Le 26 octobre 2024, les Géorgiens étaient appelés aux urnes pour élire leurs nouveaux députés. Le parti au pouvoir a remporté le scrutin avec 54% des suffrages contre près de 38% pour les oppositions représentées (il fallait avoir 5% minimum pour avoir des députés).
Un observateur international sur place
Présent en tant qu’observateur international à ces dernières élections géorgiennes, j’ai été absolument scandalisé par le traitement médiatique et politique qui en a été fait en Europe et en Occident en général.
Dans la plupart des pays qui se prétendent démocratiques, dont la France bien entendu (alors que nous connaissons tous, le sort du vote sur la Constitution Européenne), les commentaires concernant le scrutin dans ce petit pays du Caucase ont été très généralement négatifs, même dans les médias supposés de droite.
Florilège des commentaires
Public Sénat dénonce une campagne déséquilibrée et un scrutin entaché de pressions.
Le Point « l’élection en Géorgie doit alarmer les Européens ».
Pour L’Express « le RÊVE Européen de la Géorgie, c’est fracassé sur le RÊVE Géorgien » (RG, nom du parti au pouvoir gagnant des élections).
RFI par contre se contente de relater la version officielle de la commission électorale.
Sur RTL, Étienne Gernelle (directeur du Point de François Pinault) parle de la prise de contrôle du pays par Poutine, rien de moins.
Pour France 24, les observateurs dénoncent des pressions, ok, quels observateurs ? Des bourrages d’urnes, effectivement cela a été relayé sur les télévisions, mais qui a bourré les urnes ? Quel parti avait intérêt à faire croire que les urnes étaient bourrées ? Certainement pas le Rêve Géorgien.
Le Figaro relaie les allégations de Charles Michel qui prétend, soi-disant en reprenant le rapport de l’OSCE que « les élections ont été entachées d’irrégularités » alors que si vous lisez ce rapport (à télécharger ici, en anglais), celui-ci est globalement positif.
Pour sortir de France, citons Wikipédia qui, dans la rubrique « suite » parle d’élections volées et indique que le réseau Européen des organisations d’observation, dénonce des intimidations d’électeurs et des bourrages d’urnes… ! De quel réseau Européen parle-t-on ? Pas celui de l’OSCE qui dit le contraire.
Tout cela ne ressemble pas à autre chose qu’à un journalisme de meute contre une insuffisance d’obéissance à l’Occident dominé par les États-Unis, de la part du RÊVE Géorgien.
Analyse des conditions du scrutin
Parlons du scrutin, il y avait 1.600 observateurs internationaux et 25.000 observateurs locaux représentants toutes les tendances de la vie politique Géorgienne.
Le parti « RÊVE GEORGIEN » (RG) aurait falsifié les élections, vraiment ? Ayant parcouru 8 bureaux de vote et échangé avec un grand nombre d’autres observateurs (présents sur des bureaux de vote différents), je peux vous certifier qu’il n’en n’est rien ou alors si peu, que d’éventuels incidents n’ont pu avoir qu’un effet très marginal sur les résultats.
L’organisation du scrutin avec ses multiples contrôle d’identité, marquage des votants, isoloir, comptage électronique (sans centralisation internet), scellement des urnes, anonymat garanti des votes (très important, un citoyen éventuellement intimidé peut finalement voter ce qu’il veut) etc… fut très professionnelle, et en dehors peut être de quelques cas dans les campagnes où les gens sont très conservateurs, ce scrutin m’a semblé être proche de la perfection.
On accuse le RG d’être anti-européen alors que tous les partis sans exception ont fait campagne pour l’adhésion à l’Europe.
On accuse le RG d’être pro-russe alors que dans ce pays ou les Russes ont confisqué 25% du territoire lors de la guerre de 2008 et fait des milliers de morts, aucun parti se revendiquant pro-russe pourrait avoir la moindre chance de recueillir des votes.
Dans les faits, le RG veut simplement éviter de provoquer la Russie et refuse de participer à la guerre en Ukraine et de tomber dans le piège de l’ouverture d’un second front.
Pourquoi un tel déchainement anti-RG ?
Il s’avère que ce parti est un parti conservateur, un peu à la manière de Viktor Orbán en Hongrie et que ses dirigeants ont pris récemment des mesures afin d’empêcher les actions des mouvements LGBT et de cadrer les actions des ONG en limitant leurs financements étrangers (y compris russes) ; effectivement on peut penser que l’ami Soros n’est pas très content.
Puisque nous sommes sur le sujet des critiques médiatiques et de la soi-disant fraude électorale, c’est bizarre que personne ne considère comme manipulation électorale le fait que suite aux deux mesures susmentionnées, la Commission européenne ait gelé le processus d’adhésion de la Géorgie à l’Europe juste quelques mois avant les élections législatives.
J’oubliais, l’Union européenne a aussi laissé entendre que si le résultat du vote ne lui convenait pas, celle-ci pourrait remettre en place l’obligation de visas pour les Géorgiens voulant voyager en Europe (la plupart ayant de la famille à l’Ouest et les files d’attente pour l’obtention de visas sont un très mauvais souvenir dans ces anciens pays de l‘Est).
Le message était parfaitement clair, si vous voulez que votre pays adhère à l’Union européenne, ne votez pas pour ce parti « RÊVE GEORGIEN ». On doit comprendre que pour beaucoup ce parti de RÊVE est visiblement devenu un CAUCHEMAR.
En attendant, Les Géorgiens vont pouvoir continuer à vivre en paix et dans la prospérité (près de 10% de croissance annuelle ces dernières années). Quand un pays conservateur réussit, c’est vraiment intolérable.
Alain Pelayo
Source : Observatoire du journalisme