Depuis le 5 décembre 2022, plus aucun navire transportant du pétrole brut russe ne peut débarquer sa cargaison dans un port de l’Union européenne. Cette mesure s’ajoute à la décision prise trois jours auparavant de plafonner le prix du baril en provenance de Russie pour les pays qui n’appliquent pas l’embargo occidental. Enfin, depuis le 5 février 2023, l’embargo concerne les produits raffinés. Premier bilan des sanctions européennes contre le pétrole russe qui ressemblent plus en réalité à un cadeau pour le reste du monde…
L’UE subventionne le raffinage des potentats africains
Le Wall Street Journal a fait état récemment d’une augmentation des achats de produits pétroliers russes par les pays africains suite à l’entrée en vigueur de l’embargo européen. Alors que le Maroc a acheté 600 000 barils de diesel russe pour l’ensemble de l’année 2021, il en a importé trois fois plus – 2 millions de barils – pour le seul mois de janvier 2023. La Tunisie n’a pratiquement pas acheté de produits pétroliers russes en 2021, mais a augmenté ses achats à 2,8 millions de barils en janvier 2023. Il en va de même pour l’Égypte, la Libye et l’Algérie.
L’évolution des importations de tels volumes de carburant et avec une telle intensité illustre bien l’ukrainisation de l’Europe, c’est-à-dire l’application par l’Union européenne de pratiques ukrainiennes qui ne sont pas des plus lisibles et cohérentes.
Ainsi, de même que l’Ukraine achète toujours du charbon à la Russie sous couvert de charbon kazakh ou que le gaz russe est « transformé » en gaz européen quand il traverse le pipeline parcourant l’Ukraine, l’UE achète toujours du pétrole et des produits pétroliers à la Russie par le biais de mêmes stratagèmes enfantins : des intermédiaires.
Et comme la demande de carburant dans l’UE n’a pas fondamentalement changé et que l’offre n’a pas évolué, les voisins de l’UE vont désormais gagner de l’argent en fournissant des produits pétroliers russes à l’UE : les produits pétroliers sont importés de Russie, puis dilués et cessent donc d’être russes aux yeux des dirigeants de l’UE… Fictivement certes, mais le surcoût est lui bien réel. Belle réussite de nos mondialistes européens au service des potentats africains.
L’UE soutient la production américaine
D’autre part, le même Wall Street Journal note le retour des États-Unis à leur ancienne puissance sur le marché pétrolier avec des exportations croissantes vers l’Europe. Depuis février 2022, la moyenne mensuelle des expéditions vers le continent a bondi de 38 % par rapport aux 12 mois précédents.
Les pétroliers ont commencé à transporter davantage de pétrole vers l’Allemagne, la France et l’Italie, ainsi que vers l’Espagne, qui a augmenté ses achats d’environ 88 % au cours de cette période.
L’Inde devient premier fournisseur de l’UE
De même Bloomberg note que le pétrole russe alimente toujours l’Europe par l’intermédiaire de l’Inde. L‘Inde achète du brut russe bon marché, le transforme en carburants comme le diesel et le réexpédie en Europe moyennant une forte prime : la différence de prix entre le Brent et l’Oural est d’environ 25 $/baril, soit près d’un tiers du prix du baril de pétrole brut. Les marges sur le produit russe sont encore plus importantes lorsqu’il s’agit de produits raffinés tels que l’essence ou le diesel.
De la sorte, les consommateurs européens paient un supplément à l’Inde, tandis que la Russie ne subit aucun effet négatif des sanctions européennes.
L’Inde est ainsi en passe de devenir ce mois-ci le premier fournisseur européen de carburants raffinés tout en achetant des quantités records de pétrole brut russe, selon les données de la société d’analyse Kpler. Les importations de brut russe de l’Inde devraient dépasser les 2 millions de barils par jour en avril, représentant près de 44 % des importations totales de pétrole du pays.
Les conséquences pour l’UE
En d’autres termes, l’Europe achète toujours du pétrole russe, ce qui maintient la Russie bien financée, mais à cause de l’exercice insensé d’acheter du pétrole russe par un intermédiaire, l’accord finit par coûter aux Européens des milliards de plus que s’ils achetaient le pétrole directement.
Et cela signifie également plus de concurrence pour les raffineurs de pétrole européens, qui n’ont pas accès au brut russe bon marché.
L’Europe n’atteint aucun de ses objectifs d’embargo (c’est-à-dire maintenir le pétrole russe hors du marché pour empêcher Poutine de l’utiliser pour financer la guerre en Ukraine), tout en étant frappée par des prix de l’énergie beaucoup plus élevés.
Finalement, les Européens subventionnent donc le raffinage africain et indien et soutiennent la production pétrolière américaine. L’Europe est riche, elle peut se le permettre…