Merci à David Veysseyre pour les précisions étymologiques qui suivent, relatives à l’origine de l’expression « Monjoie, Saint-Denis » ayant servi de cri de guerre à Damien Tarel pour caresser la joue présidentielle.
Monjoie (cri de guerre) aussi orthographié montjoie par attraction déformante de mont et joie < fr. *mund-gau
Attention aux étymologies populaires, le cri de guerre des chevaliers français « monjoie saint Denis » n’est pas composé de « mont » et « joie », c’est un mot authentiquement germanique et francique qui témoigne combien le nord de la Gaule a été germanisé après les Grandes Invasions. Cette expression fut le cri de guerre de toute la chevalerie française du X° au XIII° siècle. Monjoie est l’union de mund et gau, mot authentiquement germanique par sa morphologie où le complément du nom et le nom peuvent s’agglutiner, il signifie littéralement « protection du pays ». Dans le droit des peuples germaniques de l’Antiquité et du haut Moyen Âge, le mund (latinisé en mundium ou mundeburdium, qui donne mainbour en ancien français et qui signifie tuteur, gardien, administrateur, je ne puis d’ailleurs m’empêcher derechef de relever l’étymologie fantaisiste de ce mot par Julien Greimas dans son dictionnaire d’ancien français, il dit que le mund de « mainbour » signifie bouche, il confond le vieux mot juridique germanique munt avec la bouche qui se dit en effet mund en allemand, c’est un homonyme) est la puissance de protection que certains individus exercent sur d’autres : un roi sur son peuple, un puissant sur un faible, un père sur son enfant, un mari sur sa femme. Le mot appartient à la culture païenne des anciens Germains, c’est à la fois un droit et un devoir.
Mund s’est perpétué en haut allemand, il a encore une signification juridique, mais avec un sens tout profane et désenchanté, dépourvu des multiples acceptions juridiques et mystiques héritées de l’Antiquité germanique. Il est préfixé de vor dans le substantif vormundschaft qui signifie « tutelle », et curatèle. Quant à gau (gau en allemand, gouw en néerlandais), c’est un terme germanique désignant une subdivision à l’intérieur d’un pays, souvent une province ancienne ou actuelle. Le terme était utilisé au bas Moyen Âge, où il était considéré comme l’équivalent du pays ou pagus (ou de l’anglais shire). Il a été remis au goût du jour en Allemagne sous le régime national-socialiste, lequel aspirait à retrouver l’origine des choses en maint domaines.
Plus tard, dans les pays germanophones à l’est de l’Escaut, le Gau formait l’unité administrative de l’Empire carolingien au IX° siècle et X° siècles. Beaucoup de ces unités territoriales sont ensuite devenus ce que l’on appelle un comté (Grafschaft en allemand), c’est-à-dire un territoire gouverné par un comte (Graf). On retrouve aujourd’hui gau dans la toponymie germanique, le Hainaut se dit par exemple Henegouwen en néerlandais et Hennegau en allemand (du nom de la rivière qui le traverse, la Haine et Gau ou gouwen, comté carolingien). Pensons sinon au canton d’Aargau (Argovie) en Suisse allemande et à une contrée limitrophe de l’Alsace dans le Bade-Wurtemberg : le Breisgau, sa ville la plus importante qui est une ville universitaire réputée d’Allemagne du sud est Fribourg-en-Brisgau.
Mais à partir du X° siècle, après la fusion des Francs et des Gallo-Romains et la naissance de la France, celle de langue d’oïl, ce mot ne devait plus être compris par l’aristocratie qui n’était plus franque, mais française, c’est pour cela qu’on le comprenait comme l’agglutination de mont et joie. Voici derechef un bel exemple de peuple roman qui perd le contact intime avec sa langue.
« Monjoie saint Denis » est sinon un cri martial, identitaire et culturel, c’est un signe de ralliement, il est censé exaspérer le courage des chevaliers avant le combat, c’est donc une expression très identitaire.
De nos jours, un groupe de chant catholique traditionaliste a repris ce terme et s’appelle le chœur Monjoie saint Denis, ils éditent des CDs
Monjoie saint Denis ou Monjoie correspond exactement au cri de guerre de l’Espagne chrétienne médiévale lors de la Reconquista : Santiago y cierra España ! L’invocation au saint patron de l’Espagne donne du courage, réhausse les cœurs et donne l’ordre de passer à l’attaque.
David Veysseyre
L’essentiel est que le cri d’un petit gars du peuple ait été entendu par tous.
Et que le ralliement commence à s’opérer !