Scène surréaliste que celle dont le Palais-Bourbon a été le théâtre le 19 octobre : Jean-Luc Mélenchon, prétendue cible d’un soi-disant attentat bidon d’extrême droite, a eu droit de la part des députés à une standing ovation comme s’il était un héros et un martyr de la démocratie face au totalitarisme. Le chef de la France insoumise, désireux de pousser son avantage et qui n’aime rien tant que faire parler de lui, s’est même fendu d’une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur, au préfet de police et au maire de Marseille dans laquelle il demande solennellement la fermeture du local de l’Action française dans la cité phocéenne, au motif que l’auteur présumé d’un très hypothétique projet d’attentat aux contours très flous, un certain Logan N., avait milité à l’Action française de Marseille pendant quelque dix-huit mois avant, semble-t-il, de se rapprocher du Front national dont il fut un des assesseurs aux législatives de juin 2017 à Vitrolles mais sans prendre la carte du parti.
Evoquant de manière grandiloquente et grotesque « le niveau de dangerosité et la détermination de ces groupuscules violents à l’idéologie antirépublicaine, l’urgence et la dangerosité de la situation » alors même que la police parle ouvertement « d’une bande de braques, de pieds nickelés » et que le ministère de l’Intérieur, Gérard Collomb, reconnaît lui-même, à propos de Logan N. et de sa dizaine de complices supposés, que « ce n’est pas la bande la plus sérieuse » à laquelle la police a eu à faire face, Mélenchon appelle à une répression injustifiée contre une mouvance qu’il déteste : « La République ne doit pas laisser impunis ceux qui l’attaquent. » L’ancien sénateur socialiste se garde bien de dénoncer pareillement les agissements des antifas qui, eux, commettent des violences qui ne sont pas virtuelles. Jean-Marie Le Pen a eu bien raison de tweeter avec son bon sens habituel : « L’hommage grotesque rendu par l’Assemblée nationale à Mélenchon, soi-disant cible d’un attentat bidon, est un des signes de notre décadence. »
Oui, en effet, tout cela est grotesque quand on sait que cette affaire ne repose sur rien de tangible. Contrairement à ce qui avait été clamé au départ, où l’on évoquait un projet d’attentat très sérieux contre Mélenchon et Castaner, le porte-parole du gouvernement, les enquêteurs ont bien été obligés de convenir qu’aucun projet précis n’était en préparation, qu’aucune personne n’était visée et ciblée de manière explicite et crédible, que la petite dizaine de personnes qui ont été mises en examen le 21 octobre au soir pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle » étaient un conglomérat de bras cassés, de pieds nickelés, très actives certes en paroles et sur Facebook mais très vraisemblablement incapables de passer à l’action, et singulièrement à l’action terroriste.
Ce n’est pas parce que Logan N., un jeune homme perturbé de 21 ans, vivant avec sa mère à Vitrolles dans une cité connue pour sa très forte population immigrée, et qui est depuis juillet incarcéré à la maison d’arrêt d’Osny, faisait l’éloge sur Facebook du tueur norvégien Anders Breivik qu’il était capable de préparer et de réaliser un attentat terroriste. Comme dit l’adage : « grand diseur, petit faiseur ». Que la police du régime applique le principe de précaution et surveille tous ceux qui appellent à la lutte armée ou glorifient sans réserve des terroristes, cela se conçoit mais, de grâce, que l’on ne nous raconte pas n’importe quoi.
QUE DISENT en effet les enquêteurs à l’issue des interrogatoires de cette dizaine de jeunes gens et après investigations ? « Ils avaient commencé à se distribuer les rôles, certains étant notamment chargés de la propagande, d’autres de constituer des larcins pour financer l’organisation. Mais en aucun cas, une date précise de passage à l’acte ou une cible n’avaient été arrêtées. D’autres rôles étaient attribués comme «militants» ou «responsable du sport. » Vous avez bien lu : aucune date de passage à l’acte, aucune cible arrêtée.
Toute l’agitation autour de cette affaire est donc ridicule. Il s’agit de jeunes gens fragiles, qui s’amusaient à se faire peur et à jouer à la guerre via les réseaux sociaux. Lorsque l’on veut commettre un attentat, on doit agir dans le plus grand secret. On ne va pas s’en vanter sur Facebook. Tout cela est parfaitement risible. Un policier se montre d’ailleurs ironique quant au but de leur pseudo-entreprise criminelle : « Ce sont surtout des “branques”, gravitant autour d’un idolâtre de Breivik. Ce n’est certes pas une affaire de “loup solitaire” mais ce n’est pas à mettre sur le même plan qu’une structure djihadiste. » Aucun de ces individus n’était d’ailleurs considéré comme une « cible prioritaire ou dangereuse » ajoutent les policiers chargés du dossier.
Pour s’en convaincre, il suffit de résumer leurs actions d’éclat. Qu’avaient-ils réussi à faire jusque-là de concret ? A peu près rien. Le 21 juin, trois membres du groupe informel de Logan N. auraient “emprunté” le véhicule d’une de leurs connaissances dans les Bouches-du-Rhône, sans son accord, dans le but de « racketter des chefs d’entreprises » et d’« acheter des armes ». En vain manifestement puisque les perquisitions effectuées ces derniers jours à leurs domiciles n’ont permis la découverte que d’un très maigre arsenal : des armes longues détenues légalement et « deux pistolets à poudre noir » de collection. « Certaines armes appartenaient à leurs parents », raille une source policière. Voilà en effet de dangereux terroristes qui justifient vraiment l’hommage unanime rendu à Mélenchon par la représentation nationale !
Décrits comme “immatures”, les suspects mis en examen n’ont pas été jugés spécialement dangereux par la police. Logan N., présenté comme le chef du groupe, comme le plus convaincu et le plus radicalisé, selon l’expression aujourd’hui consacrée, a été entendu il y a quelques jours par le juge d’instruction chargé de l’affaire. Logan N. a assuré que ses propos relevaient davantage de la “provocation” et qu’en aucun cas, il n’avait « la volonté et les moyens d’aller jusqu’au bout ». Ce qui semble une évidence pour les enquêteurs qui savent faire la différence entre des pieds nickelés s’excitant sur les réseaux sociaux pour remplir le vide de leurs existences et des terroristes entraînés, motivés, organisés et fanatisés. Et puis disons-le franchement si l’extrême droite française était capable de commettre des attentats sanglants, cela se saurait ! Or, depuis l’OAS et la fin de la guerre d’Algérie, elle n’a jamais été à même de mener des actions violentes de grande ampleur. De Maxime Brunerie qui se vantait d’aller tuer Jacques Chirac le 14 juillet 2002 et qui n’a fait que tirer en l’air bien loin du cortège présidentiel (cela lui a quand même valu dix ans de prison ferme, preuve que le jury d’assise se faisait une haute idée de Chirac !) jusqu’à ce Logan N. et ses comparses, on n’a affaire qu’à des jeunes gens fragilisés psychologiquement, immatures, farauds et mal dans leur peau mais totalement incapables de mener jusqu’à son terme quelque attentat sanglant que ce soit. Mais qu’importe, quand il s’agit de diaboliser et de réprimer la maudite extrême droite dans son ensemble, y compris des mouvements pourtant très légalistes et fort modérés qui n’ont strictement rien à avoir avec les pseudo-projets d’attentat, l’occasion est trop belle pour que les grands media et les politiciens résistent à la tentation.
Éditorial de Rivarol n° 3302 du 25/10/2017
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