La dette publique officielle de l’État (français) est constituée de l’ensemble des emprunts effectués sur les marchés financiers par les administrations publiques, les collectivités territoriales et les administrations de Sécurité sociale. Elle serait de 3 300 milliards (à des montants pareils, inutile de préciser s’il s’agit de dollars ou d’euros…). Cette dette représente le cumul des besoins de financement de la France, soit la différence entre ses recettes et ses dépenses budgétaires.
Cette mauvaise dette sert de moins en moins à nos investissements, c’est-à-dire nos infrastructures et leur modernisation, qu’à nos dépenses de fonctionnement devenu majoritaires, et croissantes, d’un État devenu obèse avec ses 6 millions de fonctionnaires et assimilés, et les coûts croissants des prestations sociales.
Son remboursement est indéfiniment rééchelonné, les nouveaux emprunts finançant aussi les remboursements des anciens, les intérêts de celle-ci représente le premier poste budgétaire devant ceux de la rééducation anti nationale et de nos Armées. Le niveau maximum d’endettement s’imposera de lui-même, avant même qu’un risque de cessation de paiement puisse survenir, dans la mesure où la dégradation de notre économie entraînera de plus en plus de difficultés pour l’État à trouver des capitaux à un taux acceptable. Nous avons 174 milliards d’euros à rembourser cette année, et environ 200 milliards en 2025, et donc à réemprunter aussitôt, et même davantage encore…
En 2020 et 2021 nous empruntions à taux négatifs, en 2022 à environ 1 %. En 2023, le taux de l’OAT (Obligations assimilables du Trésor) à 10 ans était de 3.0250 %. Et pour cette année, il faut s’attendre à un rebond autour au-dessus de 4 %.
Il faut en réalité ajouter à la dette officielle celle « hors-bilan » qui comprend la masse des engagements et garanties de dettes ne figurant pas au bilan de l’État. Ainsi les garanties de dettes contractées par des entités publiques, des entreprises d’État ou d’autres organismes, comme les pensions et avantages sociaux futurs, qui sont en réalité des charges financières parmi les plus importantes ; ou encore les assurances et la gestion des risques pour couvrir les coûts liés à des événements imprévus, tels que des catastrophes naturelles. Ce hors bilan était estimé en 2020 à 4 500 milliards ajouté à la dette officielle qui était de 2 668 milliards, cela donne une dette totale de 7 148 milliards, représentant 324 % du PIB, alors estimé à 2 200 milliards. Trois ans plus tard, en 2023, le montant du PIB pourrait être de 2 700 milliards d’euros, pour une dette publique totale de 10 000 milliards, dont deux tiers en « hors-bilan ».
Il en est ainsi d’ailleurs des actifs bancaires dont les engagements des principales banques privées mondiales sont 100 fois supérieurs à leurs actifs respectifs, si l’on tient compte de leur « hors-bilan ». Et que dire de la valeur de nos billets de banque qui ne sont en réalité qu’une dette détenue par son possesseur à l’égard de l’État émetteur ? Une dette soumise à l’inflation, à la dévaluation, voire à la banqueroute, ne reposant que sur la confiance, une confiance remplacée par la peur du château de cartes qui s’écroule.
Le ratio entre la dette publique et le PIB permet d’évaluer le niveau d’endettement d’un pays par rapport à la taille de son économie. Plus le ratio est élevé, plus la dette publique est importante par rapport à la production économique du pays. Celui de la France est aujourd’hui d’environ 370 % et sera probablement supérieur à 400 % à la fin de cette année 2024.
En ce qui concerne les États-Unis, dont la dette officielle est de 33 500 milliards de dollars, avec le hors bilan elle atteindrait 100 000 milliards, soit le montant total de la capitalisation boursière mondiale. Nous ne parlons là que de dettes publiques, pas de dettes privées, celles des particuliers et des entreprises. Les montants sont si stratosphériques qu’ils sont factuellement impossibles à rembourser, ne le seront jamais, et hypothèquent objectivement l’avenir plus ou moins immédiat du système monétaire international basé sur l’étalon-dollar, qui est, nous pouvons l’affirmer, une fausse monnaie. Toutes les monnaies-papier étant arrimées à l’étalon-dollar, hormis peut-être le rouble en raison des circonstances actuelles, ne valent en réalité plus rien si on devait les comparer à la valeur réelle de l’or, la monnaie ultime. Mais les cours de l’or sont manipulés à la baisse.
