La première partie de cette note de lecture est à retrouver sur : « La Vendée-Vengé » de Reynald Secher – Partie 1.
« En Vendée, l’impensable y a été fait (tanneries de peaux humaines, fonte des graisses…) ; l’inimaginable a été essayé (mines antipersonnel, empoisonnement à grande échelle, gazage…). La Vendée a été un laboratoire grandeur nature. » (Reynald Secher)
Reynald Secher : Né le 27 octobre 1955 à Nantes (Loire-Atlantique), il est historien, docteur d’État en lettres et sciences humaines, écrivain et scénariste français. Ses travaux portent principalement sur le génocide vendéen.
Partie 2 :
- La contre-offensive républicaine
- La virée de Galerne
- Plan concerté
- Les colonnes infernales
- La déroute
- Le bilan
La contre-offensive militaire républicaine
Suite à de nombreuses victoires de l’armée Vendéenne du printemps à l’été, elle va échouer le 19 juin devant Nantes. Le général Cathelineau y est mortellement blessé. Napoléon dira que les Vendéens perdent ainsi l’occasion de remporter une victoire décisive pour toute la France et de gagner la guerre. Les Vendéens acculés se sentent en conséquence obligés de se replier de l’autre côté de la Loire et abandonnant le pays à l’administration triomphante.
Les populations locales désespérées de subir tant d’outrages et de mesures répressives se révoltent de nouveau. Le général Beyser a parfaitement conscience de sa faiblesse numérique mais dans l’espèce de guerre où il est engagé, les moyens retenus sont à la fois efficaces et expéditifs. Beysser sème la terreur en défendant de faire des prisonniers en partageant le butin avec les vainqueurs, en prenant des otages. A Séverac, 30 ou 40 brigands sont capturés et fusillés immédiatement. Pas loin, on tranche des têtes vendéennes à coup de hache sur la culasse d’un canon sur de simples soupçons. À l’occasion on tire du canon sur les églises et les maisons. Pour Beysser : la mort d’un homme est vite oubliée alors que le souvenir d’une maison incendiée se perpétue pendant des années. Il y a deux objectifs : le premier, empêcher à tout prix une alliance entre le nord et le sud de la Loire.
Puis, le deuxième, entourer la Vendée d’un véritable carcan qui ira en se refermant. L’attitude énergique de Beysser face au désordre généralisé empêche tout le Grand Ouest de s’insurger. En deuxième, elle permet aussi aux pouvoirs publics de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour reprendre la situation en main.
Les pouvoirs publics vont en profiter pour se ressaisir et s’organiser, par exemple, en mettant en place un homme comme la sinistre Carrier. Par suite du décret de la Convention du 1er août 1793, la réquisition obligatoire des conscrits permettent aux effectifs militaires d’être renforcés.
Une contre-offensive également administrative et économique
Il y aura également des mesures de dissolution des conseils généraux et des corps administratifs des départements insurgés, établissement de fonderie de canons dans les grandes villes, tous les métiers utiles à l’effort sont réquisitionnés. Recherche, réquisitions et désarmement des populations. Il y a aussi l’arrestation des suspects, la création de tribunaux criminels avec exécution sans délai.
Comme la ville de Niort commande cinq guillotines le 7 avril 1793. Des moyens financiers importants, 3 millions sont injectés et de nouveaux impôts apparaissent. Les bleus (comprenez les républicains) paye dix sous pour un simple soldat souvent touché par la misère profonde. À ceci s’ajoute des primes pour « Les têtes coupées ». On applique les principes de terreur. Le même décret décide l’envoi de combustibles pour incendier bois, taillis, genêts. Et abattre les forêts pour détruire les repères des rebelles et récupérer les récoltes pour l’armée. Le général Salomon dira qu’« il faut dans ce moment oublier les règles militaires ».
Malgré cela, le 20 juin 1793, Beysser revient au Loroux-Bottereau après avoir essuyé un échec contre une Vendée pourtant gravement oppressé. Ils ont été victimes des tactiques cités dans « Un livre, un article : « La Vendée vengé Partie 1 » . Et de plus, ils manquent cruellement d’hommes, de matériels et de ressources. Pour couronner le tout, les Vendéens bien organisés qui ont démonté les roues des charrettes réquisitionnées par la République, interceptent les produits de la terre.
