Dans la forêt de Chaux, dans le Jura. Sur les traces de Vincent. Mais qui est Vincent ? Il est immense, majestueux, charismatique. C’est une légende vivante. Vincent est… un cerf. Mais pas n’importe lequel, sans doute le plus grand cerf d’Europe, le plus recherché en tout cas. Car il possède la paire de bois la plus impressionnante depuis des décennies.
Une quête qui recommence chaque année, début février. Des centaines de passionnés se précipitent alors sur tout le continent pour ramasser les bois que les cerfs ont perdu, ce qu’on appelle les mues.
Ce qui compte, c’est le nombre de cors, c’est à dire les « pointes ». Généralement, on parle d’une belle prise à partir de quatorze cors. Avec Vincent, on est dans le hors-norme, on tutoie le fantastique. À 6 ans, il affichait déjà 20 cors, c’est là qu’on l’a baptisé « Vin-cent ». Quatre ans plus tard, il atteignait 24 cors, de quoi en faire le Graal de tout chercheur de mues. Lorsqu’ils en parlent, les gens d’ici miment tous la même chose : ils écartent les bras au maximum et, surtout, ils utilisent tous le même mot : la bête porterait « une cathédrale » sur le crâne.
Mais pour la trouver, il faut se lever tôt. Car la forêt de Chaux, c’est un labyrinthe de 22.000 hectares, avec un chemin tous les 500 mètres. À certains endroits, le feuillage est si épais qu’il fait nuit en plein jour. « Chercher une mue, c’est comme jeter des clés de bagnole vertes au milieu d’un champ et tenter de les retrouver », dit Gilles, un habitué.
Le territoire de Vincent est grand comme 1.400 terrains de football. « Les bois peuvent tomber à la moindre secousse, n’importe où, c’est comme une dent qui bouge », explique Gilles qui perd 17 kilos en deux mois, chaque année. Car pour trouver un bois, il faut parcourir 80 kilomètres en moyenne. Et « le but du jeu », dit-il, « c’est de trouver la paire. Là, tu es un homme. Sinon, tu es juste un con ».
Avec Vincent, la quête a pris une saveur particulière. Parce que normalement, un cerf sauvage dépasse rarement les 10 ans. Ce cerf-là, il en a 17.
Chaque hiver, la quête risque de prendre fin. D’autant qu’il y a les chasseurs. Une fois, ce n’est pas passé loin : un chercheur de mues a trouvé des bois de Vincent coupés en deux côté droit. Mais à part cette escarmouche, chou blanc. Dix-sept ans que le grand cerf se joue des balles.
« C’est plus qu’un cerf, dit le photographe Olivier Trible, il a une forme d’intelligence supérieure : tu ne le vois que s’il a décidé que tu pouvais le voir. Et quand il apparaît, il irradie. »
Tous ceux qui l’ont croisé en parlent de la même façon.
Mais quand même, une bête de 210 kilos dont les bois peuvent culminer à trois mètres de haut. Comment peut-on rater ça ? La réponse, les gars du coin l’appellent « le Gros Douze ». Cette année, on ne l’a pas vu, mais c’était le page de Vincent. En théorie, un jeune mâle qui sert d’éclaireur.
Sauf que là, fait rarissime, le Gros Douze était plus gros et plus vieux. Il avait dépassé la vingtaine, il avait deux bouts d’oreille en moins et plus aucun bois depuis deux ans. Vincent et le Gros Douze, c’était le duo le plus connu de la forêt, des traces reconnaissables entre mille : l’un avait un pas de biche, l’autre de vache. « Vincent était le dandy, et l’autre le videur », dit Olivier.
Mais voilà, le Gros Douze a disparu, et Vincent est invisible. Quoique. Dans cette forêt, chacun garde ses secrets, mais Gilles finit par cracher le morceau : Vincent, il l’a vu. C’était le 8 février dernier. Il marchait depuis quatre heures. Et puis soudain, à 25 mètres environ, entre les feuillages est apparu ce que Ronsard appelait « l’animal mi-bête, mi-forêt ».
À peine le temps de s’extasier, et Vincent s’était évaporé. Coiffé de deux ramures comme des gratte-ciels. Pas encore tombées. La quête continue. Dans la forêt, un grand cerf…
Vincent mit l’âne dans un pré et s’en vint dans l’autre.
Un film de Pierre Zucca en 1976.
En primaire, j’étais ami avec son fils Jérôme …
c’est pour ça que je connais le titre du film, autrement, personne ne connaît.
à l’époque, ils avaient essayé de me faire comprendre le jeu de mots, mais j’ai eu du mal
Magnifique ! Merci pour ce trop court voyage dans le Jura