La moitié de la dette française est actuellement détenue par des investisseurs français principalement ‘institutionnels’ (compagnies d’assurance, banques, gestionnaires de fonds…) et par la Banque de France qui détient 25 % de la dette française. L’autre moitié de la dette est détenue par des investisseurs étrangers, pour la moitié d’entre eux issus de l’Europe et pour l’autre moitié, soit un quart du total, par les fameux fonds d’investissements, représentant l’essentiel de la capitalisation boursière mondiale. Contrairement au Japon, dont la dette est détenue à plus de 90 % par la Banque du Japon et les citoyens japonais, la France n’a donc pas la pleine maîtrise de sa dette. La Banque de France joue un rôle essentiel dans la gestion de la dette publique française, mais n’est pas l’émetteur principal de la dette publique. Elle participe à la politique monétaire, aux adjudications de sa dette, et gère surtout les réserves de change et d’or de la France ; réserves qui étaient, jusqu’en 2009 la deuxième plus importante au monde. Aujourd’hui la Banque de France possède 2 500 tonnes d’or, soit la 4e quantité de réserve d’or au monde après celles détenues par ses homologues des États-Unis (8 000 tonnes), d’Allemagne et de Russie (3 000 tonnes chacune). 2 500 tonnes d’or représentent aujourd’hui officiellement 150 milliards de dollars ; si l’once d’or était en réalité 100 fois plus élevés ; nos 10 000 milliards de dettes représenterait les deux tiers de la dette publique de la République. Tout serait en fait divisé par 100 les dettes comme les avoirs. Et certains fonds disparaîtraient ou seraient éliminés, ce serait « un grand reset » populaire au détriment de celui de la bande à Davos.
En 2010, l’audition d’un cadre dirigeant de la banque JP MORGAN devant une commission révélait qu’il y aurait 100 fois plus d’or-papier que d’or physique sur lesquels étaient hypothéqués ses instruments financiers extrêmement spéculatifs, « les trackers », ce doit être 100 fois plus encore aujourd’hui ; la plupart des banques centrales « loueraient » leur or à ces fonds spéculatifs, qui ne les possèdent donc même pas. Si demain les détenteurs d’or-papier souhaitaient disposer de leur or physique en échange de leur or-papier, cela provoquerait des faillites en cascade en même temps qu’une envolée des cours de l’or physique, et probablement une dégringolade des cours de bourse. Les cours de l’or sont donc manipulés ; la valeur intrinsèque de cette monnaie ultime est en réalité supérieure à 2 000 dollars l’once, valeur affichée sur les marchés, à l’heure où nous rédigeons cet article (le 21 février 2024).
Les planches à billets du dollar et de l’euro tournent à plein régime alors que les quantités d’or dans le monde sont, elles, limitées ; on extrait environ 3 000 tonnes d’or par an, et il resterait moins de 50 000 tonnes d’or dans le monde encore à extraire, selon l’USGS (United States Geological Survey). De plus les coûts additionnés de prospection, d’extraction, du traitement de l’or et de sa commercialisation atteignent quasiment les cours actuels officiels du métal précieux et ceux-ci ne cessent de croître, conséquence de sa raréfaction. C’est une raison supplémentaire pour laquelle les cours de l’or ne peuvent plus durablement baisser, malgré les manipulations des cours dont il est l’objet ; la quantité totale d’or dans le monde serait de 150 000 tonnes, et les 2/3 auraient été extraits au cours des 150 dernières années.
La moitié de l’or a été transformée en bijoux, un quart, soit 36 000 tonnes, est détenu par les banques centrales et ce pourcentage ne cesse d’augmenter ; quant au dernier quart il se partage entre des réserves privées d’entreprises et de particuliers, et d’industries, et de leurs produits, qui consomment de l’or pour ses propriétés physiques uniques.
Sous la monarchie, la dette publique française était gérable grâce à la souveraineté nationale, qui était incarnée et représentée par son Roi, le Père et Chef de la Nation. Lorsque le poids des usuriers se faisaient sentir trop lourdement, le Roy leur réglait leur affaire pour solde de tout comptes en les chassant du Royaume (ce qui ne les empêchait pas de revenir ensuite), ou en les éliminant en dernier ressort (comme ce fut le cas pour l’Ordre des Templiers).
