[Article publié dans la seconde version papier de Jeune nation et signé Laurent van den Berghe]
Autrefois inséparables du travail, les loisirs aujourd’hui isolent un peu plus l’individu de son cadre social naturel et confortent ses besoins individualistes à travers une consommation excessive.
Les loisirs sont une des caractéristiques de la société mercantile et décadente en cette fin de XXe siècle. Ils affectent surtout la répartition du temps dans l’existence et prennent une importance toujours accrue dans notre société. Il semble que l’activité s’oriente de plus en plus vers les loisirs qui sont présentés comme une libération du travail.
Un caractère de fête
Quoique présentés comme un cadeau de la démocratie socio-libérale de cette fin de siècle, il est à souligner que les loisirs ne sont pas nouveaux. Jadis, travail et loisir ne faisaient pas l’objet d’une distinction si nette qu’aujourd’hui. Beaucoup de travaux étaient œuvres utiles et distractions mêlées. Le rythme n’y était pas dicté par des compteurs automatiques, le geste n’y était pas réduit au plus utile et au plus rentable. Pour cela, il est nécessaire de se référer au calendrier agro-liturgique qui, jusqu’à la révolution dite française de 1789, gérait la vie de nos aïeux dans la majeure partie du continent européen. Souvent, les travaux avaient un caractère de fête et le clan, la communauté villageoise, y participaient entièrement. Le travail était, quoique difficile et pénible, une source de joie, de bonheur.
De nos jours, l’élimination des gestes dits « inutiles », élimination issue de la taylorisation du travail au début de ce siècle, a permis de diminuer la durée de la tâche et a donné du temps libre pour des jeux qui jadis se confondaient avec le travail. L’emploi du mot « loisir » semble surtout être le fait d’une société poussée toujours d’avantage vers une mentalité individualiste et consommatrice à l’extrême et donc basée sur des structures étrangères à notre sol et à notre sang. La télévision et ses « shows » d’une effarante banalité, ses feuilletons importés d’une médiocrité particulièrement ahurissante, les nuits passées en discothèque, les concerts de rock, la vidéo et la planche à voile : autant de loisirs qui excluent toute communication. Les loisirs remplacent les veillées au foyer, les cérémonies politiques, religieuses et militaires par lesquelles les cités anciennes célébraient leur existence, leur histoire et leur force ainsi que les fêtes de villages traditionnelles, tout cela étant considéré aujourd’hui par la société mercantile et cosmopolite comme désuet.
Esclave de cette société de consommation
Tandis que les loisirs de nos ancêtres avaient pour conséquence une consolidation des liens communautaires à tous les échelons, les loisirs de cette fin de siècle n’ont pas seulement comme conséquence, mais également comme but, d’aliéner l’individu de sa communauté, de le priver de ses attaches et de ses racines. De plus, il faut souligner que dans de très nombreux cas, le travail abrutissant ou « stressant » est suivi de loisirs non moins frénétiques ou, du moins, se déroulant dans un tel cadre. Ainsi, le loisir quasi-institutionnalisé fatigue autant, sinon plus, l’individu que le travail, présenté souvent comme un mal.
Les individus ont remis leur faculté de décision à la société de consommation qui se montre sous un de ses aspects les plus inquiétants dans le domaine du temps libre : elle prend en charge le travailleur, elle organise son temps libre, elle lui propose des activités, produits pour alléger son ennui. Le citoyen dont le travail est le centre de la vie, ne sachant pas que faire de son temps libre, devient automatiquement l’esclave parfait de cette société de consommation. Ainsi, le citoyen-consommateur est un individu lobotomisé, conditionné par le système. Il est le consommateur prêt à être consommé.
Bête à consommer
La diversité apparente des loisirs est devenue telle que, placé devant ces possibilités en apparence sans limites, nous nous perdons dans la confusion. L’Européen de souche ainsi déboussolé et donc dénaturé n’en devient que plus aisé à conquérir par les fabricants de loisirs. Ce phénomène marque profondément le système économique mercantile, la société cosmopolite et très certainement la personnalité de chacun d’entre nous y compris, dans les rangs nationalistes.
