Si l’on consulte le dictionnaire Robert, on trouve cette définition pour « camelot du Roi » : « militant royaliste ». « Camelot du Roi » est en effet devenu un nom commun après son apparition à l’automne 1908. La première fois que les camelots du Roi sont officialisés, c’est dans L’Action Française du 16 novembre 1908. L’ouvrage de Maurice Pujo « Les Camelots du Roi », publié en 1933, raconte leur première année d’existence, en 1908-1909, une année riche en actions de toutes sortes.
La création des « Camelots » fut spontanée et leur développement rapide, au rythme des manifestations qui se succédèrent. Toute une jeunesse accourut alors pour répondre aux mots d’ordre de l’Action française ; des étudiants mais aussi des jeunes travailleurs. De cette époque date l’emprise de l’AF sur le Quartier latin, emprise qui devait durer longtemps.
Avant la création des « Camelots », il y avait, bien sûr, des militants royalistes, mais ceux-ci se bornaient souvent à des conciliabules de salon et s’interdisaient d’affronter les autorités républicaines et leur police. Avec les camelots, le combat change de style : on fixe des objectifs à atteindre et pour cela, on recourt aux moyens de force sans peur d’affronter la police et les tribunaux. L’offensive contre le régime est continuelle et se développe dans une exaltation joyeuse malgré les coups reçus.
Les camelots ne se livrent pas à de simples chahuts : ils mènent des batailles selon une stratégie qui a été arrêtée par leurs chefs. Ils expliquent au public les raisons des actions entreprises et ripostent aux arguments de leurs adversaires acculés à la défensive. Ils adopteront la maxime « La violence au service de la raison ». De nos jours, la violence fait peur car on pense aux attentats terroristes. La violence des camelots du Roi était toujours mesurée et proportionnée au but à atteindre. Ils n’ont jamais tué personne; En revanche, ils eurent des morts dans leurs rangs, tels Marius Plateau assassiné en janvier 1923 ou Ernest Berger assassiné en mai 1925.
En 1908, la France est aux mains de ceux qui se sont servis de l’affaire Dreyfus pour mener une campagne antipatriotique et antimilitariste. Le service de renseignement de l’armée a été supprimé, ce qui nous coûtera cher en vies humaines en 1914. C’est le pouvoir en place qui a déclenché au début du siècle la lutte contre l’Église catholique au nom de la laïcité. C’est lui aussi qui ne craint pas de faire tirer par l’armée sur les terrassiers en grève à Draveil-Vigneux. Tel est le visage de la République. On comprend le succès remporté par les camelots du Roi qui bousculent les autorités établies et bafouent avec entrain leurs représentants et leurs symboles.
L’acte de naissance des camelots du Roi est le 16 octobre 1908. Ce jour-là un étudiant des Beaux-Arts, âgé tout juste de vingt ans, Maxime Real del Sarte, interrompt le discours du président de la Cour de Cassation le jour de la rentrée judiciaire. Après avoir crié « Et l’article 445 ? » (violé par la Cour de Cassation en 1906 pour innocenter le capitaine Dreyfus) il poursuit : « Magistrats indignes et faussaires, il ne sera pas dit qu’un Français ne vous crachera pas au visage votre forfaiture et votre infamie ! » Il est arrêté, mais bientôt relâché. Il va passer un concours à l’école des Beaux-Arts puis rejoint les bureaux de l’Action française où l’on fête son exploit qui aura un énorme retentissement.
À partir du 2 décembre 1908 jusqu’au 17 février 1909, se développe « l’affaire Thalamas », du nom d’un professeur du lycée Charlemagne qui avait insulté la mémoire de Jeanne d’Arc devant ses élèves et qui a été chargé de donner une série de cours à la Sorbonne sur La pédagogie de l’Histoire. C’en est trop pour l’Action française qui chaque mercredi – jour où officie Thalamas – appelle à manifester contre le professeur indigne. La première fois ses amis n’ont pas de mal à pénétrer dans l’amphithéâtre Michelet où ils couvrent de leurs cris la voix de Thalamas et le bombardent d’œufs, de même que le doyen Croiset venu à la rescousse. Les semaines suivantes la Sorbonne sera filtrée et bouclée, mais l’AF organise des manifestations à l’extérieur qui prennent de plus en plus d’ampleur. Maurice Pujo s’impose naturellement comme leur organisateur. La campagne entreprise est expliquée dans L’Action Française et des affiches placardées au Quartier latin. Chaque mercredi, la manifestation se termine au pied de la statue de Jeanne d’Arc, place des Pyramides.
Le récit alerte de la campagne contre Thalamas, sous la plume de Maurice Pujo, est toujours aussi captivant aujourd’hui. Il est plein d’imprévus et de rebondissements.
Le 17 février, les camelots se sont enfermés dans la Sorbonne et, à l’heure du cours de Thalamas, ils pénètrent dans son amphithéâtre. Ils étendent l’insulteur de Jeanne d’Arc sur la chaire, relèvent sa redingote et lui administrent une fessée mémorable. Il n’y aura pas d’autre cours de « pédagogie de l’Histoire »…
Toutes ces actions, et bien d’autres, se soldent par de nombreuses arrestations et condamnations par des magistrats qui ne manifestent aucune mansuétude à l’égard des camelots. Maurice Pujo, pour sa part, sera emprisonné plusieurs mois.
Maurice Pujo arrête son récit en juin 1909, et l’on regrette de ne pas lire la suite des exploits des Camelots du Roi. Hélas, il n’a jamais écrit le second tome qu’il avait pourtant annoncé.
C’est en 1908-1909 que les principes directeurs de l’action des camelots ont été définis : recours à une violence mesurée, c’est-à-dire à un désordre passager pour rétablir l’ordre véritable bafoué par les hommes du régime, discipline, persévérance et non des protestations sans lendemain. Les Camelots du Roi se proclament des « gendarmes supplémentaires ».
Être aujourd’hui fidèle à l’esprit des Camelots du Roi, c’est essentiellement rester disponible pour toute action que requiert le service du pays, fût-elle modeste et obscure. Les humbles tâches de militantisme quotidien, notamment la vente à la criée du journal, préparent à mener les actions plus importantes qu’imposeront les circonstances. La France a toujours besoin de camelots du Roi !
Maurice Pujo