Sous l’Ancien Régime – pendant la Régence du Duc d’Orléans -, une brève expérience monétaire et bancaire, lancée par l’aventurier écossais LAW et inspirée de celle des banques britanniques et de leur système de Ponzi avant l’heure, qui produisaient 10 fois plus de monnaie qu’elles ne possédaient d’or en réalité, finira en 1720 par une banqueroute aux effets heureusement limités et qui dégoûtera les Français de la monnaie-papier.
C’est sous la Terreur républicaine que les Français vont connaître leur première grave crise monétaire : la Révolution va réquisitionner les biens de l’Église et ceux des communs comme supports à la création des assignats, une monnaie-papier qui perdra plus des 2/3 de sa valeur en moins de 5 années (1792-1797), obligeant Napoléon Ier à revenir au système bimétallique (vieux comme Crésus), le système du Franc germinal, répandu plus tard par Napoléon III sur la moitié de la planète concurremment aux monnaies bimétalliques britanniques, germaniques, hollandaises et américaines, et ce, jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale.
Après la Première Guerre mondiale, le système de l’étalon-or supplantera les systèmes bimétalliques ; puis après la Seconde Guerre mondiale toutes les monnaies deviendront convertibles en dollars, seule monnaie convertible en or selon une parité fixée à 35 dollars pour une once de Troyes d’or (31,1 grammes) ; on pourrait nommer cela l’étalon-dollar-or.
Le 15 août 1971 les États-Unis sont contraints d’abandonner la parité fixe, depuis lors la monnaie ultime devient le dollar, dont les billets sont les seuls au monde à pouvoir être échangés partout quelles que soient leurs dates d’émissions (ce qui n’est le cas d’aucune autre monnaie). Cet ‘étalon-dollar’ sert de référence, de monnaie papier ultime, de réserve et octroie ainsi à la FED le pouvoir de créer la monnaie mondiale ultime, avec l’accord du Congrès.
Les principaux actionnaires de la FED sont des banques privées, au premier chef desquelles la JP MORGAN, et elles-mêmes sont détenues par des Fonds d’investissements dont les trois principaux au monde sont BlackRock, Vanguard Group et State Street qui représentent ensemble plus du quart de le capitalisation boursière mondiale ; ils ne cessent de grossir, et pourraient bien représenter le tiers de la capitalisation boursière mondiale en 2025, si l’on se base sur la progression exponentielle de leur poids dans celle-ci.
Mais qui sont les principaux actionnaires de ces fonds ? In fine moins d’une dizaine de multimilliardaires, dont la famille Rothschild et la famille royale britannique, l’incontournable Georges Soros, Bill Gates, Warren Buffet et quelques figurants comme le libano-mexicain Carlos Slim.
Le système de l’étalon-or, qui est une monnaie en contrepartie or, permet de résister mécaniquement à l’expansion du crédit, de l’inflation, et particulièrement à la financiarisation de l’économie et des monnaies, résistance qui est précisément décriée par les usuriers comme étant aussi un frein aux idoles tyranniques d’une « croissance » artificiellement définie avec son PIB et ses ratios.
Sans un étalon neutre, et universel, la domination est assurée par celui qui peut émettre une monnaie universelle sans limites ; le dollar ne repose sur rien d’autre que sur le dollar, et les monnaies numériques à venir sur rien d’autre que sur un totalitarisme plus ou moins étendu et généralisé. Un monde multipolaire remettra l’or à sa place d’étalon, de monnaie ultime et universelle. C’est d’ailleurs ce à quoi s’emploient déjà les B.R.I.C.S ?
Certains désordres, dont de nombreux conflits, les mouvements forcés de populations et les gaspillages, provoqués en majeure partie par la fausse-monnaie ne seront peut-être pas entièrement résolus, mais ils seront au moins ralentis, grâce au remplacement de la mauvaise monnaie par une bonne monnaie. Et avec la mauvaise monnaie disparaîtront aussi ses usuriers.
