
ET DE TROIS ! Voilà trois fois désormais qu’une représentation théâtrale de Dieudonné est interrompue par des gendarmes sur ordre du préfet du département. Et cette atteinte inouïe à la liberté d’expression, de création, de réunion ne semble choquer personne. Même sous l’occupation allemande si décriée, jamais un spectacle n’a été interrompu tant à Paris qu’en province. Il faut donc croire que l’occupation que nous subissons aujourd’hui est bien plus féroce, inhumaine et impitoyable que celle des années 1940 à 1944.
Que s’est-il passé ces derniers jours ? Sachant que Dieudonné allait donner une représentation dans le département, la préfecture de Loire-Atlantique a interdit le 23 octobre de manière préalable son spectacle. Toujours pour les mêmes prétextes : antisémitisme, incitation à la haine, risque de troubles à l’ordre public et, interdit de rire, atteinte à la dignité de la personne humaine ! Pendant toute une période, et encore au début de l’année, le tribunal administratif saisi par l’humoriste annulait de manière quasiment systématique le décret d’interdiction pris par le préfet considérant qu’il s’agissait d’un excès de pouvoir, d’une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression, la preuve n’étant pas apportée que l’artiste commettrait un délit au cours de son spectacle. Car ces interdictions préfectorales s’assimilent à une forme de censure préalable. Sans même connaître le script du spectacle, avant même qu’un éventuel délit soit commis, on interdit, on censure. De même qu’il y a des guerres préventives, comme contre l’Irak et l’Iran, il y a des interdictions préventives. Décidément leur République ne sait plus quoi inventer. En signe de bonne volonté, Dieudonné avait même été il y a deux ans jusqu’à envoyer de manière préalable le texte intégral de son spectacle qu’il devait jouer initialement au Zénith au préfet de police de Paris, alors Laurent Nunez, aujourd’hui ministre de l’Intérieur. Cela n’avait pas suffi. Car le préfet avait considéré que l’artiste pouvait s’émanciper du texte du spectacle et que par conséquent il fallait l’interdire avant même qu’il ait pu avoir lieu. C’est de la censure préalable comme elle a existé autrefois dans notre histoire. Cela rappelle aussi le régime de l’autorisation préalable pour la presse lors de la Libération. Les journaux qui n’étaient pas jugés comme suffisamment favorables au nouveau régime n’avaient pas l’autorisation de paraître.
TOUJOURS EST-IL que désormais, et ce systématiquement depuis quelques mois, essentiellement depuis l’été, la justice administrative, renversant tout à coup sa jurisprudence, valide, confirme les interdictions préfectorales. A-t-elle reçu des consignes strictes et impératives en haut lieu pour désormais agir ainsi ? Ce n’est pas impossible. En tout cas, comme Dieudonné est plutôt du genre taquin, il essaie, malgré ces interdictions préfectorales et administratives successives, de se produire dans des lieux privés qui lui sont prêtés ou loués par des particuliers, souvent sympathisants, en ne communiquant l’adresse par sms qu’au dernier moment au public intéressé. C’est ainsi que le vendredi 24 octobre, entre 150 et 200 personnes se sont rassemblées dans un hangar de la commune de Vieillevigne, à une trentaine de kilomètres au sud de Nantes. Or, la gendarmerie est intervenue en cours de représentation pour faire respecter l’arrêté préfectoral, contraignant l’artiste à quitter la scène et le public à quitter la salle. L’évacuation, achevée vers 22 heures, s’est déroulée sans incident, selon une source au sein des forces de l’ordre, ainsi que l’a rapporté le journal local.
Cette interruption brutale d’une représentation avec des gendarmes armés et en uniforme déboulant sur la scène a quelque chose de surréaliste, surtout au vu des millions de crimes et de délits graves qui se commettent chaque année en France, des crimes, des destructions de biens, des violences contre des personnes. Mais cette interruption d’un spectacle par la maréchaussée est loin d’être une première. Quinze jours plus tôt, le vendredi 10 octobre, les gendarmes, déjà eux, étaient intervenus à Hérin dans le Nord en pleine représentation pour faire appliquer un arrêté d’interdiction du spectacle de Dieudonné validé par le tribunal administratif. Le vendredi 25 juillet, un spectacle avait également été stoppé à Lestrem dans le Pas-de-Calais, les gendarmes y notifiant sur place une décision préfectorale d’interdiction et faisant évacuer la salle. C’était alors la première interruption de représentation.
