Contexte politique de la crise algérienne : la décolonisation.
A la Toussaint 1954, des musulmans assassinent des Européens en Algérie qui est alors considérée comme quinze départements français. L’armée française étrillée par le Vietminh communiste soutenu par la la Chine et la Russie soviétique va être contrainte d’abandonner les Indochinois anticommunistes. Un sentiment de honte d’avoir laissé leurs alliés indochinois à la merci des représailles de leurs frères annamites fanatisés par le communisme habitera donc ensuite les soldats français. La tragédie vietnamienne leur donnera raison.
L’armée française va alors tenter une nouvelle fois de rétablir l’ordre, cette fois-ci, en Algérie en proie à son tour à des troubles insurrectionnels. Elle est confrontée à deux adversaires :
– L’un, interne, est l’armée de libération nationale (ALN) composée de fellaghas pauvres encadrés par des anciens sous-officiers de Tirailleurs algériens.
– L’autre, extérieur, installé à l’étranger, en contact avec la presse et les diplomates, dont le but de guerre est l’indépendance et la révolution : le GPRA à Tunis (gouvernement provisoire de la république algérienne).
Les opérations de maintien de l’ordre contre les hors la loi sont renforcées par l’envoi de l’armée professionnelle puis celui des appelés du contingent en Algérie. La guerre anti-insurrectionnelle dite contre-guérilla débute et le plan du général Challe porte ses fruits. En 1958, l’armée française a sécurisé l’Algérie où musulmans et Européens fraternisent et où retentissent les klaxons scandant le slogan « Algérie française ! ».
Cependant, le général De Gaulle, arrivé au pouvoir, a d’autres ambitions pour l’Algérie. Il souhaite s’imposer comme une troisième voie entre les deux grandes puissances mondiales que sont les États-Unis et l’URSS ; pour cela, il entend se débarrasser des colonies africaines d’AEF et d’AOF et des départements algériens.
Le général De Gaulle a séjourné à Alger après le débarquement des Américains en 1942 et y a intrigué auprès d’eux pour s’imposer à la tête du gouvernement provisoire de la France libre. Il méprise les Pieds noirs (colons européens en Algérie) qui ont pourtant payé un lourd tribut à l’armée du général Delattre de Tassigny et à la division du général Leclerc de Hautecloque.
Le général De Gaulle tentera de sortir du bourbier algérien en jouant un double jeu. Il déclarera « Je vous ai compris » aux Pieds noirs pour finalement les abandonner brutalement en passant des accords avec les indépendantistes socialistes islamiques à Evian en 1962.
Les supplétifs musulmans de l’armée française (les Harkis) et leurs familles, tous les musulmans qui souhaitaient le maintien de la présence française en Algérie rebasculent du côté du FLN (Front de libération nationale) dès que la rumeur de négociations en faveur de l’indépendance se propage. Ceux qui ne le feront pas périront égorgés, les testicules dans la bouche, et leurs familles seront torturées et massacrées par le FLN. Les Pieds noirs qui ne pourront pas être rapatriés en métropole subiront le même sort.
Après le départ des Français, l’Algérie sera en proie à une terrible guerre civile entre mouvements indépendantistes pour s’emparer du pouvoir et des milliers d’Algériens se réfugieront chaque jour en France pour y échapper à la misère, à l’absence de maintenance des infrastructures, de pièces de rechange et aux tueries fratricides.
L’armée française avait déjà subi cette situation en Indochine et ne voulait pas de nouveau la laisser se reproduire en Algérie. C’est la raison pour laquelle des centaines d’officiers se disaient en état d’insurrection morale. Beaucoup d’officiers français, qui n’avaient connu que la guerre depuis 1939, fréquentaient les Pieds noirs et adhéraient (sentimentalement ou conjugalement) à leur cause. Le général Challe fédéra cette résistance à l’indépendance de l’Algérie… Il voulait négocier avec le FLN intérieur le maintien de la présence française et épargner ainsi des tueries supplémentaires. Il n’était pas possible que le sacrifice de tant de soldats français demeurât vain. Son objectif était de renvoyer le contingent en métropole et poursuivre la sécurisation du territoire algérien avec l’armée d’active. A juste titre, car une partie du contingent, peu motivée et entraînée à l’usage des armes, revint en métropole psychologiquement affectée par le spectacle de la violence des attentats du FLN et celle de leur répression par les militaires et les forces de l’ordre. J’en ai personnellement connu…
Les pourparlers de paix sabotés par De Gaulle : l’affaire Si Salah
En 1959, le chef de la Wilaya 4, Si Salah, accompagné de ses deux adjoints, entama des pourparlers de paix au nom de la résistance intérieure. Ils ne supportaient plus le GPRA de Tunis. Ils furent reçus par De Gaulle à l’Elysée, sans protection. Ils disaient qu’ils avaient consenti tous les sacrifices et que c’était à eux de négocier directement.
Malheureusement, cette opportunité formidable d’épargner un bain de sang tomba à l’eau car De Gaulle laissa traîner. Le négociateur fellagha, Si Salah, fut fait prisonnier par les autres fellaghas irrédentistes. Le convoi qui le conduisait à Tunis fut intercepté et anéanti par une unité française. Si Salah fut tué. D’après le livre d’Yves Courrière, cette négligence ou forfaiture de De Gaulle sentant le souffre, il déclara a son entourage : « Personne ne parlera de l’affaire Si Salah et celui qui en parlera n’en parlera pas longtemps. » Le dernier survivant de l’entretien de l’Elysée, Si Mohamed, fut éliminé par un commando du 11ème Choc venu pour l’occasion de Corse. Cette opération du service Action porte la marque d’une action « homo », comme homicide, menée sur ordre direct du chef de l’État.
