Twitter Files :
- après l’État profond qui censure les révélations sur l’ordinateur portable d’Hunter Biden,
- puis l’intox de l’État profond sur la prétendue « ingérence » et « propagande » étrangère dans les élections américaines,
- et la machine à censurer de l’État profond contre les opinons républicaines et conservatrices,
voilà le quatrième coup de projecteur sur l’État profond qui utilise Twitter pour faire la propagande de ses sales petites guerres dans le monde.
Les dirigeants de Twitter affirment depuis des années que le réseau social fait des efforts concertés pour détecter et contrecarrer les campagnes de propagande secrètes soutenues par le gouvernement sur sa plateforme. Mais dans les coulisses, cependant, le géant a autorisé et fournit une protection interne au réseau de comptes et de personnalités de l’armée américaine. Le Pentagone a utilisé ce réseau, qui comprend des portails d’information et des mèmes générés par le gouvernement américain, dans le but de façonner l’opinion au Yémen, en Syrie, en Irak, au Koweït et au-delà.
Les comptes en question étaient au départ ouvertement affiliés au gouvernement américain. Mais ensuite, le Pentagone a semblé changer de tactique et a commencé à dissimuler son affiliation avec certains de ces comptes – une évolution vers le type de manipulation intentionnelle de la plate-forme à laquelle Twitter s’est publiquement opposé. Bien que les dirigeants de Twitter aient maintenu la connaissance des comptes, ils ne les ont pas fermés, mais les ont laissés actifs pendant des années ; certains le sont toujours.
Le journaliste Lee Fang a révélé le 20 décembre les résultats de ses recherches dans les documents internes de l’entreprise.
Le 26 juillet 2017, Nathaniel Kahler, à l’époque un fonctionnaire travaillant avec le Commandement central américain – également connu sous le nom de CENTCOM (une division du ministère de la Défense) a envoyé un courriel à un représentant de Twitter contenant une demande d’approbation de la vérification d’un compte et une « liste blanche » de comptes en langue arabe « que nous utilisons pour amplifier certains messages ».
À l’époque, Twitter avait mis en place un système de détection d’abus étendu visant en partie à signaler les activités malveillantes liées à l’État islamique mais aussi à d’autres organisations que les États-Unis déclarent « terroristes » (on sait ce que ça vaut de leur part) opérant au Moyen-Orient. Conséquence indirecte de ces efforts, a expliqué un ancien employé de Twitter, les comptes contrôlés par l’armée qui interagissaient fréquemment avec des groupes extrémistes étaient automatiquement signalés comme spam.
Dans son courriel, Kahler a envoyé une liste format excel de 52 comptes, demandant un traitement prioritaire pour six d’entre eux. Dont, par exemple le compte « @yemencurrent », un temps utilisé pour diffuser des annonces sur les frappes de drones américains au Yémen. À peu près au même moment, « @yemencurrent », qui n’existe plus depuis, avait accrédité l’idée que les frappes de drones américains étaient « précises » et avaient tué des terroristes, et non des civils, et encouragé l’assaut soutenu par les États-Unis et l’Arabie saoudite contre les rebelles houthis dans ce pays… D’autres comptes sur la liste se concentraient sur la promotion des milices soutenues par les États-Unis en Syrie et les messages anti-iraniens en Irak. Et encore, l’un des comptes CENTCOM est passé des messages sur les frappes de drones au Yémen en 2017 aux communications axées sur le gouvernement syrien cette année-là.
Le jour même de la demande du CENTCOM, les employés de Twitter chargé de la surveillance de « l’intégrité » du réseau social ont appliqué une étiquette d’exemption spéciale à ces comptes.
Ils assuraient ainsi la meilleure visibilité et la meilleure portée possibles à la propagande américaine sur leurs affidés dans ces guerres du Proche-Orient ou sur le dénigrement de ceux qui y résistent !
Certains de ces comptes du CENTCOM ayant obtenu une « protection spéciale » de Twitter ont même propagé de grossières « fausses nouvelles » par exemple accusant l’Iran de « menacer la sécurité de l’approvisionnement en eau de l’Irak » ou « d’inonder le pays de crystal meth », tandis que d’autres font la promotion d’allégations selon lesquelles « l’Iran prélevait les organes de réfugiés afghans »…
Selon Erik Sperling, directeur exécutif de Just Foreign Policy, une organisation à but non lucratif qui travaille à des solutions diplomatiques aux conflits étrangers :
« C’est profondément inquiétant si le Pentagone s’efforce de façonner l’opinion publique sur le rôle de nos militaires à l’étranger et pire encore si des entreprises privées aident à le dissimuler. Le Congrès et les entreprises de médias sociaux devraient enquêter et prendre des mesures pour s’assurer que, à tout le moins, nos citoyens sont pleinement informés lorsque l’argent de leurs impôts est dépensé pour donner une tournure positive à nos guerres sans fin »
À l’opposé, rappelons qu’en 2018, par exemple, Twitter a annoncé la suspension de masse des comptes liés aux « efforts de propagande » du gouvernement russe. Deux ans plus tard, Twitter s’est vantée de fermer près de 1 000 comptes associés à l’armée thaïlandaise. Mais les règles sur la manipulation des faits et la « propagande » sur la plateforme n’ont, semble-t-il, pas été appliquées aux efforts militaires américains…
Les courriels internes de Twitter montrent qu’à partir de 2020, les dirigeants de Facebook et de Twitter ont été invités par les meilleurs avocats du Pentagone à assister à des briefings classifiés dans un centre d’information à compartiments sensibles, également connu sous le nom de SCIF, utilisé pour des réunions très sensibles.
Jim Baker, lui encore (voir les précédentes révélations) alors avocat général adjoint de Twitter, écrivait que le Pentagone semblait avoir utilisé un « mauvais métier » pour créer divers comptes Twitter, cherché à couvrir potentiellement ses traces et cherchait probablement une stratégie pour éviter que se sache publiquement qu’un certain nombre de comptes sont « liés les uns aux autres ou au DoD [Departement of Defense] ou à l’USG. Le DoD pourrait vouloir nous donner un calendrier pour les fermer d’une façon étalée qui ne compromettra aucune opération en cours ni ne révélera leurs liens avec le DoD ».
L’armée américaine et la communauté du renseignement entretiennent donc depuis longtemps une stratégie à partir de profils de personnalités et organismes fabriqués de toute pièce pour amplifier certains « récits » dans des pays étrangers : l’idée étant qu’un portail d’information authentique en langue persane ou une femme afghane locale aurait une plus grande influence qu’un communiqué de presse officiel du Pentagone.
A partir de 2019, les législateurs ont adopté une mesure connue sous le nom de « section 1631 », une référence à une disposition de la loi sur l’autorisation de la défense nationale, donnant un cadre légal aux opérations psychologiques clandestines de l’armée dans le but de contrer les campagnes de désinformation en ligne de la Russie, de la Chine et d’autres adversaires étrangers…
Reste à savoir maintenant quels efforts développent l’État profond américain avec « ses services » et « ses amis » depuis des années, par exemple autour de la montée des tensions à Taïwan ou encore autour de la guerre déclarée en Ukraine, pour servir les intérêts des néo-conservateurs…
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