« Méfiez-vous des hommes qui accumulent des livres », semble dire cet article qui par ailleurs a le mérite – bien involontaire – de montrer que les chercheurs Américains se sont très tard et très peu intéressé aux archives de guerre saisies en Allemagne : mais alors, d’où provenaient les documents présentés au procès de Nuremberg ? Du service de guerre psychologique (PWD) dirigé par le Sefton Delmer du Political Warfare Executive, peut-être ?
Nos lectures en disent long sur notre personnalité. Ce qui subsiste de la bibliothèque personnelle d’Hitler – largement ignorée – révèle un intérêt profond mais éclectique pour la religion et la théologie.
La collection des livres rares de la bibliothèque du Congrès abrite plus de 800 000 volumes. On y trouve les bibliothèques personnelles de Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et Woodrow Wilson, on y trouve aussi les vestiges de la librairie personnelle d’Hitler, un homme qu’on ne soupçonnerait pas être un si grand lecteur.
Les livres qui constituaient la bibliothèque d’Hitler ont été retrouvés dans une mine de sel proche de Berchtesgaden – entassés pêle-mêle dans des caisses de schnaps qui portaient l’adresse de la chancellerie du Reich – par des soldats de la 101e aéroportée au printemps 1945. Après une minutieuse évaluation préalable au « point de collecte » de l’US army à Munich, les livres, au nombre de 3 000, étaient expédiés aux États-Unis et transférés en janvier 1952 à la bibliothèque du Congrès où un stagiaire fût chargé déballer la collection.
Le stagiaire, explique David Moore, responsable des acquisitions allemandes de la Library of Congress a fait un tri à la hache : « Si un livre n’était pas sûr à cent pour cent, s’il n’y avait pas d’ex-libris ou de dédicace au Führer, il ne le retenait pas ». Selon Moore, les exemplaires en double ont été aiguillés vers le service des échanges et des dons, et de là, soit sont passés dans d’autres bibliothèques, soit ont été écoulés sur le marché, les exemplaires qui n’étaient pas en double mais qui ne pouvaient pas être pleinement authentifiés, ont été engloutis dans la collection générale de la bibliothèque du Congrès.
Les 1 200 volumes qui ont survécu à l’élagage, ont rejoint la collection des livres rares au troisième étage du Jefferson Building où ils étaient sommairement signalés par un simple écriteau en carton suspendu à un tuyau du plafond sur lequel on lisait « Bibliothèque d’Hitler, uniquement dans ce rayon, merci de remettre les livres à leur place ». La pancarte a depuis été retirée et les livres ont été déplacés à plusieurs reprises, la collection pudiquement rebaptisée « Collection du Troisième Reich ». On pouvait emprunter les livres, pas plus de cinq en même temps, à l’accueil de la salle de lecture des livres rares.
Lorsque je suis allé voir la collection pour la première fois, en avril 2001, moins de la moitié des 1 200 livres étaient dûment répertoriés par une référence de la bibliothèque du Congrès et 200 seulement étaient inscrits sur son catalogue en ligne, les mille titres restants étaient répertoriés par ordre alphabétique d’auteur, à l’ancienne, sur des fiches cartonnées jaunies rangées dans les tiroirs d’une commode en bois, nombre de titre portaient encore le numéro provisoire d’identification qui leur avait été affecté au début des années cinquante.
Jerry Wager, le directeur de la salle de lecture des livres rares, me disait à l’époque que « s’occuper de cette collection n’avait pas été d’une grande priorité pour nous ». Il ajoutait que les livres avaient de nouveau été déplacés récemment : « nous déménageons régulièrement les livres pour faire de la place aux dernières acquisitions ». Homme distingué, la cinquantaine, la barbe impeccablement entretenue, Wagner était la discrétion personnifiée. Lorsque je lui ai demandé l’emplacement de la collection d’Hitler, il a répondu que « pour des raison de sécurité, nous n’indiquions pas au plafond où sont situées les collections ». Il se méfiait également des universitaires qui étaient déjà venus, faisant doucement remarquer que les livres n’étaient demandés que quelques fois dans l’année, et en général par des gens qui recherchaient des titres spécifiques et non des gens qui voulaient étudier la collection dans son ensemble.
Comment se faisait-il qu’avec les centaines de biographies parues d’Hitler, il n’y ait pas eu plus de chercheurs à consulter la collection du Troisième Reich ? On n’en trouve pas la moindre trace même chez les biographes les plus en vue, ni chez Alan Bullock, ni chez John Toland, ni chez Joachim Fest. Ian Kershaw dont la récente biographie en deux volumes d’Hitler a reçu une renommée internationale, m’a dit à l’été 2001, qu’il s’était rendu sur place voir la bibliothèque d’Hitler, c’était au début des années 90, mais « n’avait pas jugé opportun de parcourir aucun de ses ouvrages et ne souvenait pas avoir fait la moindre mention de son existence dans sa biographie ». Rétrospectivement, il admettait qu’il aurait au moins dû la signaler en bas de page.
La négligence des chercheurs s’explique en grande partie par un a priori selon lequel l’importance historique ou biographique de la bibliothèque serait limitée. « Des vérifications ponctuelles n’ont pas donné grand-chose en termes d’annotation, d’autographe ou de quoi que ce soit d’autre qui aurait pu présenter un intérêt » pouvait-on lire en conclusion d’un rapport interne de la Bibliothèque du Congrès de janvier 1952. « En fait, on a l’impression que la plupart des livres n’ont même jamais été feuilleté par leur propriétaire » confirme Gerhard Weinberg, un expert de premier plan de la période nazie et premier chercheur à s’intéresser à la bibliothèque. « Je venais d’avoir mon doctorat, et c’était mon premier travail après les études », me disait récemment Weinberg. « Je devais rassembler des informations pour un guide des documents de guerre allemands saisis. Les livres étaient fraîchement déballés et je me demandais ce que j’allais y trouver ». À la grande déception de Weinberg la bibliothèque d’Hitler semblait surtout consister en exemplaires promotionnels envoyés par les auteurs ou les éditeurs. « Pour nombre de ces ouvrages, il y avait peu d’éléments pour affirmer qu’ils faisaient réellement partie de sa bibliothèque personnelle, et encore moins d’indications qu’il les avait lu », disait Weinberg.
En 2000, Philipp Gassert et Daniel Mattern parvenaient à peu près à la même conclusion. À partir de 1995, Gassert, maître-assistant en histoire à l’université d’Heidelberg et Mattern, rédacteur en chef à l’Institut d’Histoire allemande de Washington, ont systématiquement passé au crible chaque ouvrage de la collection et au printemps 2001, les résultats de leurs recherches paraissaient aux Éditions Greenwood Press sous le titre The Hitler Library, toute une bibliographie de 550 pages qui classait chaque livre par ordre alphabétique avec le nom de l’auteur, le nombre de pages et le numéro de référence. L’ouvrage comprenait aussi la transcription des dédicaces manuscrites, quelques brèves descriptions des annotations, et l’indication des livres contenant l’ex-libris du Führer – un aigle, un svastika, et des feuilles de chêne placées entre les mots EX-LIBRIS et ADOLF HITLER. The Hitler Library était la première carte complète de la collection, mais parfois, elle induisait le lecteur en erreur.
