LES DIFFÉRENTS INSTITUTS de sondage prédisent à l’heure actuelle une abstention record lors du premier tour de l’élection présidentielle le dimanche 10 avril. Elle pourrait, selon eux, battre des records historiques et dépasser les 30 voire les 35 %, ce qui est considérable pour l’élection-reine de la Ve République. Le précédent record date du 21 avril 2002 lorsque Jean-Marie Le Pen s’était hissé au second tour face au président sortant Jacques Chirac. L’abstention était alors de 28,40 %. Pour un second tour de présidentielle, la participation la plus faible remonte au 15 juin 1969 lorsque l’ancien Premier ministre de De Gaulle, Georges Pompidou, et le président du Sénat, Alain Poher, s’étaient affrontés au bénéfice du premier. L’abstention avait atteint 31,15 %, le candidat communiste Jacques Duclos, battu de peu au premier tour, ayant appelé ses électeurs à un retrait des urnes qui fut massivement suivi, car il refusait de choisir, selon sa célèbre formule, « entre bonnet blanc et blanc bonnet ».
Au fil des décennies, l’abstention n’a globalement cessé de s’accroître à tous les scrutins. Et plus l’on fait voter les citoyens, plus ils font la grève de l’urne, plus ils désertent l’isoloir. Comme si trop de votes tuaient le vote. Jusqu’en 1965 il n’existait pas d’élection présidentielle au suffrage universel direct. Et jusqu’en 2002 cette élection ne revenait dans le calendrier que tous les sept ans, et non tous les cinq. De sorte que l’on est désormais en campagne électorale permanente. Jusqu’en 1979 les élections européennes visant à élire des eurodéputés à Strasbourg et à Bruxelles n’existaient pas ; elles ont lieu désormais tous les cinq ans à la fin du printemps, entraînant une débauche d’argent considérable tout à fait inutile. Jusqu’en 1986 les élections régionales n’existaient pas et l’on ne s’en portait pas plus mal. Ce nouveau scrutin, lui aussi fort dispendieux, qui a rajouté un échelon administratif et une assemblée élue au suffrage universel, est source de gabegie et a créé des féodalités régionales tout à fait superfétatoires. Ce n’est pas un hasard si les principaux prétendants à l’investiture des Républicains étaient presque tous des présidents de région en exercice, Xavier Bertrand pour les Hauts-de-France et Valérie Pécresse pour l’Ile-de-France. Et Laurent Wauquiez lui-même, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a failli concourir, même s’il y a in extremis renoncé, ayant sans doute l’intuition que la “droite” parlementaire ne pourrait reconquérir l’Elysée en 2022 et préférant sans doute se réserver pour la fois d’après lorsqu’il aura au préalable fait main basse sur LR après la probable déroute de Pécresse le soir des Rameaux.
LA CAMPAGNE OFFICIELLE qui doit enfin être marquée par une stricte égalité du temps de parole entre les douze candidats officiellement en lice pour cette onzième élection présidentielle au suffrage universel direct de la Vème République a commencé ce lundi 28 mars. Dans une dizaine de jours, au soir du 10 avril, il ne restera plus que deux candidats qui se feront face, selon la tradition, quelques jours plus tard dans le fameux débat télévisé de l’entre-deux-tours qui s’est toujours tenu depuis la présidentielle de 1974 (alors entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand), sauf en mai 2002 quand Chirac s’était piteusement défilé ne voulant pas débattre avec le président du Front national au nom de son « refus de la haine ». Comme c’est commode ! De la part d’un menteur, d’un voleur et d’un tricheur comme Chirac (« votez escroc, pas facho » scandaient les millions de manifestants antifascistes lors de la quinzaine de la haine), condamné définitivement pour corruption en 2014, dans l’affaire des emplois fictifs à la mairie de Paris, Chirac regnante, cela valait son pesant de cacahuètes.
A l’heure actuelle, les sondages indiquent comme probable la réédition du duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Ce n’était pas acquis d’avance. D’autant que la benjamine de Jean-Marie Le Pen a connu des années plutôt difficiles avec un fort endettement de son parti (plus de vingt millions d’euros de dettes), un asséchement de son noyau militant (qui s’est réduit comme peau de chagrin, on parle de vingt mille adhérents environ à jour de cotisation actuellement contre quelque 70 000 il y a cinq ans), le départ d’un nombre non négligeables de cadres, d’élus et de figures du parti, de mauvais résultats aux dernières régionales et départementales de juin 2021 où non seulement aucune région ni aucun département n’a été conquis mais où de surcroît les résultats ont été inférieurs de près de dix points aux précédentes régionales et départementales de 2015. Assez étonnamment, du moins à en croire les sondages, qui peuvent certes se tromper (ils avaient ainsi accordé 7 points de plus que ce que le RN a fait au premier tour des dernières régionales : 25 % contre 18 % à l’arrivée !), Marine Le Pen ne semble pas pâtir jusque-là de ses échecs répétés, de ses multiples revirements, de ses incessants changements de pied, sur la sortie de l’euro et de l’Union européenne, sur l’abrogation du “mariage” homosexuel et de la PMA sans père, sur la retraite à soixante ans, sur la double nationalité, sur la sortie de Schengen et de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme et de la cour de justice de l’Union européenne, sur la Russie et sur Poutine. Tout semble glisser sur elle comme sur la plume du paon. Elle bénéficie sans doute de la force de son patronyme et de son inégale notoriété. Et probablement aussi de sa gouaille. En lui offrant sur un plateau le Front national, son père, bien qu’il n’en ait guère été remercié, c’est le moins qu’on puisse dire, lui a décidément fait un cadeau inestimable. Sur le plan politique, électoral, médiatique et financier.