C’est une prérogative régalienne de battre et émettre monnaie, gage de notre liberté et de notre souveraineté. Un gouvernement qui abandonne ce droit n’est plus un gouvernement, mais un organe d’enregistrement qui obéit à une oligarchie invisible, à un Etat Profond…Mayer Amschel Rothschild (17441812) a dit : « Donnez-moi le pouvoir de créer la monnaie et je me moque de qui fait les lois ». F.D Roosevelt dira aussi : »Qui contrôle la politique d’un pays fait la politique du pays ». L’ancien Secrétaire d’État américain Henry Kissinger (1923-…) a déclaré de son côté : « Qui contrôle la nourriture contrôle les populations, qui contrôle l’énergie contrôle les nations et celui qui contrôle la monnaie contrôle le monde ».
Bonjour, une piste https://odysee.com/@ArcDemos:6/La-Monnaie-Miraculeuse—Standard-Quality-360p–File2HD.com-:a
Une autre piste ici aussi: le fameux livre de Gottfried Feder sur la rupture des chaînes de l’usure que j’ai traduit de l’allemand au français.
https://www.cultureetracines.com/essais/99-manifeste-pour-briser-les-chaines-de-l-usure-nouvelle-traduction.html
Ce texte est très actuel à cause de la question de la dette, serpent de mer, chancre dis-je, de tous les pays occidentaux depuis quelques lustres et la perception de l’acuité du problème va s’accroître avec le temps. La Grèce a failli faire banqueroute en 2008, mais elle n’a pas conjuré définitivement le problème. Et puis l’Italie, la France?
L’Allemagne était la Grèce d’aujourd’hui dans l’entre-deux-guerres, elle était percluse de dettes à cause des emprunts de guerre et des réparations énormes que lui a infligées le traité de Versailles.
A l’instar de Balzac qui fait une critique de droite et contre-révolutionnaire de la société bourgeoise issue de 1789, Feder porte sur les fonts baptismaux l’anticapitalisme de droite sérieux et non romantique à l’instar de toute une méchante littérature française du XIXe siècle, d’où la difficulté de la traduction du Manifeste, assez technique, mais sans être exempt aussi d’une certaine religiosité comme le signale bien Michel Drac. Feder en bon Allemand propose des mesures positives en bonne et due forme et ne se contente pas de babiller pour amuser la galerie sur la « fortune anonyme et vagabonde ». Je pense que la formule, le poncif, vient du duc d’Orléans dans Son manifeste sur la question juive de 1899. Mais quelles sont les mesures concrètes du duc d’Orléans sur la fortune anonyme et vagabonde?
C’est Feder le premier qui a établi la différence promise à une fortune exceptionnelle entre capital spéculatif et capitalisme productif. C’est vraiment sa trouvaille, Hitler cité par Drac dans la préface le reconnaît dans Mein kampf et lui sait bon gré de lui avoir enseigné ce départ si fondamental pour l’intelligence de l’économie moderne. Feder appartenait également aux milieux d’extrême droite radicale très actifs dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres. On peut dire que les cénacles et groupuscules prospéraient partout en Allemagne et en Autriche à cette époque, des fraternités étudiantes conservatrices et bourgeoises (Burschenschaft) aux sectes ésotériques, plus plébéiennes et pagano-nordiques. Feder oppose donc au vrai capital, le capital industriel, allemand, productif et créateur le capital spéculatif, boursier et parasite. D’aucuns ont aussi parlé de capitalisme juif. Feder était également antisémite, mais comme tout le monde à cette époque (il faut dire aussi que depuis l’Exode en Egypte, partout où ils mettent les pieds, ils se font virer), il parle peu de la question juive dans son Manifeste. Il y fait allusion seulement deux fois, quoiqu’en termes défavorables. Feder propose simplement d’abolir le capitalisme spéculatif fondé sur la perception de l’intérêt en faisant prévaloir uniquement un capitalisme productif qui ne capte de la plus-value qu’un surplus destiné à l’investissement. Il s’agit simplement d’un projet de libération des forces productives, dans le cadre de la propriété privée des moyens de production cependant (ce qui le différencie du communisme), mais une propriété encadrée, soumise à l’obligation de l’investissement productif et non soumise à l’obligation de rémunération du capital. Feder consacre la dernière partie de son livre à réfuter les objections pouvant survenir, notamment celle selon laquelle plus personne ne prêterait son argent s’il n’était pas rémunéré.
