LES IMAGES sont impressionnantes, saisissantes, terrifiantes : Notre-Dame de Paris est en flammes au moment où nous écrivons ces lignes et où nous nous préparons à envoyer ce numéro à l’imprimerie. D’ores et déjà la flèche de la cathédrale s’est effondrée ainsi que le clocher central. La tour gauche a également été atteinte par un incendie dont l’ampleur gigantesque est stupéfiante et suscite bien sûr des interrogations.
Toute la charpente de Notre-Dame de Paris « est en train de brûler », a déclaré le porte-parole de la cathédrale. « Tout est en train de brûler. La charpente, qui date du 19e siècle d’un côté et du 13e de l’autre, il n’en restera plus rien », a déploré André Finot. « Il faut voir si la voûte, qui protège la cathédrale, va être touchée ou pas », a-t-il ajouté. Le feu a pris aux alentours de 18 heures 50 dans les combles de la cathédrale, monument historique le plus visité d’Europe (environ 15 millions de touristes le visitent chaque année).
L’intervention télévisée d’Emmanuel Macron qui devait annoncer des mesures et donner ses conclusions à l’issue du pseudo-grand débat national à la suite du soulèvement des gilets jaunes est reportée sine die.
Mais le chef de l’Etat a quand même tenu à s’exprimer à la télévision en fin de soirée pour déplorer l’incendie et affirmer que Notre-Dame serait rebâtie. Le président de la République a annoncé le lancement d’une souscription. C’est évidemment plus facile pour lui de briller dans ce genre d’exercice compassionnel que de répondre aux préoccupations des Français et de redresser le pays ! Les politiciens n’excellent que dans les catastrophes : accidents de la route, séisme, incendie, inondations, attentats. Car ils n’ont alors qu’à commenter, la mine défaite, les événements, tout en bénéficiant d’une publicité maximale grâce aux media audiovisuels, et n’ont pas à rendre des comptes ou à défendre un bilan. Chirac n’avait ainsi pas son pareil pour montrer sa bobine dès qu’une tragédie se déroulait : il arrivait sur les lieux presque avant même que le crime ait été commis ou que la catastrophe soit arrivée !
CE GIGANTESQUE incendie est-il d’origine criminelle ou accidentelle, thèse qui a été développée quarante minutes seulement après le début de l’incendie ? On nous répète que ce sont les travaux de réfection à l’intérieur de la cathédrale qui seraient à l’origine du feu mais pour l’heure on ne comprend ni pourquoi, ni comment. D’aucuns s’étonnent aussi que les canons à eau que nous montrent les télévisions aient été si peu nombreux et soient arrivés si tard, le président Trump a conseillé, quant à lui, de mobiliser des canadairs, façon de critiquer le fait qu’ils n’aient pas été utilisés, même si l’on nous affirme que leur emploi eût pu être dangereux.
On notera par ailleurs que ce sinistre survient moins d’un mois après l’incendie criminel de l’église Saint-Sulpice et dans un contexte national où, depuis des années, des églises brûlent à travers la France tandis que d’autres sont pillées et profanées, cela dans un effrayant silence médiatique et dans une quasi-indifférence générale ! Tandis que les media et les politiciens en faisaient des tonnes pour deux arbres coupés à la mémoire d’Ilan Halimi et quelques tags insignifiants, des dizaines d’églises étaient en même temps affreusement saccagées, souillées, profanées. De plus, des centaines d’édifices catholiques sont rasés chaque année ou sont transformés en cinéma, en lieu d’habitation, en office de tourisme, en commerce, ou laissés à l’abandon.
En septembre 2016, un attentat à la voiture piégée tout près de Notre-Dame avait été déjoué. De même, en avril 2015, un attentat contre des églises parisiennes avait été évité de justesse. Un Franco-Algérien, connu des services de renseignement pour ses « velléités de départ en Syrie » pour y rejoindre les rangs djihadistes, s’apprêtait à passer à l’action lorsqu’il a été interpellé.
