Plongée dans la psychologie profonde et historique des élites américaines avec Francis Parker Yockey, militant nationaliste-révolutionnaire (de nationalité états-unienne) des années 1945-1960, qui a rédigé dans une auberge irlandaise, à la fin des années 1940, un ouvrage qui demeure son opus magnum : « Imperium ».
Il y explique, au chapitre qu’il consacre aux Etats-Unis, que ce pays s’est constitué sur la base d’un « individualisme organique ». La Déclaration d’Indépendance de cette nation, si on en croit l’auteur, est profondément imbibée de cet individualisme, parce que ce pays est d’abord le résultat de migrations successives « d’individus », et non pas d’un peuple. Sa colonisation ne serait pas le résultat d’une volonté communautaire, ou étatique, mais le résultat d’une série de « volontés personnelles. »
Ainsi, « ces millions de kilomètres carrés ne furent pas développés par l’action de l’Etat, mais par l’impérialisme individuel. Ce fait aussi est de la plus haute importance pour l’histoire américaine ultérieure. En premier lieu, ces immigrants avaient en général le goût de l’aventure, gothique et caractéristique, qui avait donné à l’histoire occidentale son intensité unique. Qu’ils fussent des aventuriers ou des réfugiés religieux, des marchands ou des soldats, ils quittèrent cependant leurs foyers européens pour une terre inconnue et dangereuse, une terre de privations et de conditions primitives. Les conditions nouvelles dans lesquelles ils vécurent perpétuèrent et développèrent les instincts qui les avaient amenés ici. »
Yockey affirme aussi « qu’il n’y avait pas eu d’Etat en Amérique-la chose la plus proche d’un Etat avait été le gouvernement anglais-et c’est pourquoi l’idéologie anti-Etat américaine ne niait aucun fait de la vie, mais affirmait simplement le fait de l’individualisme, (…) »
On ne peut comprendre l’idéologie américaine sans comprendre son cadre historique : « Toute l’idéologie américaine présupposait la situation géopolitique américaine. Il n’y avait pas de puissances, pas de populations hostiles fortes, nombreuses ou organisées, pas de dangers politiques-seulement un vaste paysage vide, à peine peuplé de sauvages. »
Il explique aussi que cet individualisme dit « organique » fut « formulé dans des constitutions écrites et dans une littérature littéraire-politique. La Déclaration d’indépendance est typique de l’esprit de cette littérature. »
Il faut donc comprendre que cet individualisme explique le caractère profond des élites culturelles, politiques, économiques américaines, et en conséquence la psychologie de leurs actions.
Que conspue, en plus de ce caractère, Yockey ? Le rationalisme. Il affirme :
« La Déclaration d’indépendance est saturée de la pensée de Rousseau et Montesquieu. L’idée de base, comme dans tout le rationalisme, est l’identification de ce qui devrait être avec ce qui sera. Le rationalisme commence par confondre le rationnel avec le réel, et finit par confondre le réel avec le rationnel. »
Mais encore ? « Cet arsenal de « vérités » sur l’égalité et sur les droits inaliénables et inhérents reflèterait l’esprit critique émancipé, dépourvu de respect pour les faits et la tradition des pires des Américains.
Yockey précise que l’égalitarisme affiché par ces mêmes élites corrompt la santé de la communauté organique américaine :
« L’idée que les gouvernements sont « institués » dans un but utilitaire, pour satisfaire une demande d’hommes « égaux », et que ces hommes « égaux » donnent leur « consentement » à une certaine « forme » de « gouvernement », et qu’ensuite ils l’abolissent lorsqu’elle ne sert plus le but-est de la pure poésie rationaliste, et ne correspond à aucun fait qui ne soit jamais survenu quelque part. La source du gouvernement est l’inégalité des hommes-voilà le fait. »
Pourquoi Yockey est-il hostile à cette conception ? il le précise lui-même : « Le gouvernent tombe, non quand « le peuple » décide rationnellement de l’abolir, mais quand ce gouvernement devient décadent au point de se saper lui-même. »
Le rôle que devrait jouer le gouvernement est aussi moqué : « Dans la déclaration d’Indépendance, la référence au gouvernement qui aurait pour but de réaliser la « sécurité « et le « bonheur » de la population est une stupidité rationaliste de plus. »
Yockey ajoute : « Aucune nation ne fut jamais « conçue dans la liberté », et aucune nation ne fut jamais « dédiée à une proposition » et « Dire qu’une nation est « dédiée à une proposition », c’est la réduire à une abstraction qui peut être mise sur un tableau de classe pour un cours de logique. », et « Parler ainsi d’une nation, c’est l’insulter et la dégrader : personne ne voudrait jamais mourir pour une proposition logique. »
Il lie cette idée avec la conception historique de la liberté aux Etats-Unis :
« Au sens pratique, la liberté américaine signifie liberté par rapport à l’Etat, mais il est évident que ceci est de la simple littérature, puisqu’il n’y a jamais eu d’Etat en Amérique, ni aucune nécessité d’en avoir un. Le mot de liberté est ainsi un concept dans une religion matérialiste, et ne décrit rien dans le monde des faits américains. »
Aussi l’idée de souveraineté est une « abstraction complète », aux Etats-Unis. Et cet abstractionnisme, « l’idéologie américaine », est un porteur d’universalisme. Il affirme encore que la guerre de Sécession fut le grand moment de l’histoire américaine où celui qui s’opposerait à cet abstractionnisme, à cet universalisme toujours jugé positif, était non pas un adversaire, mais un « ennemi total », autrement dit un collectif contre lequel tout est permis. Ce sentiment « inspira toutes les guerres américaines à partir de ce moment-tout ennemi politique fut considéré ipso facto comme un adversaire idéologique, même si l’ennemi ne s’intéressait aucunement à l’idéologie américaine. »
Et ce sont les deux guerres mondiales qui vont mondialiser cette conception, puisque les soldats américains feront des guerres sur toute la planète. L’ennemi, nation ou collectif quelconque, était contre la « liberté, la « démocratie ». Autrement dit, contre le Bien. L’adversaire sera donc toujours donc le Mal incarné.
Que devrait en penser un Européen conséquent ? Voici sa réponse :
« Ce type de politique ne peut être considéré par l’Europe que comme adolescent, et en vérité toute tentative de décrire les formes et les problèmes du XXe siècle selon une idéologie rationaliste du XIXe siècle est immature, ou pour être plus franc, stupide. »
La dernière étape de ce cycle né avec l’individualisme fut la naissance, au XXe siècle, du messianisme américain : « l’idée que l’Amérique doit sauver le monde. »
Et Yockey détaille la liste des changements opérés entre l’ancienne société traditionnelle européenne et la nouvelle société américaine :
« Le véhicule du salut consiste en une religion matérialiste avec la « démocratie » prenant la place de Dieu, la « Constitution » la place de l’Eglise, les « principes de gouvernement » la place des dogmes religieux, et l’idée de la liberté économique la place de la Grâce de Dieu. La technique du salut est d’embrasser le dollar, ou sans cela de se soumettre aux explosifs et aux baïonnettes de l’Amérique. »
Que comprendre donc ? Que l’idéologie américaine est une religion. Et Yockey la compare à l’épisode de la Terreur, en France. Il explique encore :
« Son principal usage à l’époque actuelle-1948- est de diviser l’Europe. Le Michel européen se vautre dans n’importe quelle idéologie qui permet le bonheur et une vie sans effort de dureté. L’idéologie américaine sert ainsi un but négatif, et seulement cela. »