En 2007, lors d’un débat sur la lustration1, l’historien et réalisateur Grzegorz Michal Braun affirmait que le linguiste Jan Miodek avait travaillé avec le Service de sécurité (SB, Służba Bezpieczeństwa). Mis en place dès 1944, le SB était directement aux ordres de son homologue russe, le NKVD puis le KGB. Il fut l’une des pires polices politiques de l’est. Ainsi, le SB récupérera certaines installations du camp de concentration d’Auschwitz pour le transformer en véritable camp de la mort. Plusieurs milliers d’opposants y ont été détenus, torturés et une grande partie d’entre eux assassinés. Ces faits – bien réels, eux – n’ont donné lieu à aucun procès international, aucune « repentance ».
Le camp Zgoda fut dirigé par le juif communiste Shlomo Morel. Durant la Seconde Guerre mondiale, ce malade connu pour avoir assassiné de ses propres mains de nombreuses personnes fit partie d’un groupe de pillards avec ses frères avant de rejoindre la résistance communiste pour sauver sa vie après l’élimination d’un de ses frères par les rouges. Pour justifier ses crimes, il avait prétendu ensuite avoir été interné à Auschwitz, un mensonge que les historiens avaient mis à jour.
En réalité, Salomon Morel était passé en URSS avant de revenir en Pologne dans les fourgons des tueurs de l’armée rouge. Il commença alors une brillante carrière au sein du SB, qu’il acheva avec le grade de colonel. Ce criminel contre l’humanité fut protégé durant quinze ans par Israël, où il avait fui dès 1992 pour échapper à la justice. L’État criminel d’Israël a refusé son extradition bien qu’il fut poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Grzegorz Braun et Jan Miodek habitent tous deux à Wrocław, la quatrième ville de Pologne, située dans le sud-ouest du pays. Le premier, militant monarchiste – qui avait participé à des manifestations antigouvernementales dans les années ayant précédé la chute du communisme –, y a été notamment candidat aux élections municipales ; le second y dirige depuis plusieurs années l’Institut polonais de philologie. Après les accusations lancées par Grzegorz Braun, Jan Miodek avait porté plainte pour diffamation. La justice polonaise avait condamné l’historien en première instance, un jugement confirmé en appel puis devant la Cour suprême, qui obligeait notamment Grzegorz Braun à présenter ses excuses.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Pologne pour ce jugement.
« Les juridictions polonaises n’auraient pas dû appliquer des normes plus strictes que celles concernant les journalistes. […] La Cour ne peut admettre l’approche des juridictions polonaises qui ont exigé du requérant qu’il prouve la véracité de ses allégations et donc qu’il satisfasse à une norme plus élevée que celle qui est appliquée aux journalistes »
a précisé la CEDH dans un communiqué.
La justice polonaise s’était appuyée sur le fait qu’une simple commission universitaire, devant laquelle avait comparu Jan Miodek, n’avait pu prouver son appartenance au SB, alors même que l’Institut nationalité de la mémoire (IPN, Instytut Pamięci Narodowej) a confirmé qu’il possédait un dossier de collaborateur du SB – dossier qui a disparu.
La Cour suprême avait de son côté insisté sur le fait que si « un journaliste traitant une question d’intérêt public ne pouvait pas être tenu de prouver la véracité de chacune de ses déclarations, M. Braun ne pouvait pas être considéré comme un journaliste et les déclarations de l’intéressé étaient donc de nature privée. »
1Terme utilisé depuis la chute des dictateurs communistes en Europe de l’Est et concernant l’épuration du passé communiste et la recherche de ceux qui ont travaillé avec la dictature et plus particulièrement avec les polices politiques.