Le plus gênant, c’était l’omission de certaines annotations. Dans un cas, Mattern et Gassert remarquent, à juste titre, que la bibliothèque contient deux exemplaires identiques des Écrits allemands de Paul de Lagarde, mais ils ne font pas mention des annotations présentes dans l’un des exemplaires alors que cinquante-huit de ses pages sont griffonnées au crayon, la première étant la page 16 et la dernière, la page 370. Étant donné que Lagarde appartenait à un cercle de théoriciens nationalistes allemands du XIXe siècle dont on pense qu’il a eu une influence décisive sur la formation de l’antisémitisme d’Hitler, ces passages commentés étaient évidemment à signaler.
Dans un essai intitulé Les tâches actuelles de la politique allemande (Aufgaben der deutschen Politik), Lagarde prophétisait la venue « d’un homme providentiel capable d’unifier les Allemands et qui appellerait à la réinstallation des Juifs de Pologne et d’Autriche en Palestine ». Cette dernière phrase était soulignée et signalée en marge par deux traits gras verticaux.
[FG : dans l’article en anglais, antisémitisme est orthographié anti-Semitism, ce qui n’est plus admis aujourd’hui, voir ici]
L’écriture saccadée d’Hitler est parfois reconnaissable en mage des pages. Dans la plupart des cas, cependant, les annotations se limitent à de simples balises dont la paternité commune est suggérée par un fort double trait vertical à la marge et un double ou triple soulignement du texte, toujours en crayon. J’ai retrouvé de telles marques aussi bien à la bibliothèque du Congrès que dans une cache de 80 livres d’Hitler de la Brown University. Les manuscrits des discours d’Hitler conservés dans les archives fédérales d’Allemagne montrent un soulignement sur le même modèle. Dans l’une de ses diatribes antisémites, Hitler avait tracé trois lignes sous les mots Klassenkampf (lutte des classes), Weltherrschaft (domination mondiale), et Der Jude als Diktator (les Juifs en tant que dictateurs), on l’entendrait presque scander son discours de ses accents enfiévrés.
L’habitude d’Hitler de mettre en évidence les passages et les concepts clés correspond à sa théorie de « l’art de la lecture », dans le chapitre deux de Mein Kampf, il fait observer que :
« Un homme qui maîtrise l’art de la lecture saura d’instinct en parcourant un livre, un magazine ou une brochure relever tout ce qui vaut pour lui la peine d’être retenu, soit parce que cela vient à l’appui de ses idées, soit parce que cela présente un intérêt général… Puis, si un jour la vie nous met devant une question à laquelle il faut réfléchir ou apporter une réponse la mémoire, si la méthode de lecture est observée … fera resurgir tous les éléments en rapport avec cette question accumulés au cours des années, [et] les soumettra à l’esprit pour examen et prise en considération jusqu’à ce qu’il comprenne clairement le problème et puisse y apporter une réponse. »
Par ces annotations, on découvre un homme – pourtant réputé pour n’écouter personne et dont les « conversations » n’étaient que d’interminables monologues infligés à ses interlocuteurs – en train de lire des passages, y réfléchir, et laisser la trace de ses impressions en parsemant les pages de tirets, de points, de points d’interrogation, de points d’exclamation, et de soulignement. Voilà l’une des figures les plus complexes de l’Histoire ramenée à un simple lecteur avec son livre et son crayon.
« Des livres, des livres, rien que des livres ! » écrivait August Kubizek. « Je ne pouvais pas m’imaginer Hitler sans un livre, il les empilait partout dans sa chambre, il avait toujours un livre sur lui partout où il allait ». Kubizek [chef d’orchestre], le seul véritable ami d’enfance d’Hitler, se souvenait qu’Hitler était inscrit dans trois des bibliothèques de Linz où il était à l’école, et qu’il passait des jours entiers dans la splendeur baroque de la Hofbibliothek, l’ancienne bibliothèque de la cour des Habsbourg à Vienne. « Bücher waren seine Welt », écrivait Kubizek, « les livres étaient son monde ». [August Kubizek. Adolf Hitler, mon ami d’enfance]
Même si les mémoires de Kubizek parues dans les années cinquante sont parfois sujettes à caution, sa description du futur Führer en bibliophile invétéré a été à maintes reprises corroborée. Un cousin germain d’Hitler, Johann Schmidt, confiait à des interlocuteurs du Parti nazi venus recueillir des anecdotes pour une histoire officielle du Führer que lorsque celui-ci venait passer des vacances en famille dans le petit hameau de Spital dans le Waldviertel, « il débarquait invariablement avec une cargaison de livres qu’il passait son temps à lire et à potasser ».
Hans Frank, l’avocat personnel d’Hitler et le « gouverneur » de la Pologne occupée, révélait peu avant son exécution à Nuremberg en 1946, qu’Hitler a trimbalé avec lui pendant toute la Première Guerre mondiale un exemplaire de l’œuvre de Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation. Durant son incarcération suite au putsch manqué de Munich en 1923, il était régulièrement alimenté en livre par des amis ou des connaissances. Il aimait dire de son séjour à la prison de Landsberg qu’il aura été son « université tous frais payés par l’État ».
Alors qu’il connaissait un passage à vide en prison en décembre 1924, il reçut un colis de Winifred Wagner, la belle-fille de Richard Wagner, l’une des rares personnes à le tutoyer. Il contenait un recueil de poésie de Goethe qui venait de la bibliothèque personnelle de la famille Wagner. Un ouvrage de 358 pages qui se trouve à présent à la bibliothèque du Congrès, il contenait des classiques romantiques comme « Le chant nocturne du promeneur » (Über allen Gipfeln) et « le chant du soir » (Abendlied) accompagnés d’illustrations pleine page magnifiques à la plume et à l’encre. La couverture intérieure portait une dédicace manuscrite, « Adolf Hitler, ce livre d’images cueillis au jardin des livres d’Éva Chamberlain [la fille de Wagner] pour illuminer vos heures de solitude ! Bayreuth, Noël 1924 ».
Les livres semblent avoir été le cadeau de prédilection d’Hitler en pratiquement toutes occasions, on retrouve dans sa bibliothèque une pléiade de livres avec des petits mots pour Noël, les anniversaires et autres jours marquants. Un livre intitulé Mort et Immortalité dans la vision des sages Indo-Germanique, porte un mot à l’intention d’Hitler de la part du chef SS Heinrich Himmler pour le « Julfest 1938 » – circonlocution nazie pour Noël. Je suis aussi tombé sur des livres de la cinéaste controversée Leni Riefenstahl, deux sur les jeux olympiques de Berlin et un ensemble de huit volumes des œuvres complètes du philosophe allemand du XIXe Johann Gottlieb Fichte dans la première édition introuvable. Étant donné qu’Hitler avait chargé Riefenstahl de filmer les Jeux Olympiques, la présence des deux premiers volumes était logique, pour Fichte, c’était plus étonnant.
Lorsque j’ai rendu visite à Riefenstahl en banlieue de Munich alors qu’elle venait de marquer son centième anniversaire, elle m’a orienté vers ses mémoires qu’elle avait publiés et dans lesquelles elle avait consacré un chapitre à l’histoire des volumes de Fichte. Selon ce qu’elle disait, au printemps 1933, elle avait alors 33 ans, la cinéaste s’était rapproché d’Hitler au sujet du sort de plusieurs amis Juifs. Hitler lui aurait répondu : « J’ai une grande estime pour vous en tant qu’artiste, vous avez un talent exceptionnel, mais je ne peux pas discuter du problème juif avec vous ». Mortifiée par cette rebuffade, Riefenstahl pensait qu’elle allait s’évanouir, elle a cherché à se rattraper en lui envoyant les exemplaires de Fichte. Reliés en cuir blanc, embossés et dorés à l’or fin, les livres portaient ce mot : « Meinem lieben Führer in tiefster Verehrun, Leni Riefenstahl » [« à mon cher Führer avec une profonde dévotion »].