Feder est aussi l’inventeur d’une nouvelle définition de la monnaie (Anweisung auf geleistete Arbeit) que j’ai traduite par « indication du travail accompli », et qui ne devrait être que cela. C’est magnifique dans la mesure où il préconise que la monnaie dans une économie saine et honnête n’indique que la quantité de travail nécessaire à la production d’un bien.
Et sa troisième grande trouvaille est d’avoir démontré que l’on pouvait reconvertir toutes les créances pourries (en l’occurrence les emprunts de guerre) en monnaie légale et partant annuler de notre propre chef les dettes que contractent les Etat auprès des banques. On connait l’objection, mais Feder y répond aussi.
Le programme économique de Feder, c’est le programme économique du fascisme simplement, cad d’un socialisme aristocratique, il emploie d’ailleurs le terme qu’il oppose au socialisme marxiste et matérialiste. On oublie trop souvent que le fascisme est un socialisme, mais un socialisme éthique qui vise à élever l’homme non pas seulement matériellement comme dans le socialisme marxiste ou même la social-démocratie, mais aussi moralement, esthétiquement et intellectuellement. Le fascisme, ce ne sont ni des mythos bons à rien sur YT ni des conspis ridicules, demi-illettrés et incultes (bien qu’à haut QI apparemment) et encore moins de la violence gratuite, des libertés individuelles constamment bafouées, un Etat partial et méprisant le droit, des gouvernants qui s’enrichissent sans vergogne, des flics partout et des règles promulguées jusqu’à plus soif, c’est normalement justement le contraire.
De l’après-guerre au milieu des années 70 la France dispose d’une architecture monétaire et financière performante rendant possible sa reconstruction, sa modernisation et son indépendance, le tout sans contracter de dette. On lui donnera le nom de « circuit du Trésor ».
Bien que ce système ait largement fait ses preuves en permettant une période de croissance et de développement comme la France en a peu connu, les fameuses Trente Glorieuses, un groupe de hauts fonctionnaires a la ferme intention d’y mettre fin.
Portés par une approche libérale de l’économie, ils reprochent au circuit du Trésor la possibilité offerte à l’État de se financer gratuitement en mobilisant la trésorerie de ses correspondants, c’est-à-dire les grandes entreprises publiques, les banques et autres organismes sociaux, qui sont tenus de centraliser leur dépôt auprès du Trésor. Attention, ici le Trésor ne ponctionne pas ses correspondants comme pourrait le faire une taxe ou un impôt. Non, telle une banque, via un jeu d’écriture comptable, au passif, il crée artificiellement de l’argent, sans frais, qu’il injecte ensuite dans l’économie. C’est cette création monétaire qui est vue comme un péché par certains hauts fonctionnaires. Selon leur conception, la monnaie ne peut pas être créée ex nihilo, c’est-à-dire sans création de valeur au préalable. Dans le cas contraire on génère de l’inflation et l’inflation, c’est du vol, nous disent-ils.
L’État doit donc emprunter de l’argent qui existe déjà. Et le mieux pour cela est de passer par des marchés financiers qui, sur le papier du moins, organisent de la façon la plus efficiente possible la rencontre entre l’offre et la demande de monnaie. Il en résulte un taux d’intérêt, c’est-à-dire le coût que l’État devra dorénavant payer pour se financer.
C’est cette vision qui va être portée et promue par la nouvelle intelligentsia. Dès la présidence du général de Gaulle, les premiers coûts de canif contre le circuit du Trésor vont être portés. Jacques Rueff, un économiste influent auprès du Général servira de caution morale. Il est l’auteur du livre Le Péché monétaire de l’Occident, dans lequel il condamne la création monétaire indue et prône un retour strict à l’étalon or. De Gaulle, dans sa résistance à l’impérialisme états-unien, ne voyait pas d’un mauvais œil les thèses de Rueff. Les accommodements américains vis-à-vis des accords de Bretton Woods, leur non-respect de la parité or-dollar pour financer leur impérialisme commençait sérieusement à agacer le Général.