La virée de Galerne
Suite à cette défaite de Nantes, il y aura ce qui fut appelé « la virée de Galerne », c’est-à-dire l’armée vendéenne en déroute essaye de repasser la Loire vers le sud. Outre que l’armée vendéenne était usée et décimée, les forts bordant la Loire avaient été renforcés par les républicains. Cette expédition d’outre-Loire fut un massacre. Le général républicain Westermann dira que c’est « une véritable tuerie. À chaque pas des centaines et des milliers de brigands trouvaient la mort. Tous furent taillés en pièces. C’est sur des monceaux de cadavres que je suis arrivé à Laval.
Chaque pas, chaque ferme, chaque maison devint le tombeau d’un grand nombre de brigands. » Dans la lettre de Marceau, on lit que « c’est une boucherie épouvantable, toute la route est couverte de morts, une infinité de femmes (trois mille) furent noyées au Pont-aux-Baux. Le fleuve sera leur tombeau. Gabory écrira : « Un délire de sang et de sadisme, comme butin de guerre les femmes les plus distinguées et religieuses. Les républicains appliquent ce qu’ils appellent « mettre en batterie » qui consiste à introduire dans le corps des victimes des cartouches auxquelles ils mettent le feu. Les vieillards, femmes, enfants, prêtres sont traînés vers Ponthière pour y être fusillés. L’abbé Robin déclarera qu’il fallait « éviter une armée de cannibales qui venait pour tout mettre à feu et à sang ». Un témoin raconte qu’un « charroyeur de cadavres embrochait les victimes avec une fourche et les entassait dans sa charrette. Les bleus sabrent sans répit, comme des porcs qu’on aurait voulu saler ». Les recrues étaient indisciplinées, ivres de sang et de pillage, bon nombre n’ayant même pas de quoi se vêtir. Westermann se vante de ce massacre en écrivant ceci au Comité de salut public : « Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains. Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, massacré des femmes, qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé ».
Le chef de la 4ᵉ brigade de la garnison d’Angers se vante également : « J’ai déjà donné des ordres à différents détachements de ma brigade pour qu’ils les conduisent le soir avec des torches aux Ponts-de-Cé, où là je crois, on leur fait prendre des bains ». S’ensuit une « épuration », l’abbé Robin dira que « tous les hommes, femmes et enfants pris au retour de la Loire sont conduits à Nantes et inhumainement massacrés. Les premières rafles sont si importantes qu’on renonce à toute forme de procès. On exécute massivement. Carrier écrit à la Convention le 20 décembre 1793 que : « Tous les jours, mes chasseurs me font l’offrande de vingt têtes brigandines. ». La guillotine aussi surnommée le
« moulin à silence » ou le « rasoir national » tourne à plein régime. Un citoyen écrira au représentant du peuple Minier que « Le nombre qu’on amène ici depuis huit jours est incalculable. Comme en les fusillant c’est trop long, on a pris parti d’en mettre un certain nombre dans de grands bateaux, de les conduire au milieu de la rivière, à une demi-lieue de la ville et là on coule le bateau à fond. Cette opération se fait journellement. » C’est ici qu’on applique le tristement fameux « mariage républicain ». Je cite un témoin : « Le mariage républicain consistait à attacher, tous nus, sous les aisselles, un jeune homme à une jeune femme, et à les précipiter ainsi dans les eaux. » Je l’avais évoqué dans « Un livre, un article : Le sang Vendéen ». Un autre témoin rapporte « qu’on avait noyé grand nombre de femmes dont plusieurs portaient des enfants sur leurs bras. » Carrier se vantera devant l’inspecteur des armées « d’avoir fait passer deux mille huit cents brigands ».
En réalité, ce sont 4800 personnes recensées qui ont été massacrées au cours du seul automne 1793. Carrier dira cyniquement : « Je soutiens que ces mesures, tout extrêmes qu’elles paraissent étaient inévitables ». Selon Wastermann qui prendra le surnom de « boucher de Vendée », il a été utilisé des charrettes de soufre, de l’arsenic, des mines à force, des fumées soporatives et empoisonnées. Tous ceux qui viennent restituer leurs armes et implorer la clémence de la République sont impitoyablement massacrés, malgré les discours officiels qui leur promettent paix et sécurité. Le discours au nom de la Convention nationale était le suivant : « Nous venons vous tenir le langage de la clémence et de l’humanité. Si les liens du sang et de l’amitié ne sont pas entièrement rompus, si vous aimez encore votre pays, si votre retour est sincère, nos bras sont ouverts, serrons-nous comme des frères ». Discours perfides puisque les colonnes infernales sont lancées le 17 janvier 1794 et commencent à ravager tout le pays.
