Médiapart révèle la liste de 10 sénateurs de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) soupçonnés d’avoir détourné près de 200 000 euros d’argent public, dans une affaire plus vaste encore concernant 400 000 euros.
La justice a ouvert en mai 2014 une enquête pour détournement de fonds publics, abus de confiance et blanchiment. Les juges accusent une fraternité de sénateurs UMP d’avoir volé l’argent du contribuable en finançant deux fausses associations parlementaires puis en récupérant dans les caisses de celles-ci l’argent, ainsi qu’en puisant directement dans la caisse du groupe UMP au Sénat.
Union républicaine des corrompus
Le nom de la première association est exemplaire : l’Union républicaine du Sénat (URS). Dans ses statuts, elle proclame être un « lieu de réflexion et débats politiques, dans le respect des sensibilités de chacun de ses membres » et avoir pour vocation de « défendre les institutions républicaines ». Il est facile de comprendre pourquoi des corrompus veulent défendre le système corrompu qui les couvre depuis des décennies. La seconde association est un prétendu Cercle de réflexion et d’études sur les problèmes internationaux (CRESPI).
Selon Médiapart, sont mis en cause directement, et doivent prochainement être auditionnés dans cette affaire :
-Joël Bourdin, sénateur jusqu’en 2014, membre de la commission interne chargée de contrôler les comptes du Sénat (!), accusé d’avoir pillé 4 000 euros ;
-Jean-Claude Carle, sénateur de Haute-Savoie, vice-président du sénat et trésorier du groupe UMP, accusé d’avoir escroqué 4 200 euros ;
-Gérard Dériot, sénateur d’Auvergne, élu ce 2 avril président du conseil départemental de l’Allier, accusé du détournement de 2 000 euros ;
-Roland Du Luart, vice-président de la commission des finances, accusé d’avoir volé 27 000 euros ;
-Hubert Falco, franc-maçon, sénateur-maire de Toulon, ancien candidat sur une liste communiste, ancien sous-ministre de Sárközy, accusé d’avoir spolié 12 400 euros ;
-René Garrec, sénateur du Calvados, centriste et membre du Comité de déontologie parlementaire du Sénat (!) accusé du vol de 12 000 euros. Il possède « un pied à terre » en Irlande ;
-Jean-Claude Gaudin, le très centriste sénateur-maire de Marseille, président du groupe UMP au Sénat, accusé d’avoir détourné 24 000 euros ;
-Gisèle Gautier, sénatrice venue de l’UDF jusqu’en 2011, présidente alors de la Délégation aux droits des femmes, accusés de l’extorsion de 12 000 euros ;
-Gérard Longuet, sénateur de la Meuse, ancien ministre, ancien vice-président de l’UMP, ancien président du groupe UMP, accusé du racket de 2 000 euros ;
-Ladislas Poniatowski, sénateur de Haute-Normandie, accusé d’avoir rançonné 4 000 euros.
Les corrompus présumés ont mis en place plusieurs systèmes de défense. Certains ont refusé de répondre aux journalistes. Les autres évoquent un « complément d’indemnités » (sic) (Hubert Falco), une « vieille dette de l’UDF à [son] égard » (Joël Bourdin) ou le financement de « [sa] permanence » (Gérard Deriot), comme si une seule de ces excuses justifiait la mise en place d’un système de détournement d’argent public.
De l’argent distribué directement par le groupe UMP
Outre l’URS et le CREPSI, l’argent volé aux Français par les sénateurs l’a également été, selon Médiapart, directement via le groupe UMP du Sénat. Un exemple parmi de nombreux autres : l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin a ainsi pu récupérer un chèque de 2 000 euros sans justification. Le trésorier du groupe, qui serait une pièce essentielle du système de corruption, explique qu’il s’agit de défraiement,s mais qu’ils n’étaient « pas toujours remboursés sur facture » (sic), que certaines sommes étaient versés « en fonction de l’ancienneté, de l’implication… ».
Après l’éclatement de l’affaire, le bureau du Sénat avait déclaré que « les aides financières qui sont consenties par le Sénat seront désormais exclusivement destinées aux dépenses nécessaires à l’activité des groupes, ainsi qu’à la rémunération de leurs collaborateurs », reconnaissant implicitement que jusqu’ici les sénateurs pouvaient voler en toute impunité sans le moindre contrôle.
Rappelons que les sénateurs, cette autre avant-garde de la République, sont payés, pour ceux qui n’exercent aucune autre fonction, qui n’ont aucune responsabilité ni au Sénat, ni dans des multinationales et ne possèdent pas d’autres fonctions électives, 13 512 euros. C’est plus de neuf fois le salaire d’un employé au SMIC. Le président du Sénat, lui, touche près de 15 fois le salaire d’un ouvrier.
Outre ces revenus déjà très élevés, ils disposent d’une enveloppe budgétaire de rémunération de 7 548 euros pour un à trois collaborateurs, généralement des proches, parfois des membres de la famille directe, des activistes de partis du système ou des fils d’amis dirigeants de loge.
Ils possèdent également d’innombrables avantages en nature, comme l’accès gratuit et total au réseau SNCF en 1re classe, ainsi qu’aux taxis à Paris, de quarante allers-retours en avion entre Paris et leur circonscription, de prêts immobiliers à des taux très inférieurs au marché et pour des sommes conséquentes. Les sénateurs peuvent toucher dès 60 ans leur retraite : 4 442 euros net par mois, quand de nombreux Français ayant travaillé plus de 40 ans n’ont pas 1 000 euros par mois pour vivre.