L’engeance capable de se réjouir de la mort de Jean-Marie Le Pen et de saccager sa tombe, s’est aussi illustrée en vandalisant celle de Robert Brasillach, à l’approche du 6 février, date anniversaire de son exécution en 1945. Croyant sans doute empêcher toute commémoration. Peine perdue d’abord. La tombe de Brasillach fut bel et bien fleurie cette année. Mais ils nous donnent ainsi une raison supplémentaire de se pencher sur l’actualité de l’immense écrivain et journaliste dont l’Association des Amis de Robert Brasillach a eu la bonne idée de rééditer Comme le temps passe, et la chronique de notre ami Rémy Tremblay ne peut que donner envie de continuer à faire vivre sa mémoire, à tout le moins en le relisant.
« La jeunesse est un don fait une seule fois, et nous n’en recevrons jamais sur cette terre de plus beau. »
Robert Brasillach
Quand les Amis de Robert Brasillach m’ont demandé de présenter leur récente réédition de Comme le temps passe aux lecteurs de Jeune Nation, ma première réaction fut de refuser, me croyant trop occupé par des choses que je jugeais trop importantes pour relire un ouvrage déjà lu il y a une dizaine d’années. Puis, par respect pour leur travail, j’ai accepté avec certaines réticences de me plonger dans ce roman, le plus connu de Robert Brasillach.
Bien du temps a passé depuis la parution originelle de Comme le temps passe. Quatre-vingts ans nous séparent de cet événement littéraire, soit la vie d’un homme. Et pourtant, malgré les empires qui se sont effondrés depuis et la machine devenue soi-disant intelligente, l’homme n’a pas changé d’un iota. Son existence demeure sensiblement la même, de la jeunesse marquée par la magie jusqu’au désabusement constant du monde adulte.
Le monde créé par les jeunes Florence et René a compris l’essentiel : les adultes y ont le rôle qui leur sied le mieux, celui de figurants, mi-absents. Depuis que Brasillach a écrit ces pages, seul peut-être Marcel Pagnol a su recapturer cette innocence de la jeunesse, dont on prive trop souvent nos chères petites têtes blondes, transformées en adultes dès le plus jeune âge.
La jeunesse est un phare, ou plutôt un port, d’où l’on part pour des aventures qui nous conduisent toujours plus loin, jusqu’à ce que la mer finisse par nous engloutir. Ce port, c’est là où l’on s’équipe, où le navire est préparé, mais un mauvais calfeutrage ou des préparations effectuées sans soin ne peuvent que mener au naufrage si les vents se déchaînent. On peine parfois à quitter le port d’attache du regard, la mer semblant moins réconfortante et moins prometteuse que ce que l’on laisse derrière, mais la nostalgie n’a jamais permis à quiconque de faire marche arrière. Toutefois, Brasillach nous avertit, on ne peut s’accomplir qu’en restant au minimum loyal à l’enfant que l’on fut.
Comme le temps passe est un miroir que Brasillach nous impose pour nous confronter à la banalité et à la monotonie de la vie bourgeoise, trop souvent notre lot, même si l’on voudrait le nier. Trop souvent, on tente de se mentir à soi-même, mais que ce soit dans notre travail, notre quotidien ou nos relations, combien de moments de notre vie sont à la hauteur de nos rêves de jeunesse ? Il est probable que le peloton du 6 février ait sauvé le jeune Brasillach de cette fatalité, de cette banalité, et qu’au final, il n’ait pas eu autant de regrets de partir si jeune qu’on lui en prête.
La vieillesse est un naufrage, dit-on, mais un naufrage auquel on ne peut échapper. Les crèmes antirides et les voitures sport des quinquagénaires n’effacent pas le poids des années, elles ne font que révéler le manque de lucidité de ceux qui croient pouvoir s’en sauver.
Ironiquement, c’est la seconde fois que je lis ce livre, mais c’est à un âge mûr – âge que Brasillach n’atteignit jamais – que l’on goûte pleinement la beauté et la sagesse de cet ouvrage, qui place son auteur parmi les grands écrivains, dont l’œuvre est empreinte d’une certaine universalité.
À la lecture, j’ai eu l’impression de renouer avec moi-même. Mes réticences initiales m’ont paru dérisoires, et je me suis senti comme l’un de ces adultes vains raillés par Antoine de Saint-Exupéry. Trop pressé, trop occupé à des sottises pour réellement m’occuper de l’essentiel.
Et puis, en plus de ce long poème en prose sur l’existence et le poids du temps, Comme le temps passe est également un exquis roman d’amour, où la passion ne cède rien à la longévité. Quelle belle histoire que cet amour éternel, à une époque où Tinder et l’éphémère règnent en maîtres!
Dans tous les cas, il s’agit d’une œuvre d’une tendresse incroyable. Le grand mystère de Brasillach est de comprendre comment un être aussi fin, doux et sensible put se laisser emporter dans les luttes passionnées de son époque.
Notons enfin que les Amis de Robert Brasillach ont compris que le livre est avant tout un objet d’art. Comme leurs autres ouvrages publiés sous la bannière des Sept Couleurs, cette réédition est agrémentée d’illustrations pour chaque chapitre, ajoutant une touche de beauté supplémentaire à cette œuvre intemporelle.
Rémi Tremblay
Robert Brasillach, Comme le temps passe. Les Sept couleurs, 2025, 313 p., disponible sur la Boutique des nationalistes