DIX-SEPT ANS après une précédente expérience désastreuse, l’Autriche se dote à nouveau d’un gouvernement de coalition entre les chrétiens-démocrates de l’ÖVP et les populistes du FPÖ. Si la première tentative avait suscité une levée de boucliers dans les chancelleries européennes au point que le pays avait été temporairement en quarantaine au sein de l’Union européenne et avait subi des sanctions, on n’assiste à rien de tel aujourd’hui. Alors que le nouveau gouvernement autrichien prêtait serment le lundi 18 décembre à Vienne, quelques milliers de personnes seulement battaient le pavé en signe de protestation, rassemblées derrière des banderoles proclamant « les Nazis dehors » ou « Mort au fascisme ». Les dépêches le reconnaissent ouvertement : « Les partenaires de l’Autriche, rassérénés par le cap pro-européen que s’est engagé à maintenir l’exécutif, ne semblent pas bouleversés par l’événement. » À partir du moment où l’on reste dans le cadre de l’Union européenne, que l’on en respecte les règles, les mots d’ordre, les tabous et la philosophie, l’on est agréé. On a droit au tampon du politiquement correct. Le commissaire européen Pierre Moscovici reconnaît lui-même que « la situation est sans doute différente par rapport au précédent de l’an 2000 », même s’il ajoute, en guise d’avertissement « la présence de l’extrême droite au pouvoir n’est jamais anodine ! »
L’époque est au rajeunissement du personnel politique puisque, après l’accession à la présidence de la République le 7 mai dernier d’Emmanuel Macron à 39 ans, le conservateur Sebastian Kurz devient chancelier d’Autriche et le plus jeune dirigeant du monde, huit mois après avoir pris les commandes du parti chrétien-démocrate (ÖVP) qu’il a conduit à la victoire lors des législatives d’octobre en adoptant, comme Wauquiez en France, un discours populiste et anti-immigrationniste qui a contenu la poussée des populistes du FPÖ. Mais comme Wauquiez qui a été ministre des Affaires européennes sous Sarkozy, le juvénile Sebastian Kurz n’est pas un novice en politique puisqu’il était ministre des Affaires étrangères du précédent gouvernement de coalition entre les sociaux-démocrates du SPÖ et les chrétiens-démocrates de l’ÖVP. Comme Wauquiez qui a fait sa carrière auprès du très européiste Jacques Barrot, Sébastian Kurz est un sectateur de l’Union européenne qui a déjà obtenu de ses partenaires populistes que la question de la sortie de l’Autriche de l’UE ne soit pas posée.
LE CHEF de l’État, Alexander Van der Bellen, un écologiste de gauche, a investi le 18 décembre le nouveau gouvernement de treize ministres, avec six postes-clés occupés par la formation populiste (FPÖ), en fixant des lignes rouges, ce qui est logique pour un immigrationniste convaincu. Il a notamment appelé la coalition de Sebastian Kurz à « respecter l’histoire autrichienne […] ses pages positives comme ses pages sombres », autrement dit à maintenir la législation anti-révisionniste draconienne qui punit de dix ans de prison ferme la contestation ou la minimisation de la Shoah. C’est la législation la plus répressive au monde dans ce domaine, et on peut être sûr que la coalition FPÖ-ÖVP ne touchera pas à cette loi liberticide, soucieuse de donner des gages comme l’avait déjà fait le premier gouvernement Schüssel-FPÖ en 2000 qui en avait rajouté dans l’anti-nazisme primaire plus d’un demi-siècle après son écrasement.
Le président autrichien, en conformité avec son idéologie gauchiste et cosmopolite, a exhorté le nouveau gouvernement à « respecter les droits des minorités et ceux qui pensent différemment ». Ce qui est une façon de couper l’herbe sous le pied de la nouvelle équipe dirigeante en voulant la contraindre à accepter des migrants et à renoncer à toute politique d’arrêt de l’immigration. Notons d’ailleurs à cet égard que les différents partis populistes européens acceptent dans les faits l’invasion de leurs pays, s’y résignent puisque dans leur programme il n’est plus jamais question de réémigration, d’inversion des flux migratoires, de retour au pays, ce qui n’était pas le cas il y a quelques décennies. Plus la submersion grossit, plus la volonté d’inverser le courant des flux migratoires et de redevenir maîtres chez soi faiblit, ce qui est un signe des temps particulièrement préoccupant. Rappelons-nous des affiches présidentielles de Jean-Marie Le Pen en 1995 où était promis le retour au pays de trois millions d’immigrés sur le septennat. Le poids électoral des immigrés naturalisés est tel aujourd’hui qu’aucun mouvement populiste n’ose proposer une politique de réémigration. Ils ne sont même pas partisans aujourd’hui d’une immigration zéro mais seulement d’une limitation des entrées, d’une instauration de quotas, même restrictifs. Même le RPR à Villepinte en 1990 était plus exigeant dans son discours officiel, promettant l’immigration zéro. En une trentaine d’années, on mesure à quel point on a reculé. Faut-il que les convictions soient faibles et la puissance de feu des media et des lobbies très forte pour que l’on obtienne si facilement le renoncement de tant de chefs populistes ? Imagine-t-on Charles Martel négocier avec les envahisseurs, en accepter même une partie sur le sol national ?