Alimentée par les cadeaux et par ses propres acquisitions, la bibliothèque d’Hitler, à la fin des années vingt et au début des années trente, prenait des proportions alarmantes. Dans sa déclaration fiscale de 1925, Hitler faisait état de son patrimoine pour un montant dérisoire, 1 000 marks, et ne déclarait aucune autre possession qu’un bureau et deux bibliothèques garnies. Mais en 1930, alors que les ventes de Mein Kampf faisaient décoller ses revenus, l’achat de livres constituait son troisième plus gros poste de déductions fiscales (après les voyages et les déplacements) : 1 692 marks en 1930, les montants étaient du même ordre les deux années suivantes. Plus éloquente encore, la police d’assurance qu’il a souscrite pour cinq ans en octobre 1934 à la Gladbacher contre le risque d’incendie pour son appartement de six pièces sur la Prinzregentenplatz en plein centre de Munich : dans la lettre accompagnant le contrat, Hitler évaluait sa collection de livres, six mille en tout, à 150 000 marks, la moitié du montant assuré, l’autre moitié couvrait ses objets d’art.
À la fin des années trente, Hitler avait trois bibliothèques distinctes pour caser toutes ses collections. Dans son appartement, il avait fait sauter une cloison et y avait mis des étagères à la place. Au Berghof, sa retraite alpine à proximité de Berchtesgaden, Hitler a fait aménager tout le deuxième étage en étude avec bibliothèques faites à la main. Des photographies en couleur prises à la fin des travaux montrent un cadre élégant avec des tapis persans, deux globes et des bibliothèques munies de portes vitrées et de serrures en laiton. Herbert Döhring, l’intendant du Berghof de 1936 à 1943, me confiait que les bibliothèques ne pouvaient pas contenir plus de 500 à 600 livres : « il réservait cet espace aux livres auxquels il tenait le plus » ajoutait Döhring qui avait aidé Hitler à trier les livres. « Il me demandait d’envoyer le reste soit dans un entrepôt à Munich, soit à la chancellerie du Reich à Berlin ». Pour sa résidence officielle à Berlin, Hitler avait demandé à son architecte, Albert Speer, du lui dessiner une vaste bibliothèque qui devait occuper toute l’aile ouest. Daniel Mattern me disait que « les états d’inventaire de la chancellerie du Reich que nous avons trouvé à la Hoover Institution à Stanford, montrent qu’au début des années quarante, Hitler recevait jusqu’à quatre mille livres par an ». À Munich, Gassert et Mattern sont également tombés sur des croquis architecturaux d’une librairie annexe au Berghof qui auraient pu accueillir plus de 60 000 volumes. « C’était un homme à livres » disait Mattern.
Malheureusement, Hitler n’a jamais fait l’inventaire de ses livres, le seul décompte détaillé de ses bibliothèques provient d’un ancien correspondant d’United Press, Frederick Oechsner, qui a rencontré Hitler à plusieurs reprises et qui manifestement a eu l’autorisation d’accéder et de se familiariser avec les collections du Führer. «J’ai découvert que sa bibliothèque, qui se répartit entre ses appartements à la chancellerie et sa résidence de villégiature sur Obersalzberg à Berchtesgaden, comptait environ 16 300 livres», rapporte Oechsner dans son livre phare Voilà l’ennemi paru en 1942.
Selon Oechsner, la plus grande part de la bibliothèque, environ 7 000 livres, était consacrée aux questions militaires, en particulier «Les campagnes napoléonienne, les rois de Prusse, la vie de tous les potentats Allemands et Prussiens du moment qu’ils avaient joué un rôle militaire et des livres sur pratiquement toutes les campagnes célèbres de l’histoire». Viennent ensuite quelque 1 500 ouvrages sur l’architecture, les théâtres, la peinture et la sculpture. «Un livre sur le théâtre espagnole comportait des dessins et des photographies pornographiques, mais il n’y avait pas «d’enfer» en tant que tel dans la bibliothèque d »Hitler», notait encore Oechsner [un «enfer» dans une bibliothèque, c’est la partie, généralement située tout en haut, qui contient les livres sulfureux]. Le reste de la collection se répartissait en grappe sur divers thèmes allant de la santé et de l’alimentation à la religion et la géographie, avec huit cents à mille livres «de fiction populaires sans prétention, voire carrément niaises».
De son propre aveu, Hitler n’était pas très porté sur les romans, même s’il classait les voyages de Gulliver, Robinson Crusoé, La case de l’Oncle Tome et don Quichotte (il avait un faible pour l’édition illustrée par Gustave Doré) au rang des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature mondiale.
Le seul romancier dont on est sûr qu’Hitler le lisait et l’affectionnait, c’était Karl May, un écrivain Allemand qui écrivait dans le genre westerns des romans bon marché. Au printemps 1933, juste après l’arrivée au pouvoir des nazis, Oskar Achenbach, un journaliste de Munich, faisant le tour du Berghof – en l’absence du Führer – découvrit une étagère pleine de romans Karl May à côté du lit d’Hitler. «La chambre à coucher du Führer est d’une simplicité spartiate» rapportait Achenbach dans Sonntag Morgenpost : «Lit en laiton, placard, nécessaire de toilette, quelques chaises, c’était là tout le mobilier. Sur une étagère, on trouvait des ouvrages politiques et de diplomatie, quelques brochures, des livres sur le soin des bergers allemands, et puis – tenez-vous bien les garçons ! – il y avait toute une rangée de livres de – mais oui – de Karl May ! Winnetou, Old Surehand, Bad Guy, tous nos bons vieux amis».
Durant la guerre, Hitler aurait vertement fait remarquer à ses généraux leur manque d’imagination, allant jusqu’à leur recommander la lecture de Karl May. Albert Speer le relate dans son journal de bord à Spandau.
« Hitler avait coutume de dire qu’il avait été grandement impressionné par la finesse tactique et la circonspection que Karl May prêtait à son personnage Winnetou … Et il ajoutait qu’aux prises avec des situations apparemment sans issue, il lui arrivait le soir de relire ces histoires, qu’elles le réconfortaient comme d’autres les ouvrages de philosophie ou la Bible pour les plus âgés ».
Personne ne peut savoir l’étendue exacte de la bibliothèque d’Hitler. Bien qu’Oechsner l’estime à 16 000 volumes, Gassert et Mattern soutiennent qu’on n’en aura jamais la certitude, d’autant que la majorité des livres ont été brûlés ou pillés durant les dernières semaines de la guerre – un avis que partage Florian Beierl, le conservateur des archives d’Histoire contemporaine de l’Obersalzberg à Berchtesgaden.
