En matière de complots, deux écueils doivent être évités. Le premier est celui d’en voir partout. Mais il ne faut pas oublier le deuxième : celui de n’en reconnaître nulle part ! L’une des meilleures illustrations qui s’étale sous nos yeux depuis quelques semaines est celle du scandale des « Twitter Files » révélé depuis le rachat du réseau social par Elon Musk.
Dans une série de tweet, plusieurs journalistes et auteurs, Matt Taibbi, Bari Weiss et Michael Shellenberger, ayant eu accès à des documents confidentiels internes du réseau social, expliquent et démontrent le système qui a été mis en place durablement pour tromper ou intoxiquer le grand public. On voit ainsi comment des responsables du Parti démocrate américain, le FBI et le service de « modération » de Twitter ont conspirés pour minimiser, contrer voire empêcher que soient portées au yeux de tous les affaires qui traînent derrière Joe Biden (en relation avec son fils et l’Ukraine) ou, au contraire, pour accréditer l’existence d’une collusion entre Donald Trump et « la Russie » ou « d’ingérences étrangères » dans la campagne électorale.
On est bien au-delà de l’anecdote ou du « buzz » médiatique : les agissements de ces conjurés de l’État profond américain n’ont peut-être pas contribué pour rien à empêcher la réélection d’un président des États-Unis et à aider son concurrent à accéder à la Maison-Blanche !
Un système qui concerne spécifiquement Twitter et les États-Unis en l’espèce. Mais on ne peut que s’interroger sur les pratiques d’autres plateformes médiatiques aussi puissantes et sur leurs possibles déclinaisons dans d’autres pays, par exemple en France ?
Premier coup de projecteur : la censure des révélations du portable d’Hunter Biden
Peu avant la présidentielle de 2020, des cadres de Twitter ont décidé d’entraver l’accès à des révélations du New York Post sur le fils de Joe Biden.
La première série de documents des Twitter Files a été dévoilée le 2 décembre par Elon Musk, prouvant une « ingérence » de Twitter dans les précédentes élections américaines à travers le scandale lié à l’ordinateur portable de Hunter Biden, le fils de l’actuel président des États-Unis Joe Biden.
Avant-hier, 19 décembre, Michael Shellenberger a développé comment les documents démontrent que services de renseignement américains ont déployé un « effort organisé » afin de discréditer les informations divulguées sur le fils du président démocrate, à la fois avant et après la parution, le 14 octobre 2020, de l’article explosif du New York Post sur le sujet (Voir : Hunter Biden : le rapport sur les fichiers compromettants de son portable).
Les documents internes à Twitter qui viennent d’être rendus publics – des échangent d’e-mails entre employés et avec des responsables politiques – lèvent le voile sur le processus qui a mené à cette décision controversée, prise dans l’urgence par des cadres et notamment l’ex-responsable juridique Vijaya Gadde, sans même que le patron de l’époque Jack Dorsey n’en soit informé. En filigrane, il apparaît que le climat, à savoir les accusations d’ingérence et de piratages russes en tous genres incessamment alimentées par les médias, les services de renseignement américains et le camp démocrate, auraient été le terreau de cette décision controversée de censure.
A cette époque, Twitter a pris des mesures extraordinaires pour limiter la diffusion de l’article du New York Post, affichant des avertissements indiquant que cet article pouvait être « dangereux » et allant jusqu’à bloquer son partage par messages privés, une mesure jusqu’alors réservée aux cas extrêmes, comme la pédopornographie. La veille de sa publication par le New York Post, l’agent du FBI Elvis Chan aurait envoyé une dizaine de documents au responsable de la sécurité de Twitter, Yoel Roth, avant que l’entreprise, imitée par Facebook, ne limite drastiquement l’accès à l’article.
Alors que l’article du New York Post du 14 octobre 2020 ne viole aucune des règles de Twitter, selon Yoel Roth lui-même, Jim Baker – l’ancien directeur juridique de Twitter et ex-avocat général du FBI entre 2016 et 2017 – martèle alors qu’il s’agit de « matériels piratés » et « douteux », et finit par en convaincre les autres responsables de l’entreprise !
Après la publication de l’article du New York Post, cette justification des « matériels piratés » est alors rapidement devenu l’argument massue du réseau social pour entraver l’accès aux informations sur cette affaire. Or cette justification était contestée en interne chez Twitter, les informations sur cette affaire provenant d’un ordinateur portable oublié par Hunter Biden dans un magasin – l’ordinateur n’ayant donc pas été « piraté ».
Selon le journaliste et les documents auxquels il a eu accès, les grandes plateformes ont malgré tout largement censuré l’article consacré à l’ordinateur portable d’Hunter Biden :
« En fin de compte, la campagne de persuasion et d’influence du FBI ciblant les responsables des médias, de Twitter et d’autres réseaux sociaux a fonctionné ».
Avant même la publication, dès septembre 2020, Elvis Chan (FBI) et Yoel Roth (chef du service de « modération » de Twitter) ont mis en place un canal de communication direct entre le FBI et Twitter, ainsi qu’une « salle de guerre virtuelle », suggérant une anticipation méthodique d’une crise imminente. Une préparation également assurée par un briefing du FBI à l’attention de Jim Baker (il a été récemment renvoyé par Elon Musk pour ses dissimulations et ses initiatives arbitraires en matière de censure sur le réseau).
Plus généralement, pendant toute l’année 2020, le FBI aura incité Yoel Roth à écarter les informations sur le fameux ordinateur portable, alléguant qu’elles seraient liées à une opération de piratage et de fuite de documents russe, dans un climat général de crainte d’ingérences de Moscou dans la campagne présidentielle.
Par la suite, Jim Baker a même adressé au FBI une lettre de remerciements pour saluer le travail de ses agents. Et la plateforme a pu aussi y gagner financièrement. En effet ce travail d’influence et cette coopération poussée ont aussi été facilités par des paiements directs du FBI à Twitter, selon Michael Shellenberger, puisque le FBI aurait versé près de 3,5 millions de dollars à la plateforme pour la récompenser de ses bons et loyaux services.
D’après Michael Shellenberger, une véritable opération de persuasion et d’influence a ainsi été menée par le FBI pour discréditer les informations publiées et les relier, sans que jamais la preuve n’en soit rapportée, à une « ingérence » ou « interférence » russe, à part en relayant des articles de presse eux-mêmes alimentés par des informations savamment distillées par des sources gouvernementales et du renseignement.
À suivre…
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