C’est dans cette atmosphère que, via des réformes successives, l’enterrement du circuit du Trésor commença sous la houlette de Michel Debré. Son directeur de cabinet de l’époque, Jean-Yves Haberer [photo], portera la première grosse entaille dans le mécanisme en supprimant l’obligation faite aux banques d’acheter des bons du Trésor. Sous couvert de libéralisation de l’économie, cette réforme ouvrira le bal d’un vrai travail de sape qui durera jusqu’au traité de Maastricht.
Au moment où la France décidait de se passer de son principal atout d’indépendance et de souveraineté pour suivre les préceptes de l’orthodoxie libérale, les États-Unis suivait le chemin inverse. Richard Nixon, à l’été 1971, décidait unilatéralement de rompre la convertibilité du dollar en or ouvrant la voie à la plus grande gabegie monétaire que l’histoire ait connue. Débarrassés de la contrainte de convertibilité en or, les États-Unis allaient imprimer des dollars comme jamais auparavant, imposant au reste du monde leur monnaie comme nouvel étalon de valeur. Ce que les experts autoproclamés ont appelé « choc pétrolier » pour enfumer le péquin n’était que la conséquence logique de cette nouvelle politique monétaire impériale. L’explosion des coûts de l’énergie, le pétrole en particulier, n’est qu’un phénomène inflationniste banal qui fait suite à une forte impression de monnaie.
Pour se financer, privée de son robinet monétaire, la France est alors contrainte de se tourner vers son suzerain américain, lui qui n’est plus contraint par aucune limite et s’affranchit totalement de tous les préceptes et règles libéraux. Ce nouveau paradigme lui permet d’inonder l’Europe de dollars, on leur donnera un nom, les « eurodollars ». La City de Londres en devenant le principal grossiste faisant d’elle la première place financière d’Europe, the place to be pour toutes les banques continentales européennes. Le dollar américain s’y échange entre les banques de la place, il y a son propre taux, le LIBOR, qui devient une référence internationale. Les banques françaises et leur cortège de cadres dirigeants issus de l’ENA et de Polytechnique s’empresseront de s’y installer. Point de rencontre de cette faune, l’Eurostar, qui via le tunnel sous la manche relie Paris à Londres, devient le nouveau centre névralgique de l’économie française.
Rien n’obligeait la France à suivre un tel chemin. Elle disposait d’un pré carré africain lui offrant les matières premières, notamment le pétrole, le gaz et l’uranium, pour faire tourner son économie. Elle disposait également d’un stock d’or conséquent. Enfin, elle maîtrisait les technologies nucléaires, militaires et spatiales lui assurant son indépendance et sa souveraineté. En somme, elle possédait tous les atouts de puissance nécessaires à un État souverain.
C’est une décision purement politique portée par une minorité de hauts fonctionnaires qui, par idéologie pour certains et opportunisme pour d’autres, vont précipiter la France dans le piège de la dette. S’il n’y a aucun doute sur la probité morale d’un Jacques Rueff, on est en droit de s’interroger sur des profils comme Jean-Yves Haberer, qui fut un des principaux fers-de-lance de la mise à bas du circuit du Trésor. Il est la caricature de cette génération d’énarques qui va profiter de la privatisation du secteur bancaire et financier pour s’enrichir personnellement en s’octroyant des rémunérations délirantes. À la tête du Crédit lyonnais, il provoquera sa banqueroute, avec à la clef un des plus grands scandales politico-financiers de cette fin de XXe siècle. La déroute de Dexia, l’affaire Kerviel, le sauvetage des banques en 2008 et 2013 avec de l’argent public, sont autant de scandales qui viendront compléter ce sombre tableau.
Contrainte de s’endetter pour se financer, la France accumule aujourd’hui 3 000 milliards de dette avec une charge d’intérêts devenue son premier poste budgétaire. Écrasée par ce fardeau, la France essore ses classes moyennes d’impôts et de taxes, incapable de maintenir ses services publics et de financer des projets d’envergures assurant son indépendance. C’est ainsi que la France a raté toutes les principales révolutions technologiques de ces quarante dernières années et que la qualité de vie des Français ne cesse de se détériorer.
L’ironie de l’histoire est que le système qui va peu à peu prendre la place va s’avérer être bien pire que le circuit du Trésor d’un point de vue strictement libéral. C’est ce que nous verrons dans la prochaine partie.
Ian Purdom