Selon Beierl, le Berghof a été victime de vagues successives de pillards : il y a d’abord eu les gens du coin, les soldats Français et Américains et pour finir, des membres du Sénat américain. Beierl m’a fait voir des films d’archives (réalisées par Walter Rosenblum le légendaire photographe de la Seconde Guerre mondiale) d’une délégation de sénateurs américains – Burton Wheeler, Homer Capehart, et Ernest McFarland – émergeant du Berghof en ruine les bras chargés de livres. «Je doute qu’ils les emportaient à la Bibliothèque du Congrès», concluait Beierl.
Je me suis aussi laissé dire qu’une partie de la bibliothèque avait pu tomber aux mains de l’Armée rouge. «Staline était tellement obsédé d’Hitler, qu’il avait envoyé des brigades de chasse au trésor à la recherche de tout ce qui pouvait bien se rapporter à lui» disait ainsi Konstantin Akinsha, ancien chercheur de la Commission consultative présidentielle sur les biens de l’Holocauste aux États-Unis. «Son crâne, ses uniformes, les robes d’Éva Braun, ses sous-vêtements, tout se trouve à Moscou». Akinsha me disait encore récemment, au début des années 1990, qu’il avait eu vent d’un dépôt dans une église abandonnée d’Uzkoe dans la banlieue de Moscou, qui contiendrait soi-disant une quantité invraisemblable de «livres trophées» dont certains auraient appartenu à Hitler.
Grigory Kozlov, autre chercheur de trophée, confirme qu’un «dépôt secret» devait se trouver quelque part dans Uzkoe depuis quarante ans, remplis du sol au plafond des dizaines de milliers livres. «Début 95, il y a eu une grosse discussion sur les livres trophées» me disait Kozlov. «Il aurait été décidé de déménager les livres d’Uzkoe et d’effacer toute trace qui aurait pu rappeler l’existence d’un dépôt secret». Maintenant, disait-il, les livres seraient dispersés incognito dans toutes les bibliothèques et les archives de Russie. «Je ne sais pas si c’est vrai ou non» précisait Kozlov, «Les livres ont été confisqués et évacués sans inventaire et je ne sais pas si quelqu’un serait disposé à parler».
Il est vraisemblable que les 1 200 livres d’Hitler de la bibliothèque du Congrès ne représentent pas plus de dix pour cent de la collection originale. Et pourtant, lorsque je l’ai visité pour la première fois en avril 2001, j’ai été surpris de voir comme malgré son état lacunaire, on pouvait encore facilement ressentir la présence du collectionneur au milieu de ses livres.
Dans les plus de 200 mémoires de la Première Guerre mondiale, dont Orage d’acier d’Ernst Jünger, qui toutes portaient la mention personnelle «au Führer», je retrouvais le «caporal autrichien», avec sa moustache drue, son air sombre, ses états de service, blessé deux fois, deux fois décoré dont une de la Croix de fer première classe.
Dans deux guides vert olive au format livre de poche des monuments de Bruxelles et de Berlin, publiés par Seemann Verlag et coûtant trois marks chacun, j’entrevoyais Hitler, soldat du front – artiste de fortune. Le guide de Berlin portait en page de garde la signature d’Hitler à l’encre rose passée, ainsi que le lieu et le mois de l’achat : «Fournes, 22 novembre 1915». Dans le guide de Bruxelles, Hitler avait simplement griffonné un «A. Hitler» au crayon, les trois dernières lettres pendant vers le bas comme des rubans déroulés.
Un ouvrage sur Frédéric le Grand particulièrement usé, ses pages en lambeaux, des traces de doigts partout, quelques coulures de bougie rouge, et, coincé entre les pages 162 et 163, un brin de cheveu noir et raide de 2 cm.
Dans les dizaines de livres avec des dédicaces, comme celle du Prince Auguste-Guillaume – le fils du dernier Kaiser – ou celle des héritiers de la dynastie des pianos Bechstein, j’ai reconnu Hitler, le protégé de l’élite culturelle, sociale et financière de l’Allemagne. Un livre sur le Führertum – l’art du commandement – avait été offert à Hitler par l’industriel Fritz Thyssen qui l’avait présenté aux plus grands hommes d’affaires d’Allemagne lors d’un meeting décisif à Düsseldorf en janvier 1932. «Au Führer, Adolf Hitler, en souvenir de sa présentation au club des industriels de Düsseldorf», avait noté Thyssen sur la page de garde.
Plusieurs livres sont «dédicacés» à Hitler par la plus jeune fille de Richard Wagner, Éva, qui s’était mariée à Houston Stewart Chamberlain. Chamberlain était un antisémite Anglais surtout connu pour son livre The Foundations of the 19 th Century (La Genèse du XIXe siècle), dans lequel il avançait l’idée selon laquelle Jésus était de sang aryen plutôt que sémitique. Hitler avait lu Chamberlain au cours de sa période viennoise, et a eu une brève entrevue avec le vieillissant antisémite au domaine de Wagner, peu avant d’être envoyé à la prison de Landsberg. «Vous connaissez la différenciation de Goethe entre la force et la force» écrivait Chamberlain à Hitler en 1923, «il y a la force qui vient du chaos et qui mène au chaos, et il y a la force destinée à créer un nouveau monde». Chamberlain créditait Hitler de la deuxième.
Dans la dédicace de Maïa Charpentier de son livre La bonne cuisine végétarienne, j’ai retrouvé Monsieur Hitler végétarien.
Et j’ai retrouvé l’ombre du Hitler, le meurtrier de masse, dans un traité technique de guerre chimique qui explore les qualités des différents gaz toxiques, du chlore à l’acide prussique (Blausäure). Le dernier était produit sous le nom commercial de Zyklon B.
Mais j’ai aussi découvert un Hitler que je n’aurais pas soupçonné : un homme qui avait un penchant affirmé pour tout ce qui avait trait à la spiritualité. Au milieu du fatras de publications nazies (en général, imprimées sur un papier très acide qui s’abîmait très vite), on trouvait 130 livres sur la religion et la spiritualité, ça allait de l’occultisme occidental au mysticisme oriental en passant par les enseignements de Jésus-Christ – des livres qui avaient des titres comme Méditations Dominicales, De la Prière, Guide pour les questions religieuses grandes et petites, Des grandes Vérités sur l’Humanité, le monde et Dieu.
Il y avait aussi une traduction allemande du livre à succès de E. Stanley Jones paru en 1931 The Christ of the Mount et un ouvrage de 500 pages sur la vie et l’enseignement de Jésus publié en 1935 sous le titre Le fils: les sources et déclarations évangéliques de Jésus de Nazareth dans leur forme originale et avec leur influence juive.
Certains livres remontaient au début des années vingt, alors qu’Hitler n’était encore qu’un obscur agitateur en marge de la vie politique de Munich, tandis que d’autres étaient parus dans ses dernières années, quand il dominait l’Europe.
Un tome relié en cuir avec WORTE CHRISTI, ou «Paroles du Christ» embossé en lettres d’or sur la couverture, était bien usé, le long des bords, le cuir souple partait en boucles soyeuses. Des mains humaines s’étaient manifestement longuement promenées sur le livre. La page de garde comportait une dédicace : «À notre Führer bien-aimé en signe de gratitude et de révérence, Clara von Behl, née von Jansen von den Osten. Noël 1935».
Worte Christi [pas celui de Chamberlain, apparemment] était si fragile que le préposé l’avait placé sur le velours rouge d’un lutrin en bois de chêne remarquablement fini, avec deux réglettes qui s’ajustaient au moyen de deux petits plots en laiton pour s’adapter aux dimensions du livre : de 30 sur 45 cm, la petite tablette avait un air sacré comme celui d’un autel.
