes en Europe.
Reste bien sûr le rejet, réel, de Macron dans une partie importante de l’opinion. Un rejet dont les soutiens de Marine Le Pen espèrent qu’il sera assez fort pour renverser la table et les pronostics sondagiques. Mais le rejet du prétendu fascisme ne sera-t-il pas une fois encore plus fort dans les urnes, plus puissant que la haine de Macron ? Cette élection est incontestablement marquée par la coexistence de deux rejets qui se font face : celui de Macron et celui de Le Pen. Comme toujours au second tour, singulièrement depuis la présidentielle de 1981 entre Giscard et Mitterrand, c’est celui qui suscite la répulsion ou l’inquiétude la plus forte, la plus massive qui est battu. Ce fut Giscard en 1981, Chirac en 1988, Jospin en 1995, Jean-Marie Le Pen en 2002, Royal en 2007, Sarkozy en 2012 et Marine Le Pen en 2017. Mais jamais sans doute une élection présidentielle ne s’est autant jouée sur le rejet que cette fois-ci.
Et c’est d’ailleurs ce qui est préoccupant pour l’après-scrutin : car, quel que soit le vainqueur, il fera face à une France coupée en deux, largement insatisfaite, et des risques de conflits violents voire de paralysie du pays peuvent à tout moment survenir. Une allumette suffit pour déclencher un gigantesque incendie. Dans une période de crise internationale intense, d’inflation, d’explosion des prix de l’essence, du gaz, de l’électricité, de différentes matières premières et de denrées alimentaires, de paupérisation et de précarisation d’un nombre chaque jour croissant de Français, de tensions voire d’affrontements ethniques et confessionnels, de perte des repères familiaux, moraux et spirituels, tous les ingrédients semblent réunis pour l’explosion. Non dans les urnes mais dans la rue.
Rivarol
Source : Éditorial de Rivarol
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Rien ne sera possible tant que la shoah sera dans les têtes….