Lorsque le général Challe demanda au chef de bataillon Hélie Denoix de Saint Marc, commandant en second du 1er REP (régiment parachutiste de la Légion étrangère), de le rejoindre dans sa révolte, il lui parla de Si Salah :
– De Gaulle a saboté volontairement cette piste. Moi, je reprendrai tout cela. C’est avec l’intérieur et non avec l’extérieur que nous devons construire un pays nouveau, en relation avec la France.
Après l’échec du putsch en avril 1961, les officiers révoltés furent internés à la prison de la Santé puis à Tulle. Lors de son procès, le général Challe ne fit pas état de l’affaire scandaleuse de Si Salah car le gouvernement avait cherché son silence au nom de l’intérêt supérieur de l’État. Il fut donc seulement condamné à 15 ans de prison et gracié en 1966.
Un soir, à la prison de Tulle, il confiera à Hélie Denoix de Saint Marc , condamné, lui, à 10 ans de réclusion, et qui l’interrogeait prudemment, que son silence sur la forfaiture de De Gaulle dans l’affaire Si Salah avait été déterminante dans l’indulgence du verdict, puis changera aussitôt de conversation, conscient d’avoir révélé un secret d’État qui pouvait nuire à sa vie et celle de ses proches. Ce n’est qu’en 1995, dans ses mémoires, qu’Hélie Denoix de Saint Marc révélera ce scandale le l’incurie gaullienne dans la gestion de la crise algérienne dont nous subissons et continuerons à subir les conséquences désastreuses…
Capitaine d’infanterie (retraité) Gilles CUINAT alias Goncourt
Image : Mémorial à Toulon dédié aux martyrs de l’Algérie française
L’article qui précède passe un peu vite sur le putsch, mais surtout sur l’attitude du corps des officiers.
Ce qui présente pourtant le maximum d’intérêt pour les patriotes d’aujourd’hui trahis au plus haut niveau de l’Etat au bénéfice des colonisés d’hier comme les partisans de l’Algérie Française le furent il y a 60 ans.
Patriotes d’aujourd’hui qui poussent parfois la naïveté jusqu’à placer leur espoir dans une intervention militaire… Espoir parfaitement illusoire, si l’on se réfère aux réactions du corps des officiers en avril 1961, comme en témoignera le Général Challe !
Les nouvelles, pourtant, n’étaient pas négatives. Nous apprenions par la radio, le 24 avril, que le Député Chérif Sid Cara et vingt-cinq Conseillers Généraux « saluaient avec ferveur l’aube d’une Algérie définitivement Française et exprimaient leur reconnaissance à l’Armée et à ses chefs dont ils se déclaraient solidaires… »
Solidaires, les Conseillers Généraux et autres civils ? C’était fort bien. Mais d’après les informations qui filtraient, nous apprenions avec stupeur que le corps des officiers, dont nous attendions tout, était quant à lui, bien loin d’être solidaire et que la plupart des colonels avaient été trop lâches pour s’engager.
« Dans les révolutions, disait Napoléon, il y deux sortes de gens, ceux qui les font et ceux qui en profitent. » Ce qui avait été vrai pour la Résistance, avec plus de profiteurs à la Libération que de combattants pendant l’Occupation. Et ce qui était vrai, vingt ans plus tard, pour le putsch, avec moins d’officiers pour y participer que de carriéristes attendant prudemment sa réussite ou son échec pour courir, comme en 1944, au secours de la victoire, de quelque bord qu’elle soit.
Il se disait même que dans certaines unités d’élite, des chefs s’étaient octroyé des temps de repos en métropole afin de laisser à leurs subalternes la responsabilité d’un choix difficile, ce qui fut notamment le cas du prestigieux 1er R.E.P. , dont celui qui en fit le fer de lance du Putsch, le commandant Denoix de Saint Marc, n’était que l’officier en second. Son chef, le lieutenant-colonel Guiraud étant « en permission » … et son honneur en perdition !
Advint alors ce qui ne pouvait qu’advenir. Après quatre journées enfiévrées, nous apprenions, le 28 avril, que n’ayant pu entraîner l’ensemble de l’armée, les putschistes avaient échoué.
Sans être sanctionnés, mais sanctionnant quant à eux la trahison gaulliste, plus d’un millier d’officiers, parmi les plus motivés, donnèrent à cette époque leur démission.
Un seuil moral venait d’être franchi. Les idéalistes étaient écartés, ouvrant des promotions inespérées aux carriéristes et adeptes de la mangeoire. L’armée ne serait plus jamais la même…
Armée – ou ce qui en restait désormais ! – sur laquelle son Commandant en Chef le Général Maurice Challe avait porté un jugement sans concession, le 25 avril 1961 à 16 heures, s’adressant au Commandant Robin, qui fut l’un des éléments les plus dynamiques du putsch :
« LE COUP ETAIT PARFAITEMENT PREPARE… J’AVAIS RECU DES PROMESSES… MAIS JE N’AI FAIT QU’UNE SEULE ERREUR D’ESTIMATION : JAMAIS JE N’AURAIS CRU QU’IL Y AIT AUTANT DE SALAUDS DANS L’ARMEE FRANCAISE «