J’ai jeté un œil à la table des matières – «Croyance et prières», «Dieu et son royaume», «Les prêtres et leurs pratiques», «le monde et son peuple» – et parcourait l’introduction. Puis j’ai défilé les pages à la recherche d’annotations qui auraient pu trahir une étude attentive du texte. Un signet en soie blanche parfaitement conservé dans son état d’origine entre la page 22 et la page 23 (seule la partie exposée à l’air s’était détériorée) nous faisait tomber sur une description de la Cène telle que rapportée par Saint Jean. Puis venait une série de pages qui chacune portait un unique aphorisme : «Croyez en Dieu» (page 31), «N’ayez pas peur, ayez la foi» (page 52), «Si vous avez la foi, tout est possible» (page 53) et ainsi de suite jusqu’à la page 95 qui porte un solennel avertissement «Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus».
En page 241, apparaît ce passage : «Aimez Dieu, votre Seigneur, de tout votre cœur, de toute votre âme, de tout votre esprit: c’est le premier et le plus grand commandement. Un autre est également important : Aime ton prochain comme toi-même». En marge du passage, il y a un bref trait au crayon, la seule marque de tout le livre.
Étant donné le mépris légendaire d’Hitler pour les grandes religions en général et pour le christianisme en particulier, je ne m’attendais pas à le voir s’intéresser autant à l’enseignement du Christ, encore moins à le voir marquer cette vertu chrétienne par excellence. Est-ce qu’en réalité cette marque est l’œuvre de la plus jeune des sœurs d’Hitler, Paula, qui parfois rendais visite à son frère au Berghof et qui restera une fervente catholique jusqu’à sa mort ? Un autre visiteur aurait-il pu faire cette marque ?
Peut-être, mais même si la plupart des livres concernant la religion étaient des cadeaux adressés au Führer par des admirateurs éloignés, plusieurs, comme Worte Christi, avaient manifestement étaient lus à fond, et dans certains se trouvaient des annotations de la main d’Hitler ce qui donnait l’impression d’une exploration assidue des questions spirituelles, mais alors, se pose la question, dans quel but une telle quête ?
Au printemps 1943, alors que l’issue de la Seconde Guerre mondiale était en balance, l’U.S. Office of Strategic Services, précurseur de la CIA, chargeait Walter Langer, psychanalyste de Boston, d’établir un profil psychologique d’Adolf Hitler. Comme le rappelle Langer, c’était la première fois qu’un gouvernement américain tentait une psychanalyse d’un dirigeant étranger pour savoir «ce qui le faisait bouger».
En huit mois, assisté de trois enquêteurs de terrain et conseillé par trois autres experts psychologue, Langer accumulait plus d’un millier de pages dactylographiées à interligne simple sur son «patient» : les textes de ses discours, des extraits de Mein Kampf, des entretiens avec d’anciens collaborateurs d’Hitler, bref, à peu près toutes les sources écrites dont on pouvait disposer, Langer en arrivait à ce diagnostic :
« L’analyse de la documentation permet de conclure qu’Hitler se croit destiné à devenir immortel, choisi par Dieu pour être le nouveau Libérateur de l’Allemagne et le fondateur d’un nouvel ordre mondial. Il en est fermement persuadé et est convaincu qu’en dépit de toutes les épreuves et vicissitudes par lesquelles il aurait à passer, il finirait par atteindre au but. La seule condition était de suivre ce que lui dictait la voix intérieure qui l’avait guidé et protégé jusque-là. »
En synthèse, Langer définissait huit scénarios de comportement possibles pour Hitler face à la défaite. Le scénario le plus probable, suggérait-il prémonitoire, étant que la croyance d’Hitler en une protection divine le conduirait à se battre jusqu’au bout, quitte à entraîner le monde dans un océan de flamme, et qu’à la fin, il n’aurait plus d’autre choix que le suicide.
Langer ne fondait pas seulement son pronostic sur les références répétées d’Hitler à une «divine providence» – aussi bien dans ses discours que dans ses conversations privées – mais aussi sur ce qu’en rapportaient certains de ses plus proches collaborateurs pour lesquels Hitler se croyait réellement «prédestiné» à de grandes choses et inspiré par des «puissances divines». Après la guerre, le Field Marshal Albert Kesselring, l’un de ses plus procès conseillers militaires, semblait confirmer la thèse de Langer : «Avec le recul, disait-il, j’ai tendance à penser qu’il était littéralement obsédé par l’idée d’un salut miraculeux, qu’il s’y accrochait comme un naufragé à un débris».
Depuis lors, les experts restent partagés sur la nature des croyances d’Hitler. Ian Kershaw estime qu’Hitler s’est sciemment constitué une image messianique de lui-même et qu’il avait fini par croire à son propre mythe. «Plus il succombait au charme de son propre culte du Führer et qu’il s’en persuadait, plus son jugement était altéré par sa foi en sa propre infaillibilité», écrivait Kershaw dans Le Mythe d’Hitler (1987). Mais croire en un mythe messianique, ce n’est pas comme de croire en Dieu. Lorsque j’ai demandé à Kershaw en 2001 s’il pensait si Hitler croyait réellement en une divine providence, il en rejetait l’idée : « Je ne crois pas qu’il entretenait une réelle croyance en une quelconque divinité à part lui-même, en tant que l’homme d’une destinée qui devait apportait le salut de l’Allemagne», déclarait-il. Gerhard Weinberg, qui avait aidé à faire le tri dans la bibliothèque d’Hitler dans les années cinquante, rejette aussi l’idée d’un Hitler homme de foi, soutenant qu’il était mu par les passions jumelles du Blut und Boden – pureté raciale et expansion territoriale. «Il ne croyait à rien d’autre qu’en lui-même» me disait Weinberg l’été dernier, un avis que partagent la plupart des historiens.
En dehors des historiens, toutefois, on trouve des avis divergents. Dans les années soixante, un éminent et controversé théologien viennois, Friedrich Heer, voyait en Hitler un «catholique autrichien» égaré, un homme qui s’était fourvoyé dans sa foi mais qui était néanmoins sincère. Dans son traité dense de 750 pages, Heer nous montre le Hitler catholique autrichien à chaque tournant : le petit choriste qui, à neuf ans, aperçoit son premier svastika dans les armoiries du monastère de Lambach, l’orateur des brasseries dont les discours raisonnent d’accents bibliques, le Führer du Reich qui renoue avec les splendeurs des rassemblements de masses des catholiques à Nuremberg. Même sa haine farouche des Juifs plonge ses racines dans ce substrat.
Fritz Redlich, un grand psychiatre de Yale, soutient dans son livre, Diagnostiques d’un prophète de malheur, que Hitler était animé dans son action par une profonde croyance en Dieu. Rappelant les propres paroles d’Hitler, « Man kommt um den Gottesbegriff nicht um» (« l’homme ne peut se passer du concept de Dieu »), Redlich me confiait l’été dernier qu’il était certain qu’Hitler croyait en un «Être divin» et rejetait l’idée selon laquelle les invocations d’Hitler de la Providence ne seraient pas autre chose qu’une pose cynique à destination de son public et maintenait que nous devrions prendre les paroles d’Hitler à la lettre : «Hitler a la réputation d’être un sacré menteur, mais ses mensonges n’étaient que tactiques, sur l’essentiel, il ne trichait pas».