Il convient de dresser un inventaire des caractéristiques dont on peut raisonnablement estimer qu’elles marquent nos compatriotes consommateurs :
1- La promotion de l’homme universalisé :
Il aura un plus large accès à la culture, à l’enseignement, à tout ce qui permet l’épanouissement de son être. Cette promotion ne pourra se faire que grâce à un important nivellement par le bas. C’est l’asservissement de l’esprit.
2- La célébration des masses :
Les activités physiques diminuant au profit des activités psychiques, le climat intellectuel et moral deviendra toujours davantage plus abstrait et plus étranger à la nature. Ainsi, l’homme-universel aura l’esprit asservi et le corps négligé voir avili.
3- La dépersonnalisation du milieu ambiant :
Le citoyen-consommateur d’aujourd’hui et de demain s’adressera à des personnes morales, à des administrations, à des fonctionnaires anonymes et interchangeables à volonté.
4- La prolifération de la réglementation :
L’individu doit être ainsi calé entre des bornes fictives et réglementaires qui lui permettent d’être autoguidé dans la vie. Il y aura les choses possibles à faire (et donc obligatoires) et les choses impossibles à faire (et donc condamnables).
5- Le citoyen : bête à consommer :
Il ignore ou veut ignorer les rationnements. Ne jugeant jamais sa situation par rapport au passé (car il l’ignore ou car on lui apprend à l’ignorer), il considère toute contrainte comme une chose insurmontable et ses besoins du moment comme des besoins vitaux.
6- Le milieu technique engendre l’uniformité :
Mêmes magazines, mêmes vêtements, même gastronomie, même musique, mêmes loisirs. Cette uniformité mondialiste est accélérée du fait des progrès dans les domaines du transport et des communications au niveau mondial.
7- Le consommateur est un homme riche :
Consommer rend riche et quand on est riche, on peut consommer. L’ère de l’État providence touche à sa fin et il reste à voir comment nos compatriotes réagiront à une situation nouvelle où le confort (« Du pain et des jeux » disait Juvénal) ne sera plus garanti par le système.
L’esprit d’initiative
L’élévation du niveau de vie entraîne un développement des besoins chez l’individu conditionné, qui semble être de moins en moins satisfait. Un grand nombre de ces besoins sont artificiels, car ce ne sont que des produits d’une société de consommation dont les grands bénéficiaires libéraux et capitalistes sont de par leur nature infiniment plus rusés et avides que les consommateurs potentiels eux-mêmes. Leur objectif est la société marchande du veau d’or où tout être est client et consommateur réel et potentiel. Le bonheur, pour eux, c’est la consommation successive de biens de valeur superficielle.
Cette pseudo-richesse affaiblit tout : trop de biens matériels a déjà maintes fois provoqué le déclin et la chute de grandes cultures et civilisations, même si d’autres facteurs ont également joué. La sobriété n’a jamais perdu un peuple ou une civilisation. L’élément le plus important, pour contrer ce type de société est de sauvegarder l’esprit d’initiative. Le don créateur a produit par le passé de grandes cultures et de nombreux exploits. Cela a bien sûr exigé de grands efforts de la part de tous.
Le sculpteur de son destin
Pour nous, nationalistes, notre liberté réelle ne se limite pas à choisir entre le jeux Nintendo et le concert de rock, mais entre deux conceptions du monde. L’une cosmopolite, reprend l’idée que le travail et l’effort sont des peines imposées par des concepts passéistes. Avec l’avènement de la société mercantile des loisirs où l’effort serait réduit au strict minimum, le paradis perdu serait enfin retrouvé. Le Paradis serait donc sur terre. L’autre conception des choses est nationaliste. L’homme retrouvant ses racines est perçu comme un travailleur, un créateur. Il est le sculpteur de son destin, prêt à tout effort pour l’accomplir.
Le travail, rendu abrutissant par les méthodes capitalistes ou collectivistes, n’y possède aucun caractère de corvée imposée. Le travail est un libre choix, une source de joie que connaît chaque créateur. Le loisir en harmonie avec la force naturelle du travail est, en fait, un véritable épanouissement. Opposer loisir et travail est un retour aux idéologies matérialistes et avilissantes. Les révélations universalistes et extra-européennes ont corrompu l’idée de travail. Il faut rendre au travail sa vraie place afin que nos compatriotes puissent de nouveau se sculpter un nouveau et puissant destin.