Le FN et deux de ses dirigeants renvoyés en correctionnelle pour escroquerie, financement illégal de campagnes électorales, recel d’abus de biens sociaux etc…
Les juges d’instruction ont demandé que soit organisé le procès, en correctionnelle, du Front national et de deux de ses dirigeants pour financement illégal de campagne.
L’épée de Damoclès pesait depuis plus de deux ans sur le Front national. Le parquet de Paris a confirmé jeudi le renvoi en correctionnel du parti de la Le Pen dans le cadre de l’«affaire Jeanne». Un total de dix personnes physiques et morales, dont deux hauts dirigeants frontistes, seront jugé pour des faits présumés d’escroquerie, de financement illégal de campagnes électorales, de recel d’abus de biens sociaux ou encore de faux et usages de faux. Outre le Front national, sont concernés l’un des vice-présidents du parti, Jean-François Jalkh, et le trésorier frontiste Wallerand de Saint-Just. Mais aussi la société Riwal, le micro-parti Jeanne, une structure à vocation financière liée au FN.
Seront enfin jugés plusieurs acteurs de l’ombre, issus de l’extrême droite radicale : le directeur de Riwal Frédéric Chatillon; sa collaboratrice Sighild Blanc; l’ex-trésorier de Jeanne Olivier Duguet; son successeur Axel Lousteau, élu depuis conseiller régional FN en Île-de-France; et l’expert-comptable Nicolas Crochet. L’instruction avait été ouverte en avril 2014 par les juges Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi, qui ont clôturé leurs investigations en janvier dernier. Entendue par ceux-ci, Marine Le Pen avait été placée sous le statut de témoin assisté, et ne sera quant à elle pas jugée.
Le procès à venir sera celui d’un ambitieux système mis en place par le FN, visant à la fois à standardiser la communication de ses candidats et à financer leurs campagnes. À plusieurs reprises, et lors des législatives de 2012, le parti aurait fortement incité ses candidats à l’achat d’un «kit de campagne» : produit par la société Riwal, celui-ci comprenait différents outils de propagande en grande quantité, du tract au site Internet, en passant par l’affiche et la carte postale. Pour les dernières législatives, le prix de ce kit était de 16 650 euros — un montant que la justice soupçonne d’être hors de proportion avec le coût réel des prestations fournies.
Pour financer cet achat, les candidats se voyaient proposer un prêt par le micro-parti Jeanne, au taux d’intérêt de 6,5%. En bout de chaîne, c’est toutefois à l’État qu’était présentée la facture, au titre du remboursement des dépenses de campagne. Là serait «l’escroquerie» visée par les magistrats. Quant au «financement illégal de campagnes électorales» reproché à Riwal, il aurait notamment pris la forme d’importants crédits fournisseurs accordés au FN par l’entreprise. Pour les seules campagnes présidentielle et législatives de 2012, la justice estime à 10 millions d’euros la somme détournée via le système Jeanne-Riwal.
Pour les départementales de 2015, la CNCCFP a ainsi retranché 1,2 millions d’euros des 9,5 millions de remboursement réclamés par le FN. À lui seul, le parti représentait alors 55 % du total des redressements, tous partis confondus.
En interne, une sérénité de façade cohabite avec des inquiétudes exprimées à voix basse. Ainsi, chez certains, qu’avec l’incompréhension de Marine Le Pen conserver sa confiance aux protagonistes de l’affaire. C’est ainsi que l’ex-trésorier de Jeanne, Axel Loustau, s’est vu offrir un siège au conseil régional d’Île-de-France, et le poste de secrétaire départemental du FN dans les Hauts-de-Seine. Quant à Frédéric Chatillon, il arpentait mi-septembre les allées de l’université d’été du parti, laissant entendre qu’il pourrait jouer un rôle dans la future équipe de campagne mariniste. «Ces mecs sont partout, dans la com’, la politique, le fric, je ne comprends pas pourquoi Marine continue avec eux», souffle un frontiste sous couvert d’anonymat. «Pourquoi elle soutient ces marlous à chaque fois, ça me dépasse, confie un autre ».
Suspendu du FN, Nicolas Boher est «harcelé» par le maire frontiste Cyril Nauth
Tout juste suspendu du FN, Nicolas Boher, ex-directeur de cabinet à Mantes-la-Ville, aujourd’hui en procès contre la mairie, se sent « harcelé » par le maire FN Cyril Nauth, au sein de la fédération.
La commission de discipline statuera lundi 10 octobre sur son sort. En attendant, Nicolas Boher, conseiller municipal d’opposition à Elancourt et ex-directeur de cabinet de Mantes-la-Ville, a été suspendu du FN. Il s’estime aujourd’hui victime d’une purge à double titre. Par son attachement à Philippe Chevrier, ex-secrétaire départemental exclu en mai dernier. Par ses relations tendues avec le maire FN de Mantes-la-Ville Cyril Nauth, dont il fut directeur de cabinet avant de partir, puis d’être en procès avec cet ancien employeur.
A des différends d’ordre politique se mêle une opposition personnelle entre les deux hommes. Elle se solde aujourd’hui par un procès de Nicolas Boher à l’encontre de la mairie de Mantes-la-Ville, et par un rejet systématique de Cyril Nauth envers son ex-directeur de cabinet au sein de la fédération.