Traudl Junge, l’ancienne secrétaire d’Hitler, n’irait pas jusqu’à dire qu’Hitler croyait en Dieu, mais elle était persuadée que les références répétées d’Hitler au divin n’étaient pas là que pour impressionner la galerie. Junge – qui est décédée d’un cancer en février de l’année dernière – me disait l’été précédent qu’Hitler parlait de ce genre de chose en privé autant qu’en public. Après deux années et demie passées au contact quotidien d’Hitler, elle était convaincue qu’il croyait en une sorte de protection divine, d’autant plus après la spectaculaire tentative d’attentat du 20 juillet 1944. «Après l’attentat du juillet 1944, me disait-elle, je pense qu’il se croyait un instrument de la providence et qu’il avait une mission à accomplir».
Dans mes mains je tiens un livre sur Nostradamus, le mystique français du XVIe dont les prédictions apocalyptiques fascinent depuis des générations et dont la strophe «Des pauvres un enfant naîtra qui de sa langue séduira les foules» a été interprétée comme une prophétie de la montée d’Adolf Hitler. Imprimé sur un papier très acide, ce livre aux 137 pages fragiles tombant en poussière portait une date de publication de 1921 mais paraissait vieux de plusieurs siècles. Le livre promettait de «déchiffrer et de dévoiler pour la première fois les prophéties sur l’avenir de l’Europe et l’ascension et la chute de la France de 1555 à 2200». Ses dernières pages offraient une liste de publications à consulter en compléments pour l’édification mystique du lecteur telles que : Mémoires d’un mystique, L’Âme vagabonde, Comment se protéger de l’hypnose et de la suggestion, l’âme et le cosmos, Le royaume de l’invisible, La destinée humaine dans le cours des étoiles. À l’intérieur de cet ouvrage qui tenait à peine encore ensemble, se trouvait collé l’ex-libris d’Adolf Hitler.
Les Prédictions de Nostradamus faisaient partie d’une réserve cachée de livres d’occultisme acquis par Hitler au début des années vingt qui a été retrouvée dans les quartiers privés de son bunker à Berlin par le colonel Albert Aronson en mai 1945. Faisant partie des forces d’occupation Alliées, Aronson était parmi les premiers Américains à entrer à Berlin après l’effondrement de la résistance nazie. «Lorsque mon oncle est arrivé, les Russes lui ont fait visiter le bunker d’Hitler», se souvient l’un des neveux d’Aronson, «Il disait que les Russes avaient déjà fait un grand ménage, mais qu’il restait des images et une pile de livres qu’ils l’ont laissé emporter». Les livres étaient restés dans le grenier d’Aronson jusqu’à sa mort, puis ont été légué par ses neveux en 1979 à la Brown University.
De nos jours, les quatre-vingts volumes sont conservés dans les sous-sols de la collection de livres rares de Brown à la John Hay Library où ils se partagent les étagères avec un exemplaire personnel de Walt Whitman d’une première édition de Leaves of Grass et les folios originaux d’Oiseaux d’Amérique de James Audubon. D’après Samuel Streit, le bibliothécaire attaché aux collections spéciales, les livres d’Hitler n’avaient pour ainsi dire jamais attiré l’attention des universitaires. Streit lui-même n’avait consulté la collection qu’une seule fois et ce qui l’avait le plus marqué, c’était l’ex-libris d’Hitler. «Je sais que ça peut paraître étrange», disait Steit, un homme charmant dans la cinquantaine, «mais du point de vue de sa composition, l’ex-libris est fait avec beaucoup de goût».
Comme pour la bibliothèque du Congrès, la collection de Brown de livres d’Hitler est un véritable pot-pourri : des livres d’images, des brochures d’art, un libretto italien de la Walkyrie, une édition de Mein Kampf de 1937 et deux exemplaires du livre d’Alfred Rosenberg, Le Mythe du Vingtième Siècle.
Parmi la douzaine de livres consacrés à l’occultisme, plusieurs traitent des runes nordiques dont un de 1922 spécialement au Svastika, richement illustré, il compte à peu près 500 visuels de hiéroglyphes égyptiens, de poterie grecque, de temples mayas et de croix chrétienne. Les Morts sont Vivants, «présente des preuves irréfutables sur l’occultisme, le somnambulisme, le spiritisme avec seize photographies de fantômes», dont deux, insérées dans les dernières pages de l’ouvrage, montrent l’une cinq personnes en train de léviter une table lors d’une séance à Gênes en 1892 et l’autre censée montrer le fantôme d’une Polonaise de quinze ans, Stasia, irradiée d’une sorte «de halo brumeux». Une image d’un Anglais à l’air solennel est sous-titrée «Le fantôme de Charles Dickens qui est décédé en 1871 et a été inhumé à Westminster Abbey est apparu en 1873 et a été photographié».
Le canon de l’historiographie d’Hitler veut que Hitler aurait flirté avec l’occultisme au début des années vingt et qu’il aurait recruté certains de ses plus proches acolytes sur le plan idéologique – Rudolf Hess, Martin Bormann, Alfred Rosenberg, et Heinrich Himmler dans des cercles de culte nordique comme la Société de Thulé. «Lorsque j’ai connu Hitler en 1921 et 1922, il était proche d’un cercle qui croyait fermement en l’influence des astres», déclarait en 1939 un ancien proche d’Hitler, Karl Wiegand, dans un article du Cosmopolitain :
« Il se murmurait un peu partout qu’un nouveau Charlemagne allait arriver et fonder un nouveau Reich, jusqu’à quel point Hitler croyait en ces prévisions astrologiques à l’époque, je n’ai jamais réussi à me le faire confirmer par le Führer, mais il laissait dire, du moment que ces prophéties pouvaient servir son jeune mouvement et faire progresser la foi populaire en sa personne. »
En général, les universitaires n’accordent aucun crédit à ces histoires de cultes, mais certaines annotations dans plusieurs livres confirment au moins une curiosité intellectuelle pour l’occultisme en vogue sous la république de Weimar. La collection à la Brown University comporte des livres de personnalités telles qu’Adamant Rohm, le «magnétiseur» de Wiesbaden, Carl Ludwig Schleich, médecin berlinois qui a été pionnier des anesthésies locales, et Joseph Anton Schneiderfranken, auteur de nombreux ouvrages sur la réincarnation et les phénomènes paranormaux qui publiait sous le pseudonyme de Bô Yin Râ.
L’un des livres les plus chargés en annotations, c’est Magie : Histoire, Théorie et Pratique (1923) de Ernst Schertel. Lorsqu’on tape son nom sur internet, on tombe sur des sites de satanisme, d’érotisme, de sadomasochisme et de flagellation, on tombe aussi sur des sites de parapsychologie et d’astrologie. Selon un site allemand sadomasochiste, Schertel a écrit de nombreux ouvrages sur la flagellation et l’érotisme est a été une figure centrale du mouvement naturiste en Allemagne dans les années vingt et trente.
L’exemplaire d’Hitler de Magie porte une dédicace manuscrite de Schertel griffonnée sur la page de couverture au crayon. Le livre grand format de 170 pages en couverture souple a été lu à fond et ses marges abondamment annotées. On trouve notamment une ligne au crayon particulièrement appuyée devant le passage : «qui ne porte pas en lui de semence démoniaque, ne pourra donner naissance à un nouveau monde».
