La semaine s’annonçait sous les meilleurs auspices pour l’UMP : chacun étant focalisé sur la poussée du Front national et sur l’échec du Parti socialiste, personne ne remarquait que le plus fort recul électoral était celui de l’UMP. Les cadres du parti pouvaient à bon compte mettre l’échec des partis pro-UE sur le dos du gouvernement.
Règlement de comptes chez Serge Bloch-“Dassault”
Dans la nuit de dimanche à lundi, ce sont les affaires liées au sénateur UMP corrompu Serge Bloch – dit Dassault – qui sont remontées à la surface. L’Africain Machiré Gassama, homme lige du juif Bloch quand ce dernier était maire de Corbeil-Essonnes, a été victime d’une tentative d’assassinat. L’ancien adjoint au maire se trouvait à Saintry-sur-Seine – où il est désormais élu – près de là quand il a été visé par des tirs de fusil à pompe.
Machiré Gassama avait été entendu dans une enquête pour association de malfaiteurs après la tentative d’assassinat contre Fatah Hou, mais n’avait finalement pas été inquiété. Deux autres tentatives d’homicide ont été constatées ces dernières années dans l’entourage du sénateur UMP, mis en cause, outre ces crimes, dans une affaire d’achats de votes liée. Les attaques avaient visé Rachid Toumi et Younès Bounouara.
Claude Guéant en garde à vue
Lundi, dans l’affaire Tapie, c’est un autre second couteau, Claude Guéant, qui a été mis en cause. Entendu à la brigade financière de la police judiciaire de Paris, l’ancien secrétaire général de l’Élysée a été placé en garde à vue. Les enquêteurs tentent de comprendre le mécanisme qui a conduit le gouvernement UMP de l’époque à la procédure d’arbitrage dans l’affaire du Crédit lyonnais. Elle avait permis à Bernard Tapie d’empocher plus de 400 millions d’euros.
Les policiers s’interrogent également sur les raisons qui ont conduit le gouvernement à ne pas s’opposer à cette décision et sur celles qui l’ont poussé à appliquer à Bernard Tapie une fiscalité avantageuse. La mesure de garde à vue, levée hier soir, reprendra ce matin.
Bygmalion : un « dérapage »
Le lundi noir de l’UMP s’est achevée par les révélations en cascade dans l’affaire Bygmalion.Dans l’après-midi, l’avocat de la société a affirmé que des factures payées par l’UMP ont servi à financer la campagne de Sárközy. Ce dernier, multipliant les réunions publiques, a explosé les plafonds autorisés, contournés par cette astuce. Pour l’avocat, l’affaire Bygmalion, c’est « l’affaire des comptes de campagne » de Sárközy. L’entreprise a été soumise à « un chantage économique » a-t-il expliqué, évoquant des fausses factures pour 11 millions d’euros.
Philippe Briand, ancien trésorier de la campagne 2012, a nié les faits. C’est pourtant la même version qu’a émis Jérôme Lavrilleux dans la soirée, mettant tacitement en cause Philippe Briand comme le directeur de campagne Guillaume Lambert. Jérôme Lavrilleux, tout juste élu député européen, a reconnu un « dérapage » (sic).
L’actuel directeur de cabinet de Jean-François Copé et ancien directeur de campagne adjoint de Nicolas Sárközy en 2012 a reconnu des manipulations des comptes. Il a confirmé que les dépenses dépassaient largement le plafond autorisé. La direction de la campagne a donc choisi de facturer à l’UMP et non à la campagne de Nicolas Sárközy de nombreuses dépenses.
En 2012 lors d’une précédente crise interne à l’UMP après le vote pour la désignation d’un nouveau président, Jérôme Lavrilleux déclarait :
« Nous ne voulions pas mettre sur la place publique les turpitudes délibérées de l’entourage zélé de Monsieur Fillon. »
Les dernières heures Jean-François à la tête de l’UMP
Tous les protagonistes impliqués s’accordent sur un point jusqu’ici : défendre Jean-François Copé.
« Personne n’a volé véritablement [sic]. On a dit que M. Copé se serait enrichi. Pour moi, ce n’est pas le cas, pas en tout cas du côté de Bygmalion. Bygmalion n’a pas financé M. Copé ni à titre personnel, ni sur le plan politique »
a déclaré l’avocat de Bygmalion, entreprise fondée par des amis personnels de Jean-François Copé. Une position qui rejoint celle de Jérôme Lavrilleux qui affirme que ni Jean-François Copé ni Nicolas Sárközy n’étaient au courant. Une version qui ne semble pas être celle des enquêteurs qui ont perquisitionné hier les locaux de l’UMP, de Bygmalion et de Génération France, le micro-parti de Jean-François Copé. Ce dernier qui fait figure, avec Nicolas Sárközy, de bien mauvais chef, ignorant tout de l’activité de leurs subordonnés et n’en assumant aucunement les conséquences, s’est défendu par ces mots : « Je ne savais rien du tout ».
Les fillonistes réclament le retrait; sinon la tête de Jean-François Copé. Dans un exercice de contorsionnisme délicat, Jérôme Chartier, porte-parole de François Fillon, trouve très logique que Nicolas Sárközy ne se soit aperçu de rien mais, au contraire, se demande comment Jean-François Copé a fait « pour ne pas être informé d’un tel dépassement ? » avant d’exiger que les responsables « assument leurs responsabilités ».
Pierre Lellouche lui a « demandé de se mettre en retrait de la direction du parti le temps que l’enquête dise qui a fait quoi et qui ». « Clairement, la direction de l’UMP doit changer pour assainir tout ça » a-t-il ajouté, alors que des factures l’impliquent et qu’il annonçait le dépôt d’une plainte pour usurpation d’identité.
« Il faut changer véritablement l’équipe de Jean-François Copé, avec Jean-François Copé évidemment »
a lancé un troisième coreligionnaire, Bernard Debré.
Délitement de l’UMP
« Si des décisions très fortes ne sont pas prises dans les jours qui viennent à l’UMP, je me poserai clairement la question de ma participation à l’équipe dirigeante de ma famille politique »
a déclaré Valérie Pécresse,
L’affaire renforce les antagonismes au sein de l’UMP, déjà miné par les divisions ravivées lors des élections européennes. Dans le combat entre fillonistes et copéistes, Jean-Pierre Raffarin en appelle à Alain Juppé, pourtant lui-même condamné pour corruption, pour prendre la tête du parti. S’il a refusé, Alain Juppé a attisé les tensions en dénonçant la politique actuelle de l’UMP trop proche du Front national.
« Il y a un problème de fonctionnement, d’organisation, de leadership et il y a un problème de ligne politique, les deux sont étroitement liés […]. Essayer de doubler le Front national sur son propre terrain, cela nous a amenés aux résultats d’hier. Cette stratégie, outre qu’elle est inacceptable sur le plan des principes, est vouée à l’échec »
a-t-il affirmé, appelant à une alliance avec les centristes.
Nicolas Sárközy, de retour d’Israël, ne s’est pas exprimé officiellement. Le bureau politique de l’UMP se tiendra ce matin.