Aucune région pour le FN, une gauche presque a égalité avec les libéraux : le système a emporté une nouvelle victoire sur lui-même et contre sa propre opposition hier. Le Front républicain l’a emporté sur le Front qui prétend sauver la République.
La victoire du système est d’autant plus stupéfiante qu’il est plus que jamais à la dérive. Les Français chômeurs, les Français envahis, les Français livrés à l’insécurité, les Français victimes du terrorisme, les Français spoliés par le mondialisme, les Français ne pouvant s’offrir des soins médicaux nécessaires et parfois vitaux faute d’argent, les parents d’enfants confrontés à une Éducation nationale marxiste produisant des analphabètes par milliers où les affaires de prostitution et de drogues se multiplient, les Français malades de la pollution des sols et de l’air : la plupart d’entre eux se sont mobilisés pour raffermir le pouvoir des responsables de la situation.
En France métropolitaine, les libéraux-conservateurs ont emporté sept des nouvelles régions1, la gauche cinq. Leur République est en fête alors que les indépendantistes sont arrivés premiers en Corse malgré la présence de quatre listes. Alors que quatre Français sur dix, malgré les appels à la guerre civile de Manuel Valls, malgré la possibilité de victoire du Front national, ont préféré rester chez eux. De l’extrême gauche à l’extrême droite, c’est un champ politique en ruine qui apparaît.
Pari perdu pour le FN
Les scores du Front national avaient soulevé un vaste espoir dimanche dernier, largement déçu une semaine plus tard. Le parti d’extrême droite a été incapable de gagner une seule région, que ce soit dans la configuration de duels ou de triangulaires. Le FN peut se réjouir d’avoir fait encore progresser son nombre de conseillers régionaux – comme de façon quasi-ininterrompue depuis 1986 –, mais ce nouvel échec à s’imposer dans un système auquel il se soumet fait apparaître comme impossible sa victoire en 2017, qui demeure l’objectif principal du parti. Ce n’est pas avec deux députés et deux sénateurs dans l’opposition et une dizaine de villes que le FN apparaîtra comme un parti de gouvernement. En restant marginalisé par les manœuvres d’un système qu’il veut conquérir de l’intérieur et en s’adaptant à lui au fur et à mesure qu’il lui oppose de nouveaux obstacles, le FN s’éloigne de la possibilité du pouvoir quand il croit s’en approcher. Le système ne lui abandonnera la place que quand le FN n’incarnera plus que ce qu’il veut être : le dernier rempart de leur République. Pour la France et les Français, il sera bien trop tard2.
Treize ans après le déclenchement du processus de dédiabolisation au sein du FN, le résultat est accablant : le parti ne dispose que d’un député sur 577, deux en comptant l’affilié Gilbert Collard, deux sénateurs sur 348, 61 conseillers départementaux sur 4 108, environ 1 500 conseillers municipaux sur 212 974 et aujourd’hui 358 conseillers régionaux sur 1722 sièges. La seule petite réussite du FN étant la présence d’un groupe de députés importants… à l’Union européenne (UE) contre laquelle il affirme combattre (23 sur 74).
À part quelques mairies de villes de tailles moyennes et petites, le FN ne dirige aucune ville d’importance, aucune communauté d’agglomération, aucun conseil départemental, aucun conseil régional. Le FN est plus que jamais une affaire familiale, permettant à quelques personnes de vivre grassement de la politique pendant que la France meurt, sans qu’aucun service d’aide sociale ni aucune autre initiative qui ne relève pas directement de la politique politicienne ne soient organisés. Sa chasse de tête s’est révélée n’être qu’une entreprise pour recycler les politiciens à la recherche de sinécures électorales. À l’image du PS, le FN se montre incapable de faire émerger des cadres comme de porter le moindre projet véritablement alternatif et fédératif contre le système.
