La géopolitique – science de la structuration politique de l’espace – ne semble pas une science très sérieuse : qui est capable d’énoncer une loi dans ce domaine ou de faire état d’une prévision qu’on n’exigera pas exacte, mais au moins pertinente et utile ?
Pour autant, ses affirmations ne sont pas entièrement gratuites, loin de là. Par exemple, le concept de « Rimland », à défaut d’être une théorie, est bel et bien un programme de conquête du monde par les USA – programme d’ailleurs en cours de réalisation en 1943 au moment de la mort de celui qui l’a formulé, le professeur en relations internationales à Yale, Nicholas John Spykman : le rimland est une zone qui va en gros de la France et de l’Allemagne à la Corée en passant par Israël : son contrôle par les USA demandait bien sûr l’élimination des deux autres puissances maritimes, l’Angleterre et le Japon.
Cette « théorie » – qui ne tiendra pas plus longtemps que les USA – a rendu obsolète la précédente, celle formulée par l’Angleterre alors encore vaguement dominante, la théorie du « Heartland ». En 1919, son auteur, le géographe anglais Halford John Mackinder en donne une formulation sentencieuse :
« Who rules East Europe commands the Heartland;
who rules the Heartland commands the World-Island;
who rules the World-Island controls the world. »
« Qui contrôle l’Europe de l’Est contrôle l’Heartland ;
Qui contrôle l’Heartland contrôle l’Île Monde ;
Qui contrôle l’Île Monde contrôle le monde. »
Cette espèce d’apophtegme qui voulait mettre en garde l’Angleterre contre l’émergence d’une puissance terrestre alors que le danger venait de l’émergence dans son dos d’une autre puissance maritime paraît aujourd’hui bien ridicule, d’autant que ni l’Allemagne, ni la Russie, plus ou moins maîtresses de cette zone à tour de rôle, n’ont réussi à dominer le monde. Son seul mérite au fond semble avoir été de pressentir le déclin de l’Angleterre.
Seulement voilà, cette prévision est sans doute la plus exacte de toute la géopolitique, son plus grave défaut, c’est d’avoir été formulée par un Anglais alors qu’elle aurait dû l’être par un Juif.
Qui contrôle l’Europe de l’Est contrôle le monde.
Mais qui contrôlait l’Europe de l’Est en 1919 ? Pour le savoir, il suffit de regarder une carte de ce qu’on appelait le Yiddishland, et là, on tombe de sa chaise. Ce Yiddishland couvre l’Ukraine, la Biélorussie, les pays Baltes et le territoire de l’actuelle Pologne et s’étend même plus à l’ouest jusqu’en Alsace en passant par la Hongrie, l’Autriche et l’Allemagne. Et c’est de cette zone, de cet ensemble, que les Juifs sont partis à la conquête du monde à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, coïncidence, au moment des deux guerres mondiales.
Quelques exemples concrets parleront bien plus que l’habituel baratin compact des pavés de géopolitique.
- Paul Warburg, « créateur » et membre du premier conseil de la Fed, né à Hambourg le 10 août 1868.
- Felix Frankfurter, nommé juge à la cour suprême des USA par Franklin Delano Roosevelt : né à Vienne le 15 novembre 1882.
- Jacob Schiff, banquier, premier Juif à avoir réussi à faire tomber un président américain, Howard Taft, en 1911 (affaire de l’abrogation du traité commercial avec la Russie) : né à Francfort le 10 janvier 1947.
- William Laurence né Leib Wolf Siew, journaliste au New York Times, auteur de l’expression « l’âge atomique » (comprendre : fin de l’ère chrétienne), il est dans l’avion qui bombarde Nagasaki, né le 7 mars 1888 à Salantaïe en Lituanie.
- Le « G » de MGM Samuel Goldwyn, né Schmuel Gelbfisz : un producteur américain d’origine juive polonaise né le 17 août 1879 à Varsovie (Pologne)
- Louis B. Mayer – le « M » de Metro Goldwyn Mayer – est né Lazar Meïr le 4 juillet 1885 à Minsk, République de Bélarus.
- Lionel S. Reiss, directeur artistique de Paramount Pictures (MGM) créateur du « Lion de la MGM » né à Jaroslaw en Pologne le 29 janvier 1894.
- À noter que le lion, symbole de domination s’il en est, est un symbole juif depuis la Genèse sous le nom de « lion de Juda » : le lion de la MGM est donc juif et il symbolise leur réussite.
- Chaïm Weizmann, premier président d’Israël, né le 27 novembre 1874 à Motal en Biélorussie.
- David Ben Gourion, Premier ministre d’Israël, né le 16 octobre 1886 à Płońsk en Pologne.
- Golda Meir, née le 3 mai 1898 à Kiev en Ukraine.
- Menachem Begin, né le 16 août 1913 à Brest en Biélorussie.
- Theodor Herzl, journaliste et père du sionisme moderne, né le 2 mai 1860 à Budapest en Hongrie
- Vladimir Jabontinski, organisateur du boycott contre l’Allemagne nazie, sioniste, né le 17 octobre 1880 à Odessa en Ukraine.
- Bernard Lecache, ami et collaborateur du précédent, fondateur de la LICA (devenu LICRA), né à Odessa en Ukraine.
- Hannah Arendt, née le 14 octobre 1906 à Linden-Limmer dans le Hanovre en Allemagne.
- Léon Trotsky de son vrai nom Lev Davidovitch Bronstein, né le 7 novembre 1879 à Ianovka en Ukraine.
- Grigori Zinoviev (Aronovitch Apfelbaum) né le 11 septembre 1883 à Kirovhrad en Ukraine.
- Lev Kamenev (Rosenfeld) né le 18 juillet 1883 à Moscou un peu en dehors du Yiddishland.
- Willi Münzenberg, théoricien de la propagande, auteur du livre beige (recueil de faux documents contre l’Allemagne nazie), né en 1889 à Erfurt en Allemagne.
- Léopold Louis-Dreyfus, fondateur d’une immense compagnie de courtage en grains toujours en activité, malgré – ou grâce – à son implication dans un énorme scandale de manipulation des cours du grain dans les années trente en France, né le 5 mars 1833 à Sierentz en Alsace, la limite ouest du Yiddishland.
- Alfred Dreyfus est aussi né en Alsace, à Mulhouse dont Sierentz est proche, le 9 octobre 1959.
Etc.
Que retenir de tout ça ? De Gaulle disait du peuple juif qu’il était sûr de lui et dominateur.
En disant « sûr de lui » il exprimait l’unité interne forte de ce peuple, une unité capable de résister à deux mille ans de dispersion et d’immersion dans des cultures étrangères différentes, en disant « dominateur » il exprimait son indépendance. Unité et indépendance sont les deux critères classiques de la puissance pour une nation.
Mais contrairement à la vision de Mackinder et de Spykman, il ne s’agit ni d’une puissance terrestre ni d’une puissance maritime, alors quoi ?
Une « puissance migrante » peut-être ?
Une puissance migrante, voilà un concept qui pourrait bien parler à nos oreilles contemporaines, il est aussi un défi à la géopolitique classique, basée sur le jeu des nations installées sur un territoire fixe.
Francis Goumain