Un plan concerté
Il est à relever que l’intention de détruire la Vendée était déjà dans exprimé depuis le 4 avril 1793 puisqu’il est dit : « Le but est de faire de la Vendée un cimetière de la France, de transformer ce pays en désert, après avoir soutiré tout ce qu’il renferme ». Barrère va plus loin en juillet 1793 en proposant un « plan de destruction totale : Détruisez la Vendée ! Et Lyon ne résistera plus, Toulon s’insurgera contre les Espagnols et les Anglais, et l’esprit de Marseille se relèvera à la hauteur de la révolution républicaine. La Vendée et encore la Vendée, voilà le charbon politique qui dévore le cœur de la République, c’est là qu’il faut frapper. Il faut désoler jusqu’à leur patience ».
Le 1er octobre 1793, la Convention déclare : « Soldats de la liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés » Ou encore : « Il faut que pendant un an nul homme, nul animal, ne trouve de subsistance sur ce sol ». Carrier déclare que les Vendéens seront tous exterminés. Il ne faut pas laisser un seul rebelle, car leur repentir ne sera jamais sincère. Pour Turreau : « La Vendée doit être un cimetière national ». Son plan : « Brûler toutes les villes, villages et hameaux de Vendée. » Le 17 janvier 1794, il écrit à la Convention : « Mon intention est bien de tout incendier. Liberté, Fraternité, Égalité ou la mort. Les personnes seulement suspectes ne seront pas épargnées. Tous les villages, bourgs, genêts et tout ce qui peut être brûlé sera livré aux flammes ».
La Convention par l’intermédiaire de Carnot répondra à Turreau le 8 février 1794 : « Extermine les brigands jusqu’au dernier, voilà ton devoir. » Le 11 février, Turreau répond : « J’ai reçu avec plaisir votre approbation ». Le comité de Salut public écrit à Dembarrère : « Tuez les brigands et écrasez totalement cette horrible Vendée. Le 17 janvier 1794 le général Grignon harangue ses soldats en ces termes : « Je vous donne l’ordre de livrer aux flammes tout ce qui sera susceptible d’être brûlé et de passer au fil de la baïonnette tout ce que vous rencontrerez d’habitants sur votre passage. Je sais qu’il y a quelques patriotes dans ce pays ; c’est égal, nous devons tout sacrifier ». La responsabilité du Comité de Salut public dans le génocide Vendéen est entière.
Les colonnes infernales
Les républicains stationnés en Vendée se scindent en deux armées : la première s’étend de Saint- Maixent aux Ponts-de-Cé et Turreau, de Cholet, en prend le commandement ; la seconde va des Sables d’Olonne à Painboeuf et est confié à Haxo, toute la Vendée militaire se retrouve encerclée. Le début de la marche cruelle des colonnes infernales sera fixé le 21 janvier 1794, jour anniversaire de l’exécution du roi. Le nombre de témoignage écrit par les généraux de ces colonnes infernales et de leurs sbires foisonnent : « J’ai fait brûler ce matin toutes les maisons de Maulévier, le bourg de Toutlemonde a été incendié avant-hier… J’irai demain brûler le bourg de la Gaubretière. Il n’existera plus dans la Vendée sous quinze jours ni maisons, ni subsistances, ni armes, ni habitants ». L’officier de police Gannet jette les femmes et les enfants dans des fours chauffés au préalable à cet effet. Même les femmes des patriotes subissent le même sort. « C’est ainsi que la République voulait faire cuire son pain »
Un président de district écrira le 25 janvier 1794 : « Tes soldats se disant républicains se livrent à la débauche, à la dilapidation et à toutes les horreurs dont les cannibales ne sont pas même susceptibles… ». Autre exemple, le capitaine Dupuy relate : « C’est le viol et la barbarie la plus outrée dans tous les coins, j’ai vu cent cinquante soldats maltraiter et violer des femmes et des filles de quatorze ou quinze ans, les massacrer ensuite et jeter de baïonnette en baïonnette de tendres enfants restés à côté de leurs mères étendues sur le carreau ». Un autre nous dit que « Partout, les champs voisins du grand chemin étaient couverts de victimes égorgées… ». Ou encore : « Il en a été grillé une quantité dans les brûlis de toutes les maisons du bourg ». La Flocelière, égorgement général, la Meilleraie, affreux massacre, Le Boupère, Ardelay, le même sort, aux Herbiers, le feu est mis à la ville, Saint-Amand, La Boissière puis aux Epesses, où ils mettent tout à feu et à sang. Pouzauges et ses alentours vivent un atroce cauchemar, ainsi que Sainte-Hermine, Saint-Simon-la-Vineuse, la Réorthe et Bazoges en Pareds.