En ayant déjà, tant par la voix de Manuel Valls que par celle de Jean-Pierre Raffarin, annoncé la constitution future officielle de l’UMPS, le système garde plusieurs coups d’avance sur un FN qui, par son choix de privilégier la République à la France, le système à la révolution nationale, se condamne à rester l’épouvantail infertile du régime.
Une moindre défaite pour la gauche
La gauche est pourtant loin d’avoir gagné ; mais ce recul, plus faible qu’annoncé, apparaît comme une étrange victoire. « La république gouverne mal, mais elle se défend bien » : rarement la sentence de Charles Maurras s’est autant vérifiée. La mobilisation de Manuel Valls a payé : ses éructations à propos la République menacée, sur la guerre civile, ont contribué à mobiliser la gauche et l’extrême gauche non seulement pour faire élire les pires éléments du parti libéral, mais encore pour renforcer le Parti socialiste comme force essentielle de la gauche.
Manuel Valls a contribué à empêcher le FN de conquérir la moindre région ; il a réduit aussi l’extrême gauche au néant, parvenant à rallier au « front républicain » jusqu’à Jean-Luc Mélenchon, qui s’est félicité que ses maigres troupes ont voté pour des alliances « qu’ils désapprouvent ».
Le gouvernement est pourtant fortement désavoué. La liste sur laquelle figurait Christiane Taubira, pourtant candidate en Guyane, a été éliminée dès le premier tour. Claude Bartolone, tête de liste en Île-de-France, qui bénéficiait des meilleurs atouts pour l’emporter, échoue nettement. Seul Jean-Yves Le Drian s’en sort, brillamment, en Bretagne, profitant d’une image dépolitisée et d’une situation sécuritaire particulière.
Les politiques communautaristes, antisociales, antiéconomiques, antinationales du gouvernement ont conduit la gauche – extrême comprise – à ne représenter plus qu’un gros tiers de l’électorat, quand la droite et l’extrême droite totalisent près de 60 % des suffrages. Le gouvernement poursuivra pourtant sur la même voie, appauvrissant toujours plus la France, maintenant toujours plus certaines populations hors de la réalité, ouvrant d’autant plus les vannes de l’assistanat que les recettes s’amenuisent. Il conservera ainsi son socle d’électeurs, réitérant pour le reste les manipulations pour sauver ce qui peut l’être, comme il l’a fait pour ces élections régionales. C’est d’ailleurs en partie pour préparer l’élection présidentielle que le PS a opté pour le retrait comme pour la dramatisation. Pour 2017, François Hollande parie sur les divisions des libéraux pour atteindre le second tour face à Marine Le Pen. La situation serait alors d’autant plus confortable que les élections législatives suivantes conduiraient vraisemblablement à l’élection d’une assemblée libérale.
Un échec pour Sárközy
À la défaite victorieuse de la gauche correspond une victoire largement démonétisée chez les libéraux. Largement en tête en voix – en partie grâce au retrait de la gauche dans deux régions –, les libéraux ne l’emportent finalement que dans sept des treize régions en métropole. C’est nettement moins que ce qui était annoncé et espéré par le parti Les Républicains il y a quelques mois. La vague bleue n’a touché qu’une partie de la France ; plus que les chiffres, c’est l’image du parti qui est touchée.
Alors que les motifs de satisfaction sont nombreux (avec plus de 40 %, les libéraux dominent nettement ce second tour, ils l’emportent dans les régions les plus peuplées3), les libéraux sont incapables de profiter du rejet massif et général du gouvernement Hollande-Valls. Plus que celui des libéraux, cet échec est celui de Nicolas Sárközy : la figure de proue du parti, empêtré dans les affaires politico-judiciaires, disqualifié par un bilan à la tête de l’État catastrophique, mais plébiscité par les adhérents, n’incarne plus rien. « L’effet Sárközy », celui des manipulations et de l’agitation médiatique, des chiffres truqués de la criminalité ne fonctionne plus. Son absence – calculée – des débats ces dernières semaines, autant à propos des attentats que des élections, n’a pas plus d’impact sur le débat que sa présence. Nicolas Sárközy, comme l’ensemble des acteurs du régime, illustre l’incapacité du système à se réformer : ses réactions comme ses absences de réaction, ses choix, quels qu’ils soient, ne sont plus en mesure de modifier la course à l’abîme.