Tout le monde ne pleure pas la destruction de Notre-Dame de Paris. Sur Twitter, comme on pouvait s’y attendre, des quidams se réjouissent bruyamment. Il s’agirait de la vengeance d’Allah, voire des ancêtres, à cause des supposées exactions françaises en Afrique. Une certaine Hafsa, membre du bureau national de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France), voit dans la consternation générale « un délire de petits Blancs » et clame qu’elle « se fiche de Notre-Dame » comme, d’ailleurs, de l’histoire de France. La donzelle est en réalité coutumière de l’insulte, et appelle allègrement au meurtre des Blancs, mais cela n’a jusqu’ici pas arrêté sa carrière à l’UNEF. Il aurait fallu s’attaquer à un pan spécifique de notre histoire, sans doute, pour que cette inculte gauchiste fût inquiétée. Pareillement, toujours sur les réseaux sociaux, des Béninois se sont félicités de ces images d’apocalypse : « J’espère que toute la France brûlera. Elle est l’ennemie de l’Afrique. » Ce genre de catastrophe a au moins le mérite de faire sortir du bois les ennemis de l’intérieur !
RESTE une question : pourquoi ce gigantesque incendie ? Et pourquoi maintenant ? Et pourquoi Notre-Dame qui est par excellence le symbole de la France, de l’Europe, de la chrétienté ? On ne peut s’empêcher de penser à la date. Nous sommes aujourd’hui le lundi saint, au deuxième jour de la semaine qui conduit le Christ à Sa Passion et à Sa mort sur la Croix. Tous les textes de la messe du lundi saint appellent de manière poignante et insistante à être délivrés des persécuteurs. Et comment ne pas penser que ce mois d’avril 2019 commémore les cinquante ans de la « nouvelle messe » de Paul VI “promulguée” le 3 avril 1969 et également le demi-siècle du nouveau rite invalide des consécrations épiscopales et des ordinations sacerdotales “promulgué” certes le 18 juin 1968 mais rendu obligatoire le 6 avril 1969, le dimanche de Pâques, il y a tout juste un demi-siècle ? C’est d’ailleurs pendant une synaxe de Paul VI à Notre-Dame que l’incendie s’est déclaré, le 15 avril vers 18h50, que les sirènes incendie ont retenti et que les assistants ont — heureusement — eu le temps de quitter les lieux. Voilà un demi-siècle (et même soixante ans car la révolution moderniste et toute l’entreprise de destruction ont commencé avec et sous Jean XXIII) que la véritable Eglise est occupée, occultée, éclipsée et mise au tombeau par des intrus qui imposent une fausse messe, un faux culte, de faux sacrements, une fausse doctrine, une fausse morale et qui s’acharnent à obstruer les canaux de la grâce ?
Et que dire des millions de touristes qui, pour beaucoup d’entre eux, visitent Notre-Dame avec des tenues et des comportements tout à fait indécents : en mini-shorts, en débardeurs, parfois en fumant, en avalant un sandwich ou en mâchant un chewing-gum, en s’embrassant goulûment, sans aucun respect pour le lieu saint ?
CET INCENDIE nous procure à tous une immense peine. C’est un peu une part de nous-mêmes qui s’en va en fumée. Nous avons les yeux embués de larmes et le cœur lourd. Ce feu gigantesque qui broie tout sur son passage est le symbole de la destruction totale et méthodique de notre civilisation chrétienne. Mais plus profondément c’est aussi la sanction, le châtiment de l’apostasie de toute une nation autrefois si catholique. La destruction d’un monument magnifique, vieux de huit siècles, symbole de la France chrétienne, est évidemment une tragédie nationale. Mais la perte générale de la foi est une tragédie bien plus grande encore. Le travestissement ou l’abandon de la religion catholique, du vrai culte, est la seule véritable catastrophe.
Puissions-nous, à l’orée de Pâques, comprendre qu’un peuple, qu’une nation ne peuvent survivre dans l’irréligion et l’immoralité. Et malgré la tristesse voire le désarroi qui nous accablent en ce lundi saint devant ce spectacle d’apocalypse et de chaos, pensons aux fêtes de Pâques qui approchent, où la Vie triomphe de la mort, l’espérance du désespoir, la foi du doute. Bernanos aimait à écrire que l’espérance est un désespoir surmonté. Que nos cœurs brûlent, comme ceux des pèlerins d’Emmaüs, lorsque le Christ leur parlait en chemin et leur expliquait les Ecritures ? Le Christ est ressuscité pour toujours et vit dans nos âmes, tel est bien l’essentiel.
Bonnes et saintes fêtes pascales à tous !
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Jérôme BOURBON.
Editorial du numéro 3373 de RIVAROL daté du 17 avril 2019.