L’action des colonnes infernales dure quatre mois, du 21 janvier environ au 15 mai 1794.
La déroute
Désorganisés, les habitants sont acculés au fleuve où patrouillent les bateaux de la marine républicaine, Une véritable chasse à l’homme a lieu. Une armée infernale reparut quelques jours après le 10 mars et mit tout à feu et à sang. Tout ce qui avait échappé à la première tombe sous ses coups. Les soldats, ivres morts, ne se contentent plus de détruire ou de tuer uniquement ce qu’ils rencontrent sur leur chemin : ils sèment la terreur sur l’ensemble du territoire.
L’abbé Robin écrit : « Là, c’étaient de pauvres jeunes filles toutes nues suspendues à des branches d’arbres, les mains attachées derrière le dos, après avoir été violées. Des femmes enceintes étaient étendues et écrasées sous des pressoirs. Jean Lainé fut brûlé vif dans son lit. Des femmes sabrées en deux de la tête aux pieds etc ». Selon le témoin Peigné, le 17 mars dans Le Grand-Champ et la Mouchetière c’est « la journée du grand massacre ». Les jeunes filles sont noyées dans ce qui appelé « trou des demoiselles ». Les cadavres étaient entassés et d’où coulait un ruisseau de sang jusqu’au Guineau. L’attaque de Saint-Julien est encore plus dramatique, ordre de tout tuer et de tout massacrer, des familles entières disparaissent.
À Angers, on tanne la peau des victimes, afin de faire culotte de cheval destinées aux officiers supérieurs. Le berger Robin raconte que les cadavres « étaient écorchés à mi-corps parce qu’on coupait la peau au-dessous de la ceinture, puis le long de chacune des cuisses jusqu’à la cheville des pieds de manière qu’après son enlèvement le pantalon se trouvait en partie formé ; il ne restait plus qu’à tanner et à coudre ».
Le bilan
Des commissions civiles sont créées le 22 octobre 1793 dont l’objet est de recueillir pour le compte de la nation toutes les propriétés mobilières proscrites. À la suite de cette répression générale, les cadavres d’hommes et d’animaux sont si nombreux que l’administration doit prendre d’urgentes et promptes précautions pour prévenir la contagion. Epidémie de thyphus, en un mois, 400 détenus y décèdent. Cette forme de répression dure jusqu’en novembre 1794, les colonnes infernales étant remplacées par l’armée régulière (62 000 hommes). Le général Danican déclare ceci : « Par endroits, il n’y a pas un seul combattant et beaucoup se sont enrichis par le vol imitant ainsi leurs généraux ». Selon Turreau : « Cette riche contrée qui nourrissait plusieurs départements et fournissait des bœufs en quantité pour Paris, des chevaux pour l’armée, n’est qu’un monceau de ruine ».
Bilan humain : En premier lieu, il faut bien comprendre que ce n’est pas que la Vendée qui est touché mais une partie importante de l’Ouest. Une guerre qui a englouti plus d’un tiers de sa population. Il a péri autant de femmes que d’hommes. Il est encore aujourd’hui difficile de compter le nombre de victimes, mais pour sûr, ce sont des dizaines de milliers de personnes massacrées, Angers qui perd un quart de sa population, Painboeuf, Fontenay Le Comte, Nantes et bien d’autres…
Bilan immobilier : 18 % environ du patrimoine immobilier de la Vendée est détruit, et ce sont les Deux-Sèvres qui paye le plus lourd tribut avec environ 35 % de son patrimoine immobilier complètement rasé. Les communes sont évidemment inégalement atteintes selon leur géographie. Le dommage subi en Vendée est évalué à environ 19 000 000 F. Ils couchent toutes les nuits dans les haies et ne peuvent plus soutenir l’affreuse misère qui les accable. En cas de grosses pluies, un véritable ruisseau traverse la maison.
À quand son enseignement sans omissions dans les écoles de la République ? Alors que l’Arc de Triomphe porte le nom du sanguinaire général Turreau.
« La Vendée-vengé » de Reynald Secher est disponible chez Reynald Secher Editions