Peu importe à Nicolas Sárközy : comme s’il avait déjà renoncé, le patriote américain avait d’autres choses à faire ce dimanche que de faire semblant de se préoccuper de la France et des Français. À l’invitation de ses maîtres du Qatar, il a passé la soirée au parc des Princes pour regarder un match de football.
Un échec général avant tout pour la France
Du Front de gauche au Front national, tous les intervenants se félicitaient hier, tous ne parlaient également que de l’élection présidentielle. Les élections régionales sont déjà oubliées et, dès que celle-là sera intervenue, pour ceux qui ne pensent pas déjà à celle de 2022, le cirque républicain repartira pour cinq ans. Les mêmes jeux politiciens, les mêmes ambitions, les mêmes efforts démesurés pour gagner des élections avec ce seul objectif : se maintenir – ou conquérir – le pouvoir quoi qu’il en coûte et dans ce seul objectif. Tous dès dimanche soir n’avaient en tête, et souvent au micro, que l’élection présidentielle.
« Plus rien ne sera comme avant », « Nous nous sommes trompés, avant on faisait semblant d’avoir entendu, mais maintenant c’est différent », « Nous avons entendu le message », « Cette fois nous allons changer »4 : les mêmes promesses, encore, les mêmes mensonges, encore. Mais il n’y a rien à changer à l’intérieur du système. Le régime tourne sur lui-même, pour lui-même ; s’il a pu parasiter la France sans trop de problèmes durant des années, son poids est désormais trop lourd. Il faudra bien au moins la guerre civile que prépare Manuel Valls pour tenter d’assurer sa survie.
La mort du régime, nécessaire et souhaitable autant qu’inéluctable, est actée. Le système ne peut plus gérer les problèmes qu’il a créés : le pillage des ressources nationales par l’assistanat et la finance, un chômage de masse aggravé par l’invasion, un communautarisme destructeur.
Le mépris affiché par Nicolas Sárközy devant les élections, les gesticulations de Manuel Valls, les promesses mensongères d’avant élection, les discours creux d’après vote et jusqu’à leur président incapable même de mettre un bulletin dans une urne : le spectacle républicain tourne à vide. Le « front républicain » mobilise encore quelques centaines de milliers de Français, parmi les plus méprisables, mais parmi les autres, combien y croient ?
Le problème n’est plus la mort du régime : son agonie prendrait-elle vingt ans, rien ne l’arrêtera. Le problème est celui des Français et de leur incapacité jusqu’ici à prendre conscience de la gravité et de la profondeur de la crise, poussés dans cette ignorance par l’ensemble des partis du système, et de la nécessité de s’en débarrasser pour survivre plutôt que d’attendre de périr avec lui.
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1 Pour la droite : Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine, Auvergne-Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Île-de-France, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour la gauche : Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre-Val de Loire, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.
2 Interrogé ce matin, David Rachline a ainsi pris soin de préciser que, surtout, le programme du Front national ne visait pas à faire partir les « immigrés » (sic).
3 Les libéraux dirigeront 42 824 113 Français, contre 19 936 835 pour la gauche et 322 000 pour les indépendantistes en Corse.
4 Dans le texte :
« Nous ne pouvons sortir de ces élections régionales sans nous poser des questions de fond sur le vote des extrêmes et sur l’abstention ».
Martine Aubry.
« Ce serait une grave erreur que de passer comme trop souvent d’une élection à une autre comme si les Français ne nous avaient rien dit. »
Nicolas Sárközy
« Le premier tour a été choc. Le second tour a été un sursaut, mais c’est aussi un appel vers et pour le changement »
François Bayrou.
« Les Français nous demandent d’arrêter de parler, mais de faire. […] Il faut passer du dire au faire »
Benoît Apparu. Etc., etc.