Sans doute la guerre en Ukraine favorise-t-elle aux yeux des électeurs les candidats les plus connus et les plus anciens. En période de crise internationale aiguë, d’instabilité, de crainte de l’avenir, d’angoisse, la plupart des électeurs préfèrent probablement faire confiance à des personnalités éprouvées, qu’ils connaissent bien, ou croient bien connaître, plutôt que de se laisser aller à la nouveauté. Ce n’est certainement pas un hasard si les candidats qui recueillent actuellement le plus de suffrages, à en croire les enquêtes d’opinion, sont dans l’ordre Macron, Le Pen et Mélenchon. Ce sont en effet les trois personnalités de loin les plus connues parmi les douze candidats officiellement en lice. Les électeurs doivent se dire, selon l’adage, que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Les crises internationales ne favorisent pas la propension à l’aventure, à la nouveauté, au risque. C’est pourquoi hélas Macron est l’incontestable favori à sa réélection. Même si l’on ne peut jamais jurer de rien, et que les surprises existent, il sera certainement très difficile d’aller le déloger, d’autant plus qu’il bénéficie, semble-t-il, de l’appui massif des seniors qui, eux, contrairement à d’autres catégories de la population, votent massivement et consciencieusement.
CELA DIT, ne nous le cachons pas, ces élections pour lesquelles tant de personnes s’excitent, espèrent et se passionnent, y compris dans le camp dit national, comme tous les cinq ans, pour à l’arrivée une semblable déconvenue, une énième gueule de bois, ne changeront probablement rien. Ou, si changement il y a, ce ne sera certainement pas pour un mieux. Ce qui pourrait en revanche apporter demain ou après-demain des bouleversements très importants, c’est la grave crise alimentaire qui se profile à moyen terme avec la guerre en Ukraine, pays qui est traditionnellement le grenier à blé de l’Europe. On sait d’ailleurs ce qui s’est passé au moment de l’Holodomor et de la mort par famine organisée sous Staline de sept millions de paysans ukrainiens. Or, aussi étonnant que cela puisse paraître dans une société occidentale marquée actuellement par la surabondance et le gaspillage des denrées alimentaires, nous pourrions, à plus ou moins longue échéance, connaître de fortes restrictions alimentaires qui pourraient même, ici ou là, dans le pire des cas, aller jusqu’à la famine. On n’a pas suffisamment évoqué les propos assez catastrophistes de Macron lors du dernier Conseil européen, les 24 et 25 mars, évoquant une prochaine crise alimentaire d’une gravité sans précédent. Et c’est peut-être au final ce que cache et ce sur quoi pourrait déboucher à plus ou moins long terme le conflit en Ukraine s’il dure, s’intensifie, s’aggrave voire s’étend : une rupture des stocks et de l’approvisionnement, une famine partielle ou totale sur tout ou partie du Vieux Continent. A première vue, cela paraît certes impensable, inimaginable, incroyable. Cela s’assimile au scénario cauchemardesque d’une dystopie. Et pourtant, qui eût imaginé il y a ne serait-ce que trois ans ce que nous avons vécu en Occident, et au-delà, avec le Covid et la tyrannie sanitaire depuis mars 2020 ?
On a le sentiment qu’un narratif a succédé à un autre et qu’on prépare peu à peu les peuples à d’autres restrictions, d’autres catastrophes, d’autres pénuries, d’autres sacrifices, probablement plus lourds, plus violents encore que ce qui a été mis en place jusque-là. En utilisant comme toujours la peur. En procédant aux manipulations de masse. En fabriquant artificiellement, grâce à la toute-puissance des grands media audiovisuels, le consentement de l’opinion à des mesures de destruction des libertés et d’affaissement du niveau de vie. On peut appauvrir, précariser voire affamer les peuples de deux manières : en augmentant considérablement le prix de l’essence, du gaz, de l’électricité, du blé et des produits qui en sont dérivés, ou (et l’un n’est pas exclusif de l’autre) en réduisant fortement l’offre alimentaire et énergétique. Et c’est bien ce qui pourrait nous pendre au nez à plus ou moins long terme. Notre ami, feu Petrus Agricola (1941-2020), qui tint si longtemps avec brio la rubrique agricole dans RIVAROL, répétait sans cesse de son vivant, avec angoisse, au vu de l’évolution de la situation, au vu de notre folle dépendance alimentaire et énergétique (alors que nous avions les moyens d’être autosuffisants si nous avions mené depuis des décennies des politiques conformes à la prudence et à l’intérêt général), que, tôt ou tard, tout cela finirait hélas en famine, notre monde étant un colosse aux pieds d’argile qui a tourné le dos à tout bon sens paysan et à toute prévoyance. Et là il ne sera plus temps de savoir qui de Macron, de Marion, de Zemmour, de Pécresse, de Le Pen ou de Mélenchon décrochera la timbale, mais il s’agira alors tout simplement d’essayer de survivre, tant bien que mal, avec les siens, dans ce qui risquerait alors de s’apparenter à la loi de la jungle. On ne le répétera jamais assez, l’histoire est le théâtre de l’imprévu.
Rivarol
Source : Éditorial de Rivarol
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Bonjour
Il semble que vous ayez laissé passer une « coquille » en parlant du 21 avril 2022 concernant JM Le Pen…
Amicalement…
C’est une coquille dans Rivarol au départ. Mais c’est corrigé pour ce qui nous concerne.
Merci !