Voilà donc trois fois, en l’espace de trois mois, qu’un spectacle de nature humoristique et parfaitement pacifique est interrompu en France par les forces de l’ordre. Les évacuations se sont d’ailleurs toujours faites dans le calme, preuve que les spectateurs venus assister au spectacle ne cherchent nullement l’affrontement, ne sont pas agressifs mais viennent seulement pour passer un agréable moment et applaudir un humoriste qu’ils trouvent à leur goût et qui les fait rire ou sourire. Qui les détend, les distrait, leur faisant oublier un court moment un monde si laid, si triste, si compliqué.
LE PLUS FRAPPANT dans ces interruptions répétées de spectacle par les gendarmes, outre leur caractère ubuesque, outre la servilité des forces de l’ordre obéissant mécaniquement, voire avec zèle, à des ordres injustes et arbitraires, c’est le silence sépulcral qui les entoure. Où sont les artistes, les intellectuels, les hommes politiques, les journalistes, les écrivains, les penseurs, les clercs qui s’élèvent publiquement, énergiquement contre une telle tyrannie, contre une telle entorse aux libertés fondamentales, contre une telle négation de la liberté artistique, du droit au rire et à la satire ? Il n’en est aucun. Absolument aucun. C’est le désert. Il n’y a personne. Voilà où nous en sommes. Il y a quelque chose de vertigineux dans ce qui se passe, dans le degré d’acceptation universelle de l’injustice, de soumission à l’arbitraire. Cette lâcheté générale est sidérante et vomitive. Et elle en dit long sur l’état de notre société, l’état des consciences, des intelligences et des volontés. Elle marque une défaite de l’esprit et elle est le reflet d’une infirmité du cœur. Car il n’est nul besoin d’aimer ou d’apprécier Dieudonné pour être révolté par une telle injustice, par une tyrannie qui confine à une forme de folie, par tant de haine et de bêtise, par tant de petitesse et de mesquinerie. Et ce sont les mêmes qui vont nous parler de liberté d’expression et se dire Charlie ! Eh oui, car dans ce régime abject, on a le droit et même le devoir de blasphémer, de se montrer grossier, vulgaire, impudique, pornocrate mais on n’a pas le droit de se moquer des puissants, qui sont autant de malfaisants, de flétrir leurs vices, de dénoncer par le rire leur mensonge, leur duplicité, leur nocivité.
Pourquoi n’est-il personne pour s’offusquer qu’on interdise un spectacle, que des gendarmes armés interrompent une représentation dans un pays qui se dit celui de la liberté et des droits de l’homme et qui donne volontiers des leçons à la terre entière ? Pourquoi aucun parti, aucune organisation, aucune personnalité, de premier ou même de second plan, ne se porte au secours de la victime et ne dénonce crânement l’injustice ? Eh bien la réponse est simple. Elle est toujours la même. Elle tient en trois mots qui sont ceux-là même de l’Evangile : propter metum Judaeorum. Par crainte des Juifs. Finalement les choses n’ont pas tellement changé en deux mille ans. Elles ne se sont pas améliorées. C’est parce que Dieudonné s’est moqué avec talent, bravoure et efficacité d’une certaine coterie et d’un certain culte imposé à tous, qu’il a même remis un Prix à Robert Faurisson le 26 décembre 2008 en le faisant monter sur la scène du Zénith de Paris qu’on l’a chassé de son théâtre de la Main d’Or (en 2018), qu’on a supprimé sa chaîne YouTube (en 2020), qu’il a plus de trente condamnations pénales définitives à son actif (contre 26 pour votre serviteur !) en vertu des législations dites mémorielles et antiracistes et qu’il est désormais interdit de partout, y compris au-delà de nos frontières. Pour desserrer l’étau et essayer de retrouver un peu d’oxygène, il a même tendu la main à la communauté juive en janvier 2023 avec des excuses publiées dans la revue ultra-sioniste Israël Magazine mais rien n’y a fait. Force est de constater que ce geste — dont nous avons à l’époque contesté l’opportunité — ne lui aura servi à rien. Ainsi qu’il le disait dans l’entretien qu’il nous a accordé le 26 juillet 2023 : « Mais quel est donc ce peuple qui ne pardonne pas ? ». Il est vrai que, même dans cette séquence du pardon, il n’avait pas totalement renoncé aux taquineries dont il a le secret puisqu’il s’était rendu à Auschwitz en se coiffant du chapeau du Professeur.
Mais il ne faut pas croire que Dieudonné est la cible unique des censeurs, même s’il est une cible visible et emblématique. C’est nous tous qui sommes dans le viseur des censeurs. C’est tous ceux qui refusent de baisser la tête, de plier le genou devant le mensonge et l’injustice et qui n’ont rien de plus précieux au monde que leur liberté d’esprit, d’âme et de cœur que leur a léguée le Créateur. […]
RIVAROL, <[email protected]>
Source : Éditorial de Rivarol


































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