Le président turc Recep Tayyip Erdogan, faisant face à une pluie de critiques en Turquie et à l’international sur sa façon de conduire le pays, s’est lancé dans une croisade visant à faire taire ses détracteurs. Jeune nation a déjà parlé de ses méthodes dans son propre pays lorsqu’il avait fait saisir et placé sous tutelle gouvernementale un journal d’opposition ou fait embastiller des universitaires accusés de « promouvoir le terrorisme ». Erdogan use désormais des moyens de l’État turc pour poursuivre sa petite vendetta à l’extérieur.
Le 12 avril dernier, le procureur de Mayence en Allemagne a confirmé avoir reçu une plainte déposée en son nom par Recep Tayyip Erdogan en raison d’un « poème » turc satirique lu sur une chaine de télévision par un humoriste. La Turquie a exigé des poursuites pénales pour « insulte à un représentant d’un État étranger », délit passible de trois ans de prison. Il faut néanmoins qu’une demande officielle soit déposée et qu’elle soit autorisée par le gouvernement… Et le 22 avril, lors d’un rassemblement de soutien à cet humoriste, le leader du parti pirate allemand a été interrompu dans la lecture du poème satirique par la police qui l’a arrêté pour ce même délit.
Ce même 22 avril, on apprenait par le premier ministre néerlandais que l’ambassade de Turquie a fait circuler un appel à dénoncer les individus insultant le pays, le peuple turc, ou son dirigeant auprès des Turcs vivant aux Pays-Bas.
Le 23 avril, une journaliste néerlandaise d’origine turque a été arrêtée par la police turque puis relâchée quelques heures plus tard avec l’interdiction de rentrer aux Pays-Bas pour quelques tweets visant le président turc.
Le 24 avril, en Suède, l’ambassade de Turquie à Stockholm a exercé des pressions afin d’annuler la diffusion d’un documentaire qui traite du génocide arménien. Dans un communiqué publié sur le site Web de TV4, Viveka Hansson, directrice des programmes de la chaîne, explique qu’elle a reçu un e-mail d’Arif Gulen, l’attaché de presse de l’ambassade de Turquie lui demandant de « reconsidérer la décision » de diffuser un documentaire historique qui aborde les massacres d’Arméniens et d’autres minorités chrétiennes commis par l’Empire ottoman en 1915.
Tout dernièrement, Ankara a exigé de la Suisse qu’elle supprime d’une exposition publique une photo d’un jeune garçon qui a été mortellement blessé en juin 2013 lors des manifestations de masse contre Recep Tayyip Erdogan dans le parc Gezi à Istanbul. Le maire de Genève a refusé ces pressions.