« La plus grande illusion de l’homme est de croire que le temps passe. Le temps est le rivage ; nous passons et il a l’air de marcher. » Rivarol
Éditions Vagabonde, 320 pages, 19 €
Édition établie, présentée et annotée par Pierre Lafargue
Auteur du célèbre De l’universalité de la langue française et de mille autres pages infiniment spirituelles, Antoine de Rivarol (1753-1801) a prouvé que le style était une morale. Réputé pour sa virtuosité, sa conversation étourdissante et son ironie, partisan de la modération en politique et épris de justice, il a dit ses quatre vérités à son siècle. Ayant accepté les risques qu’impliquait ce courage, « le Français par excellence » n’a jamais abdiqué une plume de son panache.
« On entre dans un mort comme dans un moulin », a noté Sartre. Entrés dans Rivarol, des meuniers aux mains sales ont voulu faire une sale farine ; depuis, ceux qui croquent dans ce pain où les asticots se tortillent font semblant de croire que Rivarol l’a pétri. Il est temps de remettre de l’ordre dans tout cela. Il est temps de respecter les morts.
Qu’est-ce donc que Rivarol, nous demanderez-vous en fronçant un peu trop les sourcils ? Ce n’est pas un démocrate, c’est certain, mais Voltaire ne l’était pas davantage, et Rousseau guère plus. Et c’est un homme des Lumières, ennemi du despotisme comme des fureurs populaires et des démagogues. Ce n’est pas un nationaliste, et c’est un héraut de la grandeur française.
C’est un moqueur admirablement doué, et c’est un cœur généreux. Et s’il croit peu à l’égalité des capacités, la justice n’a pas meilleur soutien que Rivarol. Et comme les plus vulnérables des créatures sont les animaux, il prend volontiers leur défense contre les cruautés dont ils sont accablés.
C’est, d’abord, un écrivain de premier ordre. Les Pensées montrent tout cela et bien plus. Elles sont donc tout indiquées pour remettre Rivarol à sa place : une place aussi honorable qu’éminente. Il est temps de ne plus froncer les sourcils à son sujet.
Les Pensées sont un de ces livres qui plaisent parce qu’ils ne flattent pas, et on en raffole parce qu’on ne saurait être maltraité avec plus de grâces, ni mordu avec de plus belles dents. Il se produit aussi dans ces pages le prodige dont une langue est capable quand elle ne renonce à aucun de ses envoûtements : ceux qui adoraient déjà la Beauté n’ont qu’à se baisser pour y ramasser des preuves de son existence, avant de les présenter à des incrédules qu’on appellera bientôt prosélytes, puis apôtres.
En librairie le 15 octobre (978-2-919067-60-2, format 14 x 21,5 cm, 320 pages, 19 €) | Édition établie, présentée et annotée par Pierre Lafargue (auteur, entre autres, aux éditions vagabonde, de La Fureur, Aventures et La Grande épaule portugaise). Et première édition des Pensées dont l’authenticité est incontestable, puisque basée sur les cahiers manuscrits de l’auteur (fonds : archives de Bagnols-sur-Cèze). Préface et présentations des textes se trouvent en pièces jointes.
Disponible sur Éditions Vagabonde