QUE PEUT-ON attendre du nouveau gouvernement autrichien ? Le FPÖ, arrivé troisième des élections, décroche trois ministères régaliens — Intérieur, Défense, Affaires étrangères — et un portefeuille de vice-chancelier pour son chef, Heinz-Christian Strache, 48 ans. Ce n’est toutefois pas une garantie puisque le FPÖ avait déjà obtenu la moitié des postes de ministres en 2000 dans le gouvernement dirigé alors par Wolfgang Schüssel. Le parti était sorti exsangue de cette expérience catastrophique qui avait débouché sur une scission, Haider, le chef historique du FPÖ, créant alors son propre parti, encore plus modéré.
Les autres partis populistes européens, aussi tièdes, faisandés et cashérisés que le FPÖ, ont salué cette coalition. « Il ne reste qu’à applaudir le fait qu’une fois de plus, en Autriche aujourd’hui, un parti membre de notre groupe au Parlement européen soit pris au sérieux au point d’avoir sa chance au sein du gouvernement », s’est réjoui Geert Wilders, le chef du Parti néerlandais pour la liberté, connu pour son sionisme intempestif et ses positions libertaires sur le plan moral. Marine Le Pen n’a pas fait non plus dans la demi-mesure, saluant un « événement véritablement historique ». Selon elle, « d’autres suivront, car dans un certain nombre de pays la résistance à l’Union européenne s’organise ». Où voit-elle dans ce gouvernement qui a déclaré sa flamme européiste dès son intronisation et qui s’est engagé à ne jamais organiser un référendum sur la sortie de l’UE, une quelconque résistance à l’Union européenne ? « Je pense, a ajouté la présidente du FN, que les élections européennes peuvent apporter un véritable bouleversement de la donne politique en Europe et même permettre à ceux qui s’opposent à l’Union européenne et qui sont des défenseurs de l’Europe des nations et des libertés d’être majoritaires dans le cadre de la future assemblée ». Ce ne sont là que des billevesées. Non seulement parce que le Parlement européen n’a qu’un pouvoir très limité, bien moindre que celui des commissaires bruxellois, mais aussi parce que tous ces partis populistes ont entériné le principe de l’appartenance à l’Union européenne. Comme ils ont accepté quasiment tous les mots d’ordre et les tabous du Système cosmopolite oppresseur et destructeur.
PENDANT QUE l’Autriche se dote d’une nouvelle coalition, la France reste macronisée. Le président de la République, qui remonte dans les enquêtes d’opinion, ne manque pas d’habileté. Ayant été plus de deux ans secrétaire général adjoint de l’Elysée sous François Hollande, il a pu beaucoup apprendre, se rendre compte notamment des failles, des limites et des erreurs du chef de l’Etat de l’époque et en tirer les leçons. Macron n’est ni le président normal que voulait être Hollande, ni le président bling-bling qu’était Sarkozy. Comme ses prédécesseurs il poursuit et amplifie la révolution mondialiste, promeut l’inversion des valeurs, la modernité décadente et destructrice des identités mais il le fait très habilement, fort intelligemment, sans avoir l’air d’y toucher, en redonnant un certain lustre à la fonction, en brossant les auditoires dans le sens du poil, en jouant de son physique de jeune premier et de gendre idéal, en se montrant souriant et détendu, en allant à la rencontre de ses contradicteurs, en réconciliant les bourgeoisies de droite et de gauche avec la quasi-suppression de l’ISF, en nommant Jean-Pierre Blanquer à l’Education nationale qui a pris un décret pour interdire l’écriture inclusive à l’école. Il brouille les repères entre la droite et la gauche parlementaires au point que tous les partis sont affaiblis et déboussolés, du PS au FN, et que certains électeurs ayant toujours voté à droite ont avoué être séduits par l’homme, son style, et certaines de ses premières décisions.
Et pourtant Macron est par excellence l’homme-lige du système cosmopolite. Il n’est que de voir son récent discours à la Sorbonne faisant l’apologie de l’Union européenne et d’une souveraineté européenne qui défait, déconstruit la nation française. Il est l’homme qui autorisera toutes les transgressions morales (n’oublions pas que l’un de ses plus actifs soutiens fut Pierre Bergé), le gouvernement s’apprête à ouvrir la PMA aux lesbiennes, et nul doute qu’il légalisera, d’une manière ou d’une autre, l’euthanasie dont Jacques Attali, le mentor de Macron, est depuis toujours un ardent défenseur. De plus, Macron poursuivra la politique immigrationniste de ses prédécesseurs. Et la police de la pensée se renforcera encore sous la présidence de ce sémillant quadragénaire. Dernier exemple en date, la brutale disparition des pages Facebook d’Egalité et Réconciliation et d’Alain Soral, mesure dont la LICRA s’est publiquement félicitée sur son site Twitter. Sous Macron Ier il ne fait pas bon être judéocritique et dénoncer haut et fort « l’influence puissante et nocive » d’un certain lobby. Si les partis politiques ont été tourneboulés par la victoire de Macron, qui a trop longtemps été sous-estimé (il ne faut jamais mépriser un adversaire, c’est une grave erreur, ce fut celle de Marine Le Pen dans son pathétique débat le 3 mai dernier), le Système cosmopolite, lui, est plus puissant que jamais sous cette présidence.
Éditorial de Rivarol n°3310 du 20/12/2017
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