L’un des plus vieux ouvrages de littérature de la bibliothèque d’Hitler, c’est une édition allemande de 1917 de Peer Gynt, l’épopée d’Ibsen d’un «Faust Nordique» qui en connaît un rayon en matière d’avanie humaine: trahisons, femmes abandonnées, commerce d’esclaves et meurtres accomplis de sang-froid, jalonnent son parcours pour se faire «empereur du monde». Lorsqu’on le mettait au défi de rendre compte de ses petites incartades, Gynt déclarait qu’il préférait brûler en enfer pour ses péchés capitaux, plutôt que de patauger dans l’obscurité avec le commun des mortels. Edvard Grieg, le compositeur norvégien, a mis la pièce en musique dans une merveilleuse suite orchestrale. La version d’Hitler de Peer Gynt, magnifiquement illustrée par Otto Sager, porte une dédicace apposée en toute simplicité par son traducteur en Allemand : «à son cher ami Adolf Hitler. Dietrich Eckart. Munich, 22 octobre 1921».
Peu de gens pouvaient se permettre d’appeler Hitler « Freund», et encore moins «lieber Freund». Pour Hitler, Eckart était à la fois un ami et un familier, un mentor et une figure paternelle. Lorsque les deux hommes se sont connus à la fin de 1919, Hitler, à 30 ans, n’était encore qu’un espoir de la politique, tout juste sorti des tranchées et sans un sou en poche. Eckart, lui, était un dramaturge connu avec un succès fulgurant à son actif, son adaptation de Peer Gynt, une moustache en brosse, une addiction à la morphine et une haine proverbiale des Juifs : un journal de Munich disait de lui que c’était un antisémite de tous les diables, qu’il garnirait bien sa choucroute quotidienne d’une demi-douzaine de Juifs. Après avoir travaillé avec Hitler lors d’un des premiers événements du Parti nazi, Eckart a entrepris de le préparer à la vie politique. Il lui a payé son premier trench coat, lui a donné des conseils pour parler en public et l’a présenté à des membres de la société munichoise, souvent avec comme entrée en matière «voici l’homme qui un jour libèrera l’Allemagne». Hitler disait d’Eckart qu’il était l’étoile polaire du mouvement et lui a dédié le premier volume de Mein Kampf. «Soyez derrière Hitler!» aurait-il exhorté sur son lit de mort en 1923. «Il va danser, mais la musique sur laquelle il dansera aura été composée par moi».
Pour autant qu’il se soit répandu en vitriole contre les Juifs, Hitler en avait autant au service du christianisme. «Le christianisme est la pire chose qui se soit abattue sur l’humanité» déclara-t-il avec aigreur après un dîner de juillet 1941. «Le bolchévisme est l’enfant illégitime du christianisme, et les deux sont des rejetons des Juifs».
Hitler était l’apostat classique. Il se rebellait contre la théologie établie dans laquelle il était né et avait été élevé, tout en essayant de remplir le vide spirituel. Comme en témoigne sa bibliothèque, il ne s’est pas trouvé en manque de théologies alternatives propagées par toutes sortes de gourous nouveaux venus. Mathilde von Kemnitz, l’épouse d’Erich Ludendorff, le vénérable général de la Première Guerre mondiale qui a rejoint Hitler au moment du putsch de Munich, faisait la promotion d’un culte néopaïen Teutonique qui appelait à la destruction des églises et à la création de temples forestiers et de lieux de sacrifices. Un ouvrage de 1922, le triomphe de la volonté d’immortalité, porte une dédicace à Hitler assez cryptique :
« N’oublie jamais jeune âme bénie
Si tu gardes présent l’au-delà avec toi
Tu seras alors un Dieu parfait
Aussi longtemps que tu vivras »
Hitler a toléré les lubies néopaïennes de Kemnitz jusqu’au décès de Ludendorff en décembre 1937, puis, à l’automne 1939, le gouvernement nazi, prétextant des pénuries de guerre, a mis fin à la fourniture du papier pour l’édition de sa revue Am Heiligen Quell (Le puits sacré), réduisant instantanément le mouvement au silence : Kermnitz, qui survivra à la guerre, ne pardonnera jamais à Hitler sa trahison.
Guida Diehl, une écrivaine prolifique de Weimar qui se déclarait la «Führer féminine», noyait Hitler sous un torrent d’ouvrages comme «Brûlez, Saintes Flammes» et «La Volonté de la Femme Allemande». Dans un manuel sur l’art de célébrer un Noël Allemand «en période de pénurie et de lutte» Diehl écrivait à Hitler: « Nous luttons pour l’âme allemande qui a façonné le Noël germanique à partir du Christ lui-même! Sieg heil !». Rien n’indique qu’Hitler n’ait jamais ouvert, encore moins lu, aucun des livres de Diehl.
Indubitablement, le plus important ouvrage non lu de la bibliothèque d’Hitler, c’est une édition de 1940 du livre d’Alfred Rosenberg, Le Mythe du Vingtième Siècle, le classique nazi qui s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, seulement dépassé à l’époque par Mein Kampf. Tout au long de ses 800 pages, Rosenberg présente le cadre théologique d’une Église germanique qui tirerait «Le meilleur des Protestants et des catholiques» et expurgerait «les scories juives de l’Ancien Testament». Dénonçant les évangiles de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean comme des «contrefaçons de la grande image du Christ», Rosenberg voyait un «cinquième évangile» dépeignant Jésus en surhomme aryen – «Le puissant prédicateur, le prophète bouillonnant du temple, l’homme qui enthousiasmait et que tout le monde suivait, pas l’agneau de sacrifice des prophètes Juifs, pas l’homme sur la croix».
Cette édition spéciale du brûlot antisémite de Rosenberg avait une couverture superbe en lin d’un élégant bleu sombre, avec un l’intérieur une photo pleine page de Rosenberg devant une étagère garnie de reliures en cuir. Vêtu d’un costume trois-pièces, il avait plus l’air d’un banquier de Boston que de l’idéologue enragé qui a rédigé la prose la plus blasphématoire et hermétique de l’ère nazie avant d’être pendu à Nuremberg en 1946. Le livre contient l’ex-libris d’Hitler mais en parfait état, la reliure s’est fissurée lorsque j’ai ouvert la couverture.
Malgré tous ses efforts pour faire de son Mythe la doctrine officielle du Parti, Hitler est resté sourd, maintenant mordicus qu’il s’agissait «d’une publication privée» qui n’engageait que Rosenberg. En privé, Hitler reconnaissait qu’il n’avait lu que des extraits de l’ouvrage qu’il jugeait illisible, Joseph Goebbels allait dans le même sens, qualifiant le livre de «rot d’intellectuel».
La lecture sélective d’Hitler, sa non-lecture de la plupart des ouvrages pseudo théologique de sa bibliothèque, rend d’autant plus significatif les livres qu’il a réellement lu, surtout ceux sur lesquelles il a laissé des annotations, c’est en cela que sa bibliothèque est la plus intéressante, on voit ses choix. Dans les ouvrages de Fichte offert par Riefenstahl, on se retrouve sous une avalanche de soulignements, de points d’interrogation, de points d’exclamation et de barres verticales en marge qui couvrent une centaine de pages d’une dense prose théologique.
Là où Fichte décortiquait le mystère de la Sainte Trinité, posant le Père en une «force naturelle universelle», le Fils comme « l’incarnation physique de cette force », et le Saint-Esprit comme une expression de «la lumière de la raison», Hitler ne s’est pas contenté de souligner tout le passage, mais a mis deux lignes verticales épaisses en marge et a jouté un point d’exclamation pour faire bonne mesure.
En suivant ses annotations, je me rendais compte qu’Hitler était à la recherche d’un chemin vers le Divin qui conduise à un unique endroit. Fichte demandait «D’où Jésus tirait la force qui a subjugué ses disciples pour l’éternité ?». Hitler a souligné d’un trait appuyé la réponse : «Par son identification absolue à Dieu». Ailleurs encore, Hitler soulignait un bref mais révélateur passage : « Dieu et moi sommes un, pour le dire en deux phrases qui ont le même sens : sa vie est la mienne, la mienne est la sienne, mon œuvre est son œuvre et son œuvre est mon œuvre ».
Au milieu de tous les ouvrages traitant de la spiritualité, du mysticisme et de l’occultisme, j’ai découvert un manuscrit dactylographié qui aurait bien pu servir de modèle à la théologie d’Hitler. Ce traité relié de 230 pages avait pour titre La Loi du Monde : La Foi du Futur, et il était écrit par un habitant de Munich du nom de Maximilian Riedel. Au cours de la première semaine d’août 1939, le manuscrit avait été remis en mains propres à Anni Winter, la gouvernante de longue date du domicile d’Hitler à Munich, avec la demande expresse qu’il soit remis à Hitler personnellement.
Une lettre d’accompagnement disait,
« Mon Führer !
En me fondant sur une nouvelle découverte, j’ai pu prouver de manière scientifique que le concept Trinitaire était une loi naturelle. L’une des conséquences de cette découverte, c’est l’équivalence entre les termes : Vérité – Loi – Devoir – Honneur. En substance, l’origine de toute science, philosophie et religion. L’importance de cette découverte m’a poussé à demander à Madame Winter de vous remettre personnellement le manuscrit ci-joint.
Heil mein Führer!
Max Riedel
Grünwald
Oberhachingerweg 1 »
Riedel avait bien joué en livrant son manuscrit à la résidence de Munich. Tandis qu’au Berghof Hitler recevait des centaines de livres et qu’à la chancellerie ce genre d’envoi était traité par les secrétaires, à Munich, le seul filtre, c’était la gouvernante d’Hitler. Si on en juge par les annotations, il semble bien que non seulement Hitler ait reçu le manuscrit, mais qu’il l’a lu avec beaucoup d’attention, crayon en main. Certaines phrases, ou même des passages entiers, sont soulignés, parfois en double et parfois en triple.
Dans ce traité au style dense, Riedel jetait les bases de sa «nouvelle religion», remplaçant la Trinité composée du Père, du Fils et du Saint-Esprit, par un nouvel ensemble trinitaire «Körper, Geist und Seele» – Le corps, l’esprit et l’âme. Riedel partait du constat que traditionnellement, l’humanité avait reconnu cinq sens, qui tous se rattachaient uniquement aux aspects physiques de l’existence, ce qui entravait notre capacité à percevoir la vraie nature de notre relation à Dieu et à l’univers. Il proposait une liste de sept autre «sens» que tout homme possède et qui sont reliés à la perception subjective, Riedel pensait par exemple à notre capacité inhérente à distinguer le bien du mal, notre sensibilité aux autres personnes, et notre sens de l’auto-préservation. Sa théorie était illustrée sur les deux pages centrales par un diagramme circulaire sur le bord duquel on trouvait divers concepts – l’âme, l’espace, la réalité, le présent, le passé, la possibilité, la transformation, la culture, la vie après la mort, l’humanité, l’infinité – tous étaient reliés par une toile d’araignée au centre, «le corps, l’esprit et l’âme, n’appartiennent pas au sujet, ils appartiennent à l’univers», disait l’auteur.
La «trinité» de Riedel semble avoir retenu l’attention d’Hitler. Un passage en particulier était marqué en marge d’un fort trait : «Le problème d’être objectif, c’est que nous nous usons de critères objectifs pour parvenir à notre compréhension de l’humain en général, ce qui signifie que les critères objectif, c’est-à-dire, rationnels, en viennent à servir de base pour la compréhension de tout l’humain, de ses perceptions et de ses prises de décisions». En se limitant aux cinq sens pour prétendre à l’objectivité, disait Riedel, l’être humain se coupe de la possibilité de percevoir, en utilisant les autres sens identifiés, les forces les plus profondes du monde, se privant ainsi de la possibilité de parvenir à l’unité du corps, de l’esprit et de l’âme. «L’esprit humain ne décide jamais seul, tout est une question d’échange entre le corps et l’âme» concluait-il.
La phrase n’a pas fait que retenir son attention, elle l’a marqué à tel point qu’il s’en est fait l’écho deux ans plus tard au cours d’un de ces monologues : «L’esprit et l’âme, à la fin, retournent à l’être commun du monde», déclarait Hitler à ses invités en décembre 1941. «S’il y a un Dieu, alors il ne nous a pas seulement donné la vie, mais aussi l’intelligence et la conscience. Si je vis ma vie selon mes idées données par Dieu, alors je ne peux pas me tromper, et si je me trompe, j’aurais agi de bonne foi».
Tandis que j’étais assis dans la solitude feutrée de la salle de lecture au deuxième étage du Jefferson Building, entendant le grondement étouffé de la circulation et la plainte lointaine des sirènes de police en cette fin d’été à Washington, j’essayais de saisir la pleine portée de la phrase qui avait eu l’air d’avoir si fortement impressionné Hitler. En 1943, Walter Langer était d’avis – à raison d’après moi – que si on veut comprendre Hitler, on doit tenir compte de sa profonde croyance aux pouvoirs divins. Mais Hitler pensait que le mortel et le divin étaient une seule et même personne : le Dieu qu’il cherchait, c’était en fait lui-même.
Timothy W. RYBACK
Traduction : Francis Goumain
Source : The Atlantic Hitler’s Forgotten Library – The Atlantic
Les Américains n’ont montré aucun intérêt pour les archives politiques du Reich, ils ne s’attendaient évidemment pas à y trouver une confirmation de leur propre propagande,
en revanche, ils se sont précipités sur toutes les archives technologiques et scientifiques allemandes qu’ils ont pu trouver, et là, ils ont su exploiter rapidement.
Les « libérateurs » ont tout raflé de la moindre statue aux hommes et femmes qui leur ont semblé être utile. Le droit du plus fort — et a ce jour aucune excuse ou restitution des trésors volé (du moins je n’ai pas entendu en parler)
Le joli portrait de la « médium du troisième Reich » qui illustre cet article date plus probablement de la fin du vingtième siècle que des années vingt ou trente : Maria Orsic semble hélas être un personnage fictif inventé vers 1995 et qui a depuis déclenché sur internet une explosion fantasmagorique donnant lieu à un concours d’élucubrations plus fantasisistes les unes que les autres. Pardonnez mon révisionnisme…
Oui, admis, mais néanmoins, cela donne une idée de la vraie beauté, celle vers laquelle on aimerait que les femmes tendent, à l’opposé de ce qui est en train de se passer.
Qu’importe donc que le portrait soit faux du moment qu’il est magnifique.