Il y a bientôt quarante ans, le présentateur télé Roger Gicquel entrait dans l’histoire en débutant le journal télévisé du 19 février 1976 en prononçant ces mots : « La France a peur ». Il s’agissait, comme c’est le cas Manuel Valls, de sidérer les populations pour empêcher toute réflexion. Comme Manuel Valls, Roger Gicquel voulait empêcher les gens de penser à se faire justice et de se prendre en main.
L’angoisse et la peur d’un premier ministre
« Mon angoisse, puis-je vous parler de mon angoisse, de ma peur pour le pays ? C’est le FN à 30 % […] J’ai peur pour mon pays, qu’il se fracasse contre le FN »
a déclaré hier Manuel Valls. C’est probablement la première fois dans l’histoire qu’un premier ministre se place lui-même dans la position d’un homme apeuré et angoissé devant un adversaire politique. En plus de constater qu’il est un incapable, les Français apprennent également que Manuel Valls est faible.
« Je revendique la stigmatisation de Marine Le Pen, le Front national n’apporte aucune solution »
a également affirmé leur premier ministre qui, lui-même, n’apporte aucune solution, sinon une stigmatisation dont tout montre le caractère totalement contre-productif.
Dans un élan démagogique rare, il s’est encore écrié :
« J’en appelle à tous ceux qui sont sortis dans la rue le 11 janvier, je leur dis “allez voter !” »
Moins d’un électeur sur dix s’était déplacé le 11 janvier pour afficher son soutien au torchon d’extrême gauche Charlie hebdo ; ce devrait être à peu près l’électorat du PS au soir du 22 mars prochain, pour peut-être le plus bas niveau historique du parti.
Ces propos ne sont pas un dérapage, mais issus d’une stratégie élaborée avec François Hollande, qui s’est félicité de la sortie de son premier ministre.
Surjoueur kosher
Il est bien quasiment le seul. À gauche très rares ont été les réactions de soutiens. Et sur l’ensemble de l’échiquier politique, la stratégie de la peur et de la faiblesse ont été unanimement décriées.
« J’ai trouvé ça surréaliste. […] C’est extraordinaire. C’est extravagant d’entendre les paroles de M. Valls qui surjoue le Front national pour inciter le peu d’électeurs de gauche qui lui rester à voter pour lui. Et moi je vais vous dire : ce jeu est dangereux ; alors là oui, le jeu du Parti socialiste est dangereux ».
s’est empressé de dénoncer l’american leader Nicolas Dupont-Aignan, tout fier de parler en ce saint repos dominical sur les ondes de la très communautariste Radio J[uifs], interrogé par l’antifrançais Frédéric Haziza.
« L’islamofascisme me va bien » a précisé par ailleurs Nicolas Dupont-Aignan, qui a regretté que les services de sécurité ne puissent pas arrêter les gens et fouiller leurs caves sans être surveillés par des juges, avant de se réjouir de l’alliance des armées capitalistes et de Staline contre l’Europe, de se proclamer comme Marine Le Pen partisan de l’assimilation des envahisseurs plutôt que leur expulsion et de se réjouir de la possibilité pour le gouvernement de faire fermer les sites qui lui déplaisent.
Unanimité
Pour en revenir aux propos de Manuel Valls, ils ont donc, comme sa sortie ratée sur « l’apartheid », fait l’unanimité contre eux. Si leur premier ministre est apeuré par le FN, Rachida Dati s’est retrouvée « très choquée » par ces propos, affirmant que la position de Manuel Valls allait faire « monter » le FN. Un constat partagé par François Bayrou :
« Si vous voulez faire monter le Front national, vous faites ça : vous allez à la télévision et vous dites “je vous stigmatise” »
a précisé le président du Mouvement démocrate (MD), dénonçant un « vocabulaire inadapté ».
À gauche, c’est la secrétaire nationale d’Europe écologie-Les Verts (EÉLV) Emmanuelle Cosse qui a répliqué qu’on ne combattrait pas le FN « par l’angoisse », mais par la « bataille politique ».
Comme son comparse de Debout la France, Jean-Marie Le Pen a évoqué le « fascisme », mais pour dénoncer les propos de Manuel Valls qui formeraient « une phraséologie […] assez fasciste » (sic), le beau-père de Louis Aliot y voyant « un peu de délire ».
Le franc-maçon UMP Xavier Bertrand a ironisé également sur l’aveu de faiblesse de Manuel Valls :
« Qu’est ce que je préférerais avoir des mesures-choc, plutôt que des formules-choc. Manuel Valls est devenu le spécialiste de la formule-choc. J’attends des mesures-choc pour l’emploi, pour lutter contre le terrorisme, des mesures-choc pour lutter contre l’insécurité »
s’est amusé candidat à la candidature UMP à l’élection présidentielle.
« Le rôle d’un premier ministre n’est pas d’avoir peur, mais d’agir et d’obtenir des résultats. Et si Manuel Valls nous étale complaisamment ses états d’âme, c’est précisément parce que ce gouvernement n’obtient pas de résultats. Ce sont les échecs de la majorité qui dopent le Front national »
a affirmé de son côté Brice Hortefeux, réutilisant la théorie du FNPS, désignant les deux partis concurrents qui se feraient « la courte échelle » « depuis trente ans ».
« Le seul espoir du parti socialiste pour s’en sortir électoralement, c’est de se trouver face au Front national, comme l’élection partielle du Doubs l’a clairement démontré. Il ne faut pas confondre des convictions sincères et un cynisme tacticien »
a conclu l’ancien ministre de Nicolas Sárközy plus justement. Un fait semble certain : le tripartisme ne paraît